The Intruder (1962) : le test complet du Blu-ray

Réalisé par Roger Corman
Avec William Shatner, Frank Maxwell et Beverly Lunsford

Édité par Carlotta Films

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Le 03/05/2019
Critique

Un film noir policier âpre et violent avec William Shatner et réalisé par Roger Corman.

The Intruder

Sud des USA, 1961 : Adam Cramer arrive à Caxton, une petite ville dont le lycée va s’ouvrir le lundi suivant à une dizaine d’élèves noirs. Ce militant fanatique appartient à la « Patrick Henry Society », une organisation raciste influente, basée à Washington et prête à tout pour maintenir, coûte que coûte, la ségrégation.

The Intruder (I Hate Your Guts / Shame) (USA 1961) de Roger Corman est un film noir policier âpre et violent. Produit et réalisé par Corman entre deux titres de sa célèbre série Edgar Poe, à savoir La Chambre des tortures (Pit and the Pendulum) (USA 1961) et L’Enterré vivant (The Premature Burial) (USA 1962), il fut tourné non pas en Alabama ou au Mississippi mais, par prudence, au Missouri donc moins au Sud. Cela ne suffit pas à empêcher le tournage de devenir réellement dangereux car les endroits sélectionnés avaient été témoins de faits pires que ceux imaginés par le scénario de Charles Beaumont qui adapta son roman et tint le rôle du proviseur. Peut-être Beaumont voulut-il rendre hommage, en choisissant ce titre, à celui du roman de William Faulkner, L’Intrus (Intruder in the Dust) (1948) qui avait été platement adapté au cinéma par Clarence Brown (1949) mais dont le sujet était thématiquement proche, notamment dans la dernière partie de son propre script. The Intruder fut un échec financier aux USA. Corman l’exploita ensuite, dans l’espoir de le rentabiliser sur la durée, sous divers titres alternatifs de reprise dont celui de I hate your guts ici visible au générique d’ouverture.

The Intruder s’inscrit dans une lignée thématique classique de l’histoire du cinéma américain comprenant des titres aussi divers que Naissance d’une nation (USA 1915) de D.W. Griffith, Storm Warning (USA 1951) de Stuart Heisler, Dans la chaleur de la nuit (USA 1967) de Norman Jewison, L’Homme du clan (The Klansman) (USA 1974) de Samuel Fuller, Dressé pour tuer (White Dog) (USA 1982) de Samuel Fuller, Mississippi Burning (USA 1988) d’Alan Parker, La Main droite du diable (Betrayed) (USA 1988) de Costa-Gavras. Son générique d’ouverture demeure un modèle d’instauration filmique : des images neutres précisément montées sur une musique paroxystique et qui acquièrent du coup une prophétique valeur dramatique. La mise en scène alterne des effets éprouvés mais parfaitement réalisés (fondus, superposition d’images) avec d’autres plus novateurs (caméra portée à l’épaule, mouvements brefs et nerveux). La photographie flirte plus d’une fois avec l’esthétique du cinéma fantastique que Corman servait alors en maître. Le jeu de l’acteur William Shatner, soigneusement dosé et nuancé, s’approche parfois néanmoins de l’expressionnisme sans oublier une remarquable interprétation avec mentions spéciales pour l’érotique Jeanne Cooper sans oublier Leo Gordon et Frank Maxwell, tous deux remarquables. L’esthétique de la mise en scène allie discrètement mais efficacement un baroque brutal à un réalisme quasi-documentaire voire même au néo-réalisme concernant son casting constitué aussi de non professionnels noirs tous remarquables de vérisme dramaturgique. The Intruder est, au total, vraiment un titre à part dans la filmographie de Corman (habituellement vouée au meilleur cinéma de genre alors qu’ici il s’attaque au cinéma du réel le plus abrupt par le biais du film noir policier) tout en demeurant cormanien par plusieurs aspects : il mérite assurément d’être dorénavant reconnu comme un grand film classique à l’égal des chefs-d’oeuvres de sa série Edgar Poe (1960-1964) ou de ses autres très grands films noirs policiers que sont L’Affaire Al Capone (The St. Valentine’s Day Massacre) (USA 1966) et Bloody Mama (USA 1970).

Henri Langlois révéla puis projeta régulièrement The Intruder à la Cinémathèque française du Palais de Chaillot mais ce titre, d’une actualité sociologique évidente et d’une intensité dramatique rigoureuse, demeura pourtant pratiquement inédit commercialement chez nous. Il n’a été distribué en circuit normal que tout récemment par Carlotta, en 2018. Pendant longtemps, The Intruder demeura donc un titre mythique, confidentiel et paradoxalement davantage connu par les spécialistes du cinéma fantastique (car ils étaient ceux qui connaissaient le mieux la filmographie de Corman) que par ceux du film noir policier. Dans le hall d’entrée ou les escaliers du Palais de Chaillot, certains étaient donc capables vers 1970 ou 1980 ou 1990 de comparer les lunettes noires portées par le Cramer joué par Shatner dans The Intruder à celles portées par l’extra-terrestre joué par Paul Birch dans Not of This Earth (USA 1957) de Roger Corman (*). Quant aux masters vidéos occasionnellement montrés sur les télévisions privées américaines ou européennes, ils étaient souvent fabriqués à partir de copies argentiques très sales et recadrées. On peut donc véritablement dire que la sortie cinéma Carlotta 2018 et cette édition vidéo Carlotta 2019 constituent une renaissance attendue de The Intruder depuis presque 60 ans.

(*) Not of This Earth est visible dans l’intéressant coffret Artus Films Les Monstres viennent de l’espace, édité en 2012, contenant 4 films de science-fiction.

The Intruder

Présentation - 4,0 / 5

1 Blu-ray 50 région B et 1 DVD 9 Pal MPEG-2 édités le 10 avril 2019 par Carlotta Format image 1.85 N&B, son DTS Master Auddio HD Mono 1.0. VOSTF sur le Blu-ray. Durée du film : 83 min environ sur le Blu-ray, 80 min. environ sur le DVD. Supplément vidéo : entretiens avec Roger Corman et William Shatner (environ 10 min) et bande annonce de la sortie cinéma Carlotta 2018. Menu principal utilisant une belle superposition visible vers le milieu du film et rendant hommage aux codes couleurs (noir et jaune) de la célèbre collection Série noire éditée par Gallimard. L’idée n’est pas neuve (Studio Canal l’avait exploitée en son temps pour une collection DVD de films noirs policiers) mais elle est bien réalisée et produit un bel effet. La photo d’illustration des deux boîtiers, correspond à une « production still » (photo de production) de 1961 : elle a donc valeur historique en dépit du détourage. Seul le Blu-ray a été testé.

The Intruder

Bonus - 2,0 / 5

Entretiens croisés avec le cinéaste Roger Corman et l’acteur William Shatner (VOSTF, 16/9 couleurs + N&B, durée 10 min. environ). Corman résume, d’une manière très vivante, les conditions du tournage et sa volonté de réalisme. Le lecteur curieux d’en savoir plus se reportera avec profit à la traduction française de son autobiographie récemment parue chez l’éditeur Capricci. Corman dit une chose particulièrement intéressante : Cramer tiendrait un double langage avec tout le monde. Si on se souvient que c’est l’une des caractéristiques de l’inconscient selon Freud et que Corman tournait alors simultanément sa série Edgar Poe si profondément freudienne, on peut alors estimer à sa juste mesure l’intérêt d’une telle remarque. William Shatner apporte, pour sa part, d’intéressantes précisions sur le tournage du discours nocturne prononcé par Cramer. L’ensemble est donc riche mais mais, hélas, bien trop bref.

Bande-annonce de la sortie cinéma 2018 (16/9, N&B en Full HD sur le Blu-ray) par Carlotta : elle est bien montée mais ce n’est pas la BA d’origine américaine de 1961 qui est celle que j’aurais voulue découvrir. Aucune galerie affiches ni photos d’exploitation US (lobby cards) de la sortie 1961 ni d’une des exploitations postérieures retitrées. Ensemble un peu léger rapporté à l’importance du titre, donc, même dans le cadre d’une édition spéciale « light » telle que celle-là.

The Intruder

Image - 4,0 / 5

Format large original 1.85 respecté en N&B, compatible 16/9 avec une définition vidéo Full HD 1080/23.98p, encodage AVC. Copie argentique retitrée I Hate Your Guts mais bien restaurée à l’exception de deux ou trois plans en état moyen et d’un plan manquant dans une très courte séquence du début où Cramer s’avance vers la sonnette posée sur le bureau de la réception de l’hôtel, ce qui rend son cheminement brusquement heurté. Excellent contraste et parfaite numérisation équilibrant bien grain et lissage. Pratiquement plus de poussières non plus. Cette édition Carlotta remplace avantageusement l’ancienne édition DVD Bach films qui était recadrée en 1.37 plein cadre, compatible 4/3 et dont l’image argentique était régulièrement sale. Elle est la première à rendre techniquement justice chez nous au film de Corman. Il aura fallu attendre environ 60 ans pour disposer de ce minimum syndical cinéphilique (une copie propre au format original respecté et en VOSTF) mais cela valait la peine d’attendre.

The Intruder

Son - 5,0 / 5

DTS-HD Master Audio 1.0. VOSTF mono : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone car la VF d’époque n’a jamais existé, faute de distribution en circuit classique. Ce titre était une rareté de cinémathèque ou de festivals : il n’eut même pas les honneurs d’une distribution régulière dans le circuit Arts et Essais. Piste son américaine nette et dynamique. Sous-titrage globalement correct et fidèle aux dialogues originaux. Musique régulièrement inspirée de Herman Stein, notamment celle du générique d’ouverture d’ailleurs reprise par Carlotta pour illustrer musicalement le beau menu principal.

The Intruder

Crédits images : © 1961 LOS ALTOS PRODUCTIONS, INC. Tous droits réservés.

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 4 juin 2019
Un film noir policier âpre sur le KKK, tourné au début des années 1960 dans des conditions réalistes et dangereuses, unique dans la filmographie de Roger Corman.

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