L'Impératrice rouge (1934) : le test complet du Blu-ray

The Scarlet Empress

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Josef von Sternberg
Avec Marlene Dietrich, John Lodge et Sam Jaffe

Édité par Elephant Films

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Le 12/06/2019
Critique

Marlene Dietrich dans les atours de Catherine II de Russie inspira à Josef von Sternberg un film extravagant. Son chef-d’oeuvre !

L'Impératrice rouge

Le comte Alexei a été dépêché par Elisabeth 1ère, impératrice de Russie, pour inviter Sophia Frederica Augusta d’Anhalt-Zerbst à quitter sa Poméranie natale et rejoindre Moscou pour y épouser le grand-duc Pierre, une sorte de dégénéré, neveu de l’impératrice, appelé à lui succéder sur le trône de Russie. Avec son mariage, Sophia Frederica devient, à 16 ans, la grande-duchesse Catherine. Huit ans plus tard, elle met au monde un fils, Paul, dont le père pourrait être le capitaine Orlov, un de ses amants…

L’Impératrice rouge (The Scarlet Empress), sorti en 1934, est le sixième des sept films réalisés par Josef von Sternberg avec Marlene Dietrich. Elle était apparue dans une petite vingtaine de films allemands avant que Josef von Sternberg ne la révèle au grand public dans L’Ange bleu (Der blaue Engel, 1930) auprès d’Emil Jannings, un des plus célèbres acteurs allemands. Le couple mythique qu’elle formera, la même année, avec Gary Cooper, dans Coeurs brûlés (Morocco) et le film Agent X27 (Dishonored) sorti en 1931, inspiré de l’histoire de Mata-Hari, consolideront sa réputation, faisant d’elle une grande star internationale.

L’Impératrice rouge retrace l’histoire de Catherine II, contemporaine de Louis XV et de Louis XVI, mais en s’arrêtant en 1762, à la mort de Pierre III, probablement assassiné par le capitaine Orlov, au moment de son accession au trône de Russie, que Sternberg symbolise par son gravissement au grand galop des escaliers du palais à la tête d’un régiment de cavalerie. Rien n’est dit de son règne qui porta la Russie au rang des grandes puissances. Au passage, on peut relever que le film ne rend pas grâce à Elisabeth, présentée comme analphabète, alors que c’est elle qui introduisit à la cour l’usage du français, qu’elle parlait couramment.

L'Impératrice rouge

Sternberg montre la future « Grande Catherine » encore enfant (le rôle est tenue par Maria, la propre fille de Marlene Dietrich), les pensées envahies, au seul énoncé du mot « décapitation », par des images de tortures (dont celle d’un homme pendu par les pieds, transformé en battant de cloche !). Une prémonition de la violence qui l’attend. Il la révèle ensuite, encore adolescente, surprise par sa première rencontre avec Pierre qu’on lui avait décrit comme un grand esprit dans le corps d’un dieu grec, puis dans sa découverte de la cour, de ses turpitudes et de ses intrigues.

L’Impératrice rouge, une oeuvre inclassable, avec une débauche de décors encore jamais vue, pas même dans Ivan le Terrible, 1ère et 2ème partie (Ivan Groznyy) de Sergueï M. Eisenstein, sorti en 1945 et 1958. oeuvre emblématique du cinéma de Sternberg, elle est une suite de plans grouillant de personnages et d’objets. Le ton est vite donné par la scène du mariage dans la cathédrale : pas le moindre espace libre dans le cadre, sur toute la profondeur du champ.

Les décors de Hans Dreier et Richard Kollorsz représentent un palais labyrinthique, percé de passages secrets, aux murs recouverts d’étranges icônes et d’ombres menaçantes, peuplé de statues fantastiques, aux proportions monstrueuses, de diables cornus, de squelettes difformes. Autour de la table de la salle du conseil, à laquelle on accède par une porte monumentale dont la poignée est à plus de deux mètres au-dessus du sol, l’impératrice Elisabeth et ses conseillers sont assis sur des fauteuils massifs, sculptés dans la pierre, aux formes de géants acromégaliques. Un hallucinant pandémonium dû à l’imagination et au talent de Peter Ballbusch.

L’Impératrice rouge aura été l’hommage le plus extrême de Josef von Sternberg à Marlene Dietrich ! C’est là qu’on la voit dans les plans les plus sublimes de sa carrière d’actrice, pendant le mariage, quand l’accélération de son souffle, en faisant vaciller la flamme d’une bougie presqu’au point de l’éteindre, traduit la montée de son désir pour le comte Alexei. Une manière qu’avait Sternberg de privilégier l’image aux dialogues, de « filmer les pensées », disait-il.

Josef von Sternberg avait choisi comme chef opérateur Bert Glennon, qu’il avait déjà employé pour Les Nuits de Chicago (Underworld, 1927), le premier film qui avait attiré l’attention sur lui, puis pour Vénus blonde. Bert Glennon sera aussi retenu par John Ford pour La Chevauchée fantastique (Stagecoach, 1939) et Rio Grande (1950). Sternberg a également repris Travis Banton, créateur des costumes de six des sept films avec Marlene Dietrich. Après les robes à crinoline et paniers, il lui a dessiné un costume d’homme, de guerrier, une contribution à l’image ambiguë de l’actrice.

Un film extraordinaire, extravagant, à voir et revoir !

L'Impératrice rouge

Présentation - 3,5 / 5

L’Impératrice rouge (105 minutes) et ses suppléments (62 minutes) tiennent, dans cette édition combo, sur un Blu-ray BD-50 et un DVD-9 logés dans un boîtier standard de 14 mm, glissé dans un fourreau, non remis pour le test, effectué sur le seul Blu-ray.

Le menu fixe et musical propose le film dans sa version originale, avec sous-titres optionnels, au format audio DTS-HD Master Audio 1.0.

Sont sorties simultanément les éditions combos d’Agent X27, Shanghaï Express et La Femme et le pantin.

Bonus - 3,5 / 5

Josef von Sternberg par Jean-Pierre Dionnet (12’). Originaire de Vienne, Josef von Sternberg rentre à New York dans l’industrie du cinéma par la petite porte, pour nettoyer des films (et non des affiches !), puis devient monteur, opérateur au service cinématographique des armées en 1917, et assistant du réalisateur français Émile Chautard pour Le Mystère de la chambre jaune (The Mystery of the Yellow Room), sorti en 1919. Il commence à tourner ses premiers films en 1925, surtout des policiers réalistes, et obtient un beau succès en 1928 avec Les Damnés de l’océan (Docks of New York). En 1930, Universal lui propose le tournage en Allemagne de L’Ange bleu. Exigeant envers lui et envers les autres, il est jugé insupportable par beaucoup d’acteurs, au point que les temps devinrent plus difficiles pour lui. Mais il réalisera encore quelques films importants, The Shanghai Gesture, en 1941, avec Gene Tierney et Victor Mature, et, en 1953, Fièvre sur Anatahan (Anatahan), l’histoire de soldats japonais oubliés à la fin de la guerre sur un îlot du Pacifique, un film très personnel qu’il a photographié, produit et dont il a coécrit le scénario. (Bonus commun aux quatre éditions sorties le 30 avril).

L'Impératrice rouge

Marlene Dietrich par Xavier Leherpeur (13’), critique de cinéma à La 7ème obsession. Marlene Dietrich, « un symbole sexué », une image iconique connue même des non-cinéphiles, incarne l’histoire bouleversée du XXème siècle. Jouer, pour elle, « c’est placer son corps, c’est placer sa voix, c’est placer sa ligne de regard. » C’est peut-être l’éducation rigoriste de son père qui l’a poussée à être provocatrice, à s’épanouir dans le bouillonnement culturel du Berlin des années 20 avant de devenir une vedette internationale et « un modèle d’inspiration pour les femmes ». Marlene Dietrich arrive aux USA avec Josef von Sternberg après le tournage de L’Ange bleu. Paramount les engage tous les deux pour concurrencer MGM qui venait de recruter Greta Garbo. Marlene Dietrich est une actrice à part, avec un visage qui sait trouver la lumière, changer naturellement d’expression. Elle a toujours su rester elle-même et affirmer une présence qui l’a conduite à jouer avec les meilleurs réalisateurs. (Bonus commun aux quatre éditions sorties le 30 avril).

Shanghai Express, un entretien avec Mathieu Macheret (Le Monde) et Théo Esparon (historien et programmateur) (37’). Le film, qui soulève un souffle épique qu’on ne connaissait pas à Sternberg, est une forme de monument à Marlene Dietrich, présentée d’abord comme la spectatrice d’un conte de fées, avant d’en devenir l’actrice, résolue à asseoir son pouvoir sur un monde corrompu, en libérant sa sexualité. Les monstruosités de la cour rappellent les toiles de Goya ou, encore, l’univers pictural d’Otto Dix, avec des statues grotesques qui semblent observer les personnages, créent une opposition entre laideur et beauté. Le foisonnement de la photographie laisse un moment la place à l’abstraction dans un plan où l’objectif se met au point sur un voile, laissant dans le flou le visage de Catherine. Une approche différente de celle d’Alexander Korda qui, cette année-là, sortit sa vision du même personnage avec Catherine de Russie (The Rise of Catherine the Great)…

Pour finir, une galerie de 28 photos et la bande-annonce de L’Impératrice rouge et des autres films de Josef von Sternberg et Marlene Dietrich dans la collection Cinéma MasterClass éditée par Elephant Films.

L'Impératrice rouge

Image - 5,0 / 5

L’image (1.37:1, 1080p, AVC) a bénéficié d’une soigneuse restauration qui l’a été débarrassée de toute marque de détérioration de la pellicule et assure un parfait étalonnage des niveaux de gris allant de blancs lumineux à des noirs d’encre. La stabilité est remarquable, tout comme la gestion du grain, respectueuse de la texture originelle.

Son - 4,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 1.0 a, lui aussi, été débarrassé de tous les bruits parasites, sauf d’un souffle audible, mais assez régulier pour qu’on s’y accoutume au point de presque l’oublier. Les dialogues sont toujours très nets et l’ambiance est rendue avec réalisme : le solo de violon pendant le repas des noces ou le glas annonçant la mort d’Elisabeth. Quelques distorsions dans les passages forte de l’accompagnement musical aux accents wagnériens.

Crédits images : © Elephant Films

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 12 juin 2019
Marlene Dietrich n’a jamais mieux filmée, au milieu de décors hallucinants, d’une unique extravagance. Un film emblématique du cinéma de Sternberg, son chef-d’œuvre !

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L'Impératrice rouge
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