M le maudit (1931) : le test complet du Blu-ray

M

Combo Blu-ray + DVD - Version Intégrale Restaurée

Réalisé par Fritz Lang
Avec Peter Lorre, Otto Wernicke et Gustaf Gründgens

Édité par Tamasa Diffusion

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Le 06/05/2019
Critique

Un tueur en série d’enfants terrorise Berlin, traqué par la police et par la pègre. Un chef-d’oeuvre du cinéma, à voir et revoir !

M le maudit

Berlin, au début des années 30. Un tueur d’enfants vient de faire une nouvelle victime. La police multiplie alors les rafles dans les bas-fonds. Gênée par toute cette agitation, la pègre décide de traquer le criminel…

M le maudit (M - Eine Stadt sucht einen Mörder), sorti en 1931, le premier film parlant de Fritz Lang, sur un scénario coécrit avec Thea von Harbou, sa compagne d’alors, s’inspire librement de l’affaire de Peter Kürten, un tueur en série arrêté en 1930, qui fut surnommé le « vampire de Düsseldorf ». Il fait partie de ces oeuvres faisant renaître le souvenir indélébile d’images indissociables, à la simple évocation de son titre.

Du habst aber einen schönen Ball. Wie heißt du denn?

« Tu as un bien joli ballon. Comment t’appelles-tu ? » sont les premiers mots prononcés par le meurtrier dont l’ombre recouvre l’affiche promettant une récompense à qui donnerait des informations permettant son arrestation, sur laquelle une fillette, Elsie, fait rebondir son ballon. L’autre vision ineffaçable est celle de la vitrine d’une coutellerie où le reflet du visage du meurtrier se superpose aux couteaux, puis à celui d’une fillette, associée au sifflotement énervé de la mélodie Dans l’antre du roi de la montagne de Peer Gynt, annonciateur de la montée des pulsions du tueur. Ou encore cette vue en plongée d’une cage d’escalier vide dans laquelle se perd l’appel angoissé d’Elsie par sa mère.

Aber ich kann nicht! Kann mir nicht entkommen!

Mais l’empreinte la plus forte est certainement laissée par la peur primale qui se lit sur le visage de Peter Lorre. Animal capturé par une foule qui veut le lyncher, il tente d’expliquer que ce n’est pas lui le tueur, mais cet autre homme qui le suit, qui l’habite probablement, à la volonté duquel il ne peut se soustraire : « Mais je ne peux pas ! Je ne peux pas m’échapper ! ». Une scène bouleversante, une fantastique performance de Peter Lorre !

M le maudit sera l’avant-dernier film que Fritz Lang tournera en Allemagne qu’il fuira devant la montée en puissance du nazisme. Le Testament du Dr. Mabuse (Das Testament des Dr. Mabuse, 1933) que Tamasa Diffusion réédite simultanément, sera le dernier, suivi de Liliom (1934), tourné en France, puis de Furie (Fury, 1936), la première oeuvre de sa période américaine. Il ne reviendra en Allemagne qu’en 1959 pour le tournage du diptyque Le Tigre du Bengale (Der Tiger von Eschnapur) et Le Tombeau Hindou (Das indische Grabmal).

M le maudit a plusieurs dimensions. Celle d’un film noir, sur la traque du meurtrier, occupe la première partie du récit. Filmée et montée avec une grande maîtrise de l’écriture cinématographique, elle n’est pourtant pas essentielle, puisque le spectateur connaît l’identité du tueur en série quinze minutes après le générique.

Une seconde dimension, assez cachée, dévoile les drames causés par la crise économique, par exemple dans la séquence de la descente de police dans le dortoir et le réfectoire d’un abri de sans-logis, puis dans celle où le prix des sandwiches affiché à la craie dans une brasserie est réactualisé dans la journée pour rattraper une inflation galopante.

Enfin, la troisième dimension tient à l’humanisme qui imprègne, dans la deuxième partie du film, la parodie de procès dans laquelle un « avocat », désigné d’office par le « président du tribunal » (un truand auteur de trois meurtres), s’évertue à plaider que son « client » ne peut être condamné pour des actes qu’il a été poussé à commettre par une force qu’il ne peut maîtriser, ce qui vaudra au film d’être banni par le régime hitlérien.

M le maudit

Présentation - 4,0 / 5

M le maudit (111 minutes) et son supplément (42 minutes) tiennent, dans cette édition combo, sur un Blu-ray BD-50 et un DVD-9 logés dans un digipack noir.

Un avertissement rappelle que le film a été longtemps distribué avec des scènes manquantes, une image souvent recadrée, des ambiances sonores ajoutées à des scènes qui devaient être muettes. La restauration opérée en 2011 a reconstitué une durée de 111 minutes (le montage soumis en 1931 à la censure durait 117 minutes) et corrigé l’instabilité due à une détérioration des perforations.

Le menu fixe et sonore propose le film dans sa version originale, avec sous-titres imposés qui auraient pu être placés plus bas sur l’image.

À l’intérieur du digipack, un livret de 16 pages avec des extraits du dossier pédagogique rédigé par Mireille Kentzinger pour l’opération Lycéens et apprentis du cinéma, sous la direction du CNC. Le choix de vite dévoiler l’identité du tueur invite le spectateur à réfléchir sur les enjeux moraux et sociétaux du récit découpé en scènes autonomes, à la manière d’une série, dans un montage discontinu de l’image et du son, alterné ou parallèle, « un choix narratif qui donne au spectateur des clés que n’ont pas les personnages (ce qui…) lui permet de juger, d’avoir un recul critique ». Le dossier se termine sur l’analyse de la scène de la traque de M dans la rue avec le renvoi à 22 photos de plans.

M le maudit

Bonus - 3,0 / 5

Un chef d’oeuvre visionnaire (42’, 1.78:1, 1080i, AVC) par Faruk Günaltay, directeur du Cinéma L’Odyssée à Strasbourg. Le titre envisagé, Les Assassins sont parmi nous, vu par le propriétaire de l’usine désaffectée où fut tourné le procès comme une allusion au parti nazi, fut abandonné. Fritz Lang démontre une maîtrise de l’utilisation du son, remarquable pour un premier film sonore. Le chroniqueur est fasciné par la scène où M, terrorisé, réagit aux coups de sifflet des hommes qui l’ont repéré dans la rue et souligne le choix des « gueules » des figurants. Le scénario met en évidence l’inefficacité des institutions, celles de la République de Weimar, incapables d’arrêter le tueur en série. Faruk Günaltay voit dans M une prémonition de ce qui attend l’Allemagne : l’élimination de l’élément étranger qui dérange l’équilibre social. Fritz Lang maîtrise l’art de l’ellipse, cette faculté du cinéma de suggérer sans montrer : par exemple le ballon qui roule dans l’herbe, celui d’Elsie, suffit à indiquer que la fillette a été assassinée. On ressent dans M une constante du cinéma de Fritz Lang, la difficulté de discerner l’apparence de la réalité, l’ombre de la lumière, le visible de l’invisible, la culpabilité de l’innocence…

M le maudit

Image - 4,0 / 5

L’image (1080p, AVC) est au format 1.20:1 (et non de 1.37:1, comme indiqué au dos du digipack), le format des premiers films parlants : l’image devait céder sur la pellicule un espace à la piste sonore.

La restauration de l’image procure, dans l’ensemble, une excellente définition (on voit, par exemple, tous les détails d’un plan de la ville étalé sur une table ou placardé au mur), mais aussi des contrastes marqués avec des noirs denses et une bonne finesse du dégradé de gris, dans les scènes de jour comme dans les clairs-obscurs des scènes de nuit. On relève toutefois quelques défauts, taches, rayures ou pompage (par exemple à 23’05”), assez occasionnels pour se faire oublier.

Son - 4,0 / 5

Le son Dolby Digital 1.0, resté en définition standard, est cependant d’une qualité d’ensemble plutôt satisfaisante avec une dynamique adéquate pour un film de cet âge et une relative propreté : très peu de craquements se font entendre, mais le souffle, parfois très faible, se fait plus fort à l’occasion. Les voix, toujours clairement audibles, sont parfois trop réverbérées.

Crédits images : © Tamasa Diffusion

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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Philippe Gautreau
Le 8 juin 2015
Un des chefs-d’œuvre du début du parlant, une des réalisations majeures de Fritz Lang. À l’intensité poignante du scénario s’ajoute une grande beauté formelle. Un film essentiel qu’on voit et revoit, sans jamais se lasser !
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Franck Brissard
Le 17 avril 2015
Pas de commentaire.

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M le maudit
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