Trois femmes (1977) : le test complet du Blu-ray

3 Women

Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre

Réalisé par Robert Altman
Avec Shelley Duvall, Sissy Spacek et Janice Rule

Édité par Wild Side Video

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Le 09/05/2019
Critique

Inspiré par un rêve et par Bergman, Altman livre l’une de ses oeuvres les plus complexes et personnelles.

Trois femmes

Pinky, une Texane de 18 ans, est engagée dans un sanatorium du désert californien. Elle y rencontre Millie, modèle de féminité en perpétuelle quête de perfection et de reconnaissance sociale, qui lui enseigne les ficelles du métier d’aide-soignante, l’invite à emménager dans son appartement et lui présente Willie, une mystérieuse artiste peintre. Fascination, répulsion, emprise, usurpation… De leur singularité va se tisser un lien vénéneux… Ces trois femmes, en surface si différentes, pourraient bien se rapprocher jusqu’à la folie…

Robert Altman a passé près d’une vingtaine d’années à la réalisation de documentaires, puis de nombreux épisodes de séries télévisées, jusqu’au début des années 70, avant de consacrer l’essentiel de son temps au tournage de films, après le succès de MASH, en 1970, une tragi-comédie sur un hôpital de campagne pendant la guerre de Corée. Sa réputation sera confortée par John McCabe (McCabe & Mrs. Miller, 1971), un étrange western sublimé par la photo de Vilmos Zsigmond et par Le Privé (The Long Goodbye, 1973), brillante adaptation d’un roman de Raymond Chandler.

Trois femmes (3 Women), son douzième film, sorti dans cette période faste, en 1977, est probablement la plus complexe et certainement la plus personnelle de ses oeuvres.

Inspiré à Robert Altman par un rêve et imprégné du mystère de Persona, le film réalisé par Ingmar Bergman en 1966, le scénario a laissé une bonne marge d’improvisation aux trois actrices principales. Et, souhaitant réserver au spectateur « la ou les significations qui seront les siennes », le réalisateur s’est gardé de donner les clés du déchiffrement de l’intrigue. S’il apparaît qu’une porosité contaminatrice des relations entre les trois femmes altère leur personnalité, à chacun d’en imaginer les raisons et d’en démonter le mécanisme.

Trois femmes insiste sur la fascination qu’exercent les jumelles Peggy et Polly sur Pinky au point qu’elle en arrivera à se demander si elles ne sont pas qu’une seule et même personne : « Un jour, Polly est Peggy, et le lendemain Peggy devient Polly », comme si la personnalité pouvait être séparée du corps et, pourquoi pas, usurpée.

Trois femmes

On comprend alors que Pinky, une adolescente pas encore sortie de l’enfance, recherche un modèle pour mieux s’insérer dans un nouvel environnement. Quoi de plus tentant que de se conformer à Millie, apparemment si sûre d’elle, dont la vie est réglée comme du papier à musique, guidée par des préceptes empruntés aux magazines de mode ? Pinky réussit à se faire inviter à cohabiter avec elle, puis à lire son journal intime, à se faire prêter ses vêtements, à investir sa chambre, pour mieux imiter Millie… pour devenir Millie.

Plus mystérieuse encore est l’interaction de Willie, la troisième femme, mutique, occupée à peindre sur les parois d’une piscine vide d’étranges créatures mythologiques, menaçantes, mi-humaines, mi-reptiliennes (des fresques de Bodhi Wind) qui hantent le film par leurs apparitions répétées sur l’écran.

Robert Altman dit avoir vu les deux actrices principales s’imposer dans son rêve : Shelley Duvall, qui a participé à sept de ses films de 1970 à 1980, entre parfaitement dans la peau de son personnage obsédé par un besoin de se conformer à un modèle de perfection, superficielle comme une poupée Barbie, au point de devenir complétement invisible pour son entourage. Et Sissy Spacek, à peine sortie de Carrie (Carrie, Brian De Palma, 1976), tient probablement, avec son interprétation si spontanée de Pinky, le meilleur emploi de toute sa carrière avec celui de Nashville Lady (Coal Miner’s Daughter, Michael Apted, 1980). Janice Rule (La Poursuite impitoyable / The Chase, Athur Penn, 1966), moins connue, colle parfaitement au personnage de Willie, la plus énigmatique des trois femmes.

L’accompagnement musical du pianiste et compositeur Gerald Busby, un des pensionnaires du Hotel Chelsea de New York, le mythique repaire d’artistes fauchés, une composition atonale pour instruments à vent, étrange et inspirée, s’accorde à l’ambiance dissonante du film.

Cette exceptionnelle réédition de Trois femmes, la première en haute définition, vient combler un vide, l’édition Opening de 2009 étant depuis longtemps épuisée.

Trois femmes

Présentation - 4,5 / 5

Trois femmes (124 minutes) et son supplément (31 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 et sur un DVD-9, logés dans les couvertures d’un mediabook non fourni pour le test, effectué su check disc.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, avec sous-titres imposés, mais idéalement placés à cheval sur la bande noire, ou dans un doublage en français, les deux au format audio DTS-HD Master Audio 1.0.

Le livret de 60 pages, écrit par Frédéric Albert Lévy, abondamment illustré, reproduit in extenso un court entretien accordé par Robert Altman au Festival de Cannes de 1977 où il justifie son refus de répondre aux questions sur la signification du film : « C’est au public (de donner) au film la ou les significations qui seront les siennes. » Suit Making of : Altman signe un contrat avec la Fox, sans avoir à fournir de scénario : il sera écrit au jour le jour pendant le tournage. Puis, dans Souvenirs de Sissy Spacek, l’actrice rappelle qu’Altman, après lui avoir dit tout ce qu’il savait sur Pinky, lui a lancé : « Voilà, tu as les paramètres. À toi de jouer maintenant. » Il laissait une grande place à l’improvisation et tirait parti des imprévus : le gag accidentel de la robe de Millie coincée dans la portière de sa voiture a, ensuite, été repris plusieurs fois. Dans Usurpation d’identité, Frédéric Albert Lévy détecte la récurrence de ce thème dans d’autres films de Robert Altman, ici plus présent puisque Pinky « survit en volant l’identité d’un autre personnage. » Et Willie est une sorte de double de Millie, avec « son W initial comme un M à l’envers. » Puis une question est posée : Trois femmes est-il féministe ou misogyne ? La réponse n’est pas évidente, mais l’image donnée des hommes, avec le personnage d’Edgar, est tout sauf flatteuse. Dans l’article, Le rêve est une vie (une citation de Gérard de Nerval), on peut trouver une des rares clés livrées par Robert Altman pour la lecture de son film dans lequel « chacune des femmes incarne un stade différent de la vie de la même femme », ce que tend à souligner le dernier plan du film. Suivent une bibliographie de Robert Altman, ainsi que ses réflexions sur le métier d’acteur, sur la fonction de réalisateur (director), sur les Oscars auxquels on tend à attacher trop d’importance (il n’en a jamais obtenu), sur les rushes dont « le montage est un rétrécissement ». Et le livret se referme sur Sous-titrer Altman, une entreprise délicate tant il arrive que des dialogues se superposent… comme dans la vraie vie.

Trois femmes

Bonus - 4,0 / 5

Un film de rêve(s) (40’). Diane Arnaud, essayiste et universitaire, rapproche Trois femmes de deux autres films de Robert Altman, That Cold Day in the Park (1969) et Images (1972), également centrés sur la psychè. Trois femmes est un « rêve liquide (…) partagé par plusieurs imaginaires » qui peut faire penser à Mulholland Drive, que David Lynch réalisera en 2001, ou encore à Céline et Julie vont en bateau (Jacques Rivette, 1974). Le « déficit identitaire » dont souffrent Pinky et Millie est « comblé » par la troisième femme, énigmatique, Willie. Ce qu’annonce un plan où l’on voit son reflet se superposer à Pinky et Millie qui l’observent derrière une vitre. Les trois personnalités féminines (dans lesquelles Jean-Loup Bourget reconnaît les trois Parques dans son livre sur Robert Altman) finissent par fusionner alors que le seul personnage masculin est effacé. Une analyse subtile et bien articulée du film.

Bande-annonce.

Trois femmes

Image - 5,0 / 5

L’image (2.35:1, 1080p, AVC), parfaitement nettoyée, avec un respect de la texture argentique par un irréprochable traitement du grain, propose des couleurs délicatement ravivées, dans une palette où s’impose le jaune, la couleur dominante du film. La finesse de la résolution est impressionnante dans les gros plans des visages.

Trois femmes

Son - 5,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 1.0, très propre lui aussi, bénéficie d’une forte dynamique et d’une large ouverture du spectre, avec des aigus incisifs (tirs au revolver au parc d’attractions) et les basses fermes de l’accompagnement musical, sans distorsion, dans un bon équilibre avec les dialogues.

Ce constat vaut pour le doublage en français, plutôt réussi.

Crédits images : © Wild Side

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

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Philippe Gautreau
Le 9 mai 2019
Cette exceptionnelle réédition de Trois femmes, la première en haute définition, vient combler un vide : le film le plus mystérieux de Robert Altman, probablement, le plus personnel, certainement, était depuis longtemps indisponible en vidéo.

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Trois femmes
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