Police sur la ville (1968) : le test complet du Blu-ray

Madigan

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Don Siegel
Avec Richard Widmark, Henry Fonda et Inger Stevens

Édité par Elephant Films

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Le 18/03/2019
Critique

Police sur la ville

New York, USA du vendredi 9 au dimanche 11 juin 1967 : les inspecteurs de police Madigan et Bonaro ont trois jours, ultime délai fixé par leur hiérarchie, pour retrouver Benesh, un pervers meurtrier d’une extrême violence qui leur a échappé en volant leurs armes.

Police sur la ville (Madigan) (U.S.A. 1968) de Donald Siegel est un film noir policier américain désormais classique dont la connaissance est fondamentale pour la compréhension de l’évolution du genre d’une part, pour celle de la filmographie de Siegel (1912-1991) d’autre part. Comme souvent chez Siegel, il s’ouvre et se conclue par une séquence d’action d’une extrême violence qui dégage une puissance émotionnelle comme physique impressionnante.

Son scénario, à la gradation dramatique savamment dosée, brosse plusieurs séries de constat d’échecs individuels ou collectifs. Les personnages féminins incarnés par Inger Stevens (un de ses plus beaux rôles), Sheree North, Susan Clark, Rita Lynn sont toutes objectivement amoureuses d’êtres pour qui le goût du risque ou le sens du devoir prime sur le goût de la vie commune qu’elles aimeraient recevoir. Elles sont donc vouées à l’insatisfaction. La police est menacée par la corruption tout comme la ville qu’elle doit protéger et elle n’y échappe elle-même pas toujours : l’inspecteur en chef Kane (joué par James Whitmore) est ainsi confondu par l’enregistrement d’une conversation. Pire : les inspecteurs Madigan et Bonaro agissent à plusieurs reprises comme des voyous pour remonter la piste de Benesh : ils manipulent ses victimes (l’acteur-nain Michael Dunn toujours aussi étonnant) comme ses complices (Don Stroud en proxénète marginal interpellé puis interrogé dans un cinéma où on projette Tobrouk, commando pour l’enfer (Tobruk) (USA 1967) d’Arthur Hiller). Une fois qu’ils l’ont localisé, le déploiement professionnel et tactique n’empêchera pas l’un d’eux de mourir.

Police sur la ville

Le héros Madigan - assez typique des héros souvent misanthropes et asociaux de Siegel - combat à la fois les tensions internes qui ruinent son couple et le mal objectif qui ruine la ville qu’il protège mais ce combat, à mesure que passe le temps, l’isole tragiquement de tous et le rapproche de l’inévitable. Ce que Siegel montre tout au long du film est ce qu’il abandonne progressivement : la séduction de la vie, notamment symbolisée par sa maîtresse, la chanteuse jouée par Sheree North. D’où l’angoisse de mort qui monte au fur et à mesure que le film progresse en niant l’un après l’autre chacun des éléments positifs auxquels le spectateur pouvait encore se raccrocher. C’est cette réalité riche, complexe et qui a pris le temps de s’installer, que Siegel annule in extremis d’une manière brutale. Raison pour laquelle Police sur la ville est assurément un de ses titres les plus sombres et les plus désespérés.

Dans sa filmographie, des titres majeurs mais plus anciens tels que L’Ennemi public (Baby Face Nelson) (USA 1957) et À bout portant (The Killers) (USA 1964) n’avaient pas encore l’ampleur plastique conférée par l’usage de l’écran TechniScope. Il permet ici d’allier, dès le somptueux générique d’ouverture (renié par Siegel mais à tort selon moi), le réalisme à un baroque insidieux d’une manière très spectaculaire. Le thème de la corruption de la grande ville annonce celui de son film noir policier suivant, tourné la même année, Un Sherif à New York (Coogan’s Bluff) (USA 1968). L’esthétique du format TechniScope annonce celle de L’Inspecteur Harry (Dirty Harry) (USA 1971). L’interprétation regroupe un nombre impressionnant d’excellents acteurs : Richard Widmark colle d’ailleurs si parfaitement au rôle-titre américain qu’une série télévisée homonyme (inutile et médiocre rapportée au film de Siegel) fut ensuite tirée en 1972 de son personnage. Inger Stevens et Sheree North apparaissent ici au sommet de leur beauté respective. C’est, en outre, sur ce film noir policier de Siegel que le scénariste Abraham Polonsky qui avait signé autrefois comme réalisateur L’Enfer de la corruption (Force of Evil) (USA 1948) revint au cinéma sur un générique après sa mise à l’écart en raison de son fichage sur la « liste noire » des auteurs suspectés de communisme.

Police sur la ville

Une mention spéciale pour la séquence final d’assaut de Police sur la ville : c’est l’une des séquences les plus impressionnantes jamais filmées par Siegel. Elle marque une date dans la para-histoire du cinéma mondial de la violence et dans celle du film noir policier américain, tout aussi bien. Les unités SWAT n’avait pas encore été créées en 1967 (année où se passe l’action, ainsi que l’attestent les calendriers accrochés à certains murs) mais on peut remarquer l’utilisation de fusils juxtaposés à canon long en calibre 12, dénué de chiens apparents, pour faire sauter la serrure de la porte d’un appartement. Durant les années 1960-1970, la police américaine disposa effectivement de telles armes. Les armes de poing (Smith&Wesson 10 et 10 court, S&W 36, Colt Detective) sont des armes réglementaires anciennes (le Colt) ou plus récentes (les S&W). Leurs calibres 38 ne font pas tout à fait le poids face au cal. 45 ACP du pistolet semi-automatique Colt 1911A1 utilisé par Benesh qui préfère cette arme de guerre pour s’assurer la supériorité du feu. A noter qu’il l’utilise en intérieur, mais qu’il porte en extérieurs les revolvers dérobés aux inspecteurs : question réaliste de poids et d’encombrement. Sur le plan tactique, on peut remarquer que l’évacuation des voisins de l’appartement débute alors que le combat a déjà commencé : la discrétion est certes devenue inutile mais la sécurité aurait dû primer. Les gilets pare-balles font leur apparition mais on les néglige : à tort et la suite le prouvera. Toujours est-il que cette séquence, filmée avec une sobriété et un montage sec qui augmentent encore son réalisme et sa puissance, rassemble le meilleur stylistique du cinéma de la violence des années 1960 et annonce par sa démesure, contrôlée mais régulièrement forcenée, les excès des années 1970.

Police sur la ville

Présentation - 4,0 / 5

1 édition combo Blu-ray 50 en Full HD 1080p + DVD 9, édité le 28 février 2019 par Eléphant. Durée du film : 101 min. environ, image 2.35 TechniScope en Technicolor, DTS HD MA 2.0. mono VF d’époque et VOSTF, bonus (présentation par J. Comelli, BA originale en 2.35 et VOSTF, BA autres titres de la même collection, galerie photos de plateau, couleurs et N&B). A noter que les avertissements (anti-piratage, etc.) s’inscrivent sur une photo couleurs de plateau qui fut utilisée en 2005 comme jaquette par l’ancien DVD Universal. A noter aussi que l’ancien DVD Universal privilégiait le titre américain original mentionné en grandes lettres alors que ce Blu-ray Eléphant privilégie le titre français d’exploitation. Seul le Blu-ray a été testé.

Police sur la ville

Bonus - 3,0 / 5

Cette nouvelle édition Blu-ray Eléphant de 2019 répare les dégâts de l’ancienne édition DVD Universal de 2005 concernant les suppléments : on a droit ici à une édition spéciale.

Présentation par J. Comelli(durée 20 min. environ) : elle examine au pas de charge (le débit est si rapide qu’il est parfois difficile à saisir) la place du titre dans l’histoire du film noir américain tourné en extérieurs réels, dans la filmographie de Siegel, puis la genèse de son scénario et son tournage (difficile). Quelques remarques sur Inger Stevens, Richard Widmark, Henri Fonda, le format TechniScope et la musique, enfin sur la série TV homonyme de 1972 avec Widmark, bouclent l’ensemble, bien monté et bien illustré. Celui qui veut en savoir (bien) davantage pourra se reporter aux souvenirs de Siegel dans l’entretien qu’il accorda à Peter Bogdanovitch, Les Maîtres d’Hollywood tome 2, traduction française aux éditions Capricci, Paris 2018. Siegel y confirme qu’en dépit des divers problèmes qu’il rencontra, Police sur la ville (dont il n’aimait pas le titre original américain Madigan pour diverses raisons) demeure un de ses films préférés.

Police sur la ville

Galerie photos  : c’est le meilleur bonus, le plus important car présentant des documents d’histoire du cinéma de première main, bien restaurés et bien proportionnés à leur vision sur TV grand écran actuelle. Il comporte une quinzaine de de photos de plateau, couleurs et N&B, dotées d’une excellente définition. Aucun numéro relevé en bas à gauche ni en bas à droite donc un léger détourage est possible mais les documents demeurent néanmoins beaux. Les deux photos les plus connues sont N&B et montrent d’une part Richard Widmark frappé par des impacts, d’autre part Inger Stevens révoltée par l’annonce de la mort de son époux, soutenue par Harry Guardino et faisant face à Henri Fonda de dos en amorce. Ce sont elles qui avaient choisies pour illustrer le film dans la première petite étude bio-filmographique éditée aux USA sur Siegel dans la collection Hollywood Professionals. Un regret cependant : l’absence du jeu américain des 8 « lobby cards » originales américaines et celle du jeu français d’exploitation.

Bande Annonce originale VOSTF et 2.35 respecté : en état argentique médiocre mais au format correct et intéressante par ses divers slogans qui montrent clairement que Universal considérait ce film comme une série A et non pas comme une série B.

Bandes annonces (VOSTF) de 3 titres édités dans la même collection : Chacal, Les Loups de haute mer, Un hold-up extraordinaire.

Bref, au total, une honorable édition spéciale mais évidemment pas une édition collector.

Police sur la ville

Image - 5,0 / 5

Format respecté TechniScope 2.35 compatible 16/9 en Technicolor, photographié par le grand directeur de la photographie Russell Metty. Copie argentique bien restaurée, bien nettoyée de toute les poussières négatives qui défiguraient l’ancien DVD Universal édité en 2005. Couleurs belles, définition précise, bonne gestion des noirs. Parfait équilibre entre grain et lissage. À noter la présence du grand Albert Whitlock aux effets spéciaux et celle du vétéran maquilleur Bud Westmore, bien connus tous deux des cinéphiles amoureux du cinéma fantastique.

Police sur la ville

Son - 5,0 / 5

DTS HD Master Audio Mono 2.0 d’origine en VOSTF et VF d’époque : nécessaire et suffisant pour le cinéphile francophone. Les deux pistes sont en excellent état technique, toutes les deux dynamiques et nettes. Exit les nombreuses autres pistes audio et les nombreux autres ST disponibles avec menus disponibles dans toutes ces langues qu’on trouvait sur l’ancien DVD Universal de 2005. La VF d’époque est excellente même si la voix française de Richard Widmark est, pour l’auditeur cinéphile, celle de Kirk Douglas. Elle lui va ici très bien. La VF d’époque est, en outre, nettement mieux synchronisée que sur l’ancien DVD Universal.

Police sur la ville

Crédits images : © Elephant Films

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
Avis

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francis moury
Le 4 juin 2019
Film noir policier charnière dans la filmographie de Don Siegel, cinéaste de la violence par excellence.

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