An Elephant Sitting Still

An Elephant Sitting Still (2018) : le test complet du Blu-ray

Da xiang xi di er zuo

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Hu Bo
Avec Zhang Yu, Peng Yuchang et Wang Yuwen

Édité par Capricci

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Le 28/06/2019
Critique

Un imprévu pousse quatre personnages à fuir leur ville du nord de la Chine. L’unique film, très personnel, du cinéaste Hu Bo, disparu à 29 ans.

An Elephant Sitting Still

Sous le ciel triste d’une triste ville au passé industriel du nord de la Chine, la routine de quatre personnes est bouleversée, le même jour. Wei Bu, un lycéen, bouscule un responsable qui tombe dans l’escalier et doit être conduit à l’hôpital. Wang Jin est fermement prié de quitter l’appartement dont il est propriétaire, par son fils qui le juge trop petit pour lui, sa femme et sa fille. Yu Cheng, un voyou, a couché avec la femme d’un de ses amis : il les a surpris et s’est défenestré. Huang Ling, 17 ans, est montrée du doigt depuis qu’une vidéo circule, exposant sa relation avec un de ses professeurs. Les quatre ont la même idée en tête : fuir à Manzhouli, une ville dont on parle depuis qu’un éléphant du zoo reste assis, refusant d’esquisser le moindre mouvement. Un symbole de résistance !

An Elephant Sitting Still (Da xiang xi di er zuo) est le premier long métrage de Hu Bo. Et aussi le dernier : il s’est suicidé en octobre 2017, à l’âge de 29 ans, avant la sortie du film dont il avait écrit le scénario et assuré réalisation et montage. Un film qui sera salué dans de nombreux festivals, notamment à Berlin par l’attribution du Prix FIPRESCI.

An Elephant Sitting Still suit les quatre personnages principaux dans de longs plans-séquences, souvent cadrés à hauteur du buste, de dos dans des travellings avant, ou de face, dans des travellings arrière, avec une profondeur de champ limitée laissant généralement dans le flou un environnement qui peut rappeler celui de Free and Easy (Qîng ôōng yú kuài, Geng Jun, 2016). Les personnages secondaires sont, eux aussi presque systématiquement estompés au point qu’on puisse, parfois, seulement deviner leur silhouette. Une mise en scène qui communique efficacement le vide de leur vie, leur manque d’une raison d’être.

An Elephant Sitting Still

Une lente progression de l’action (le film dure près de quatre heures), du matin au soir d’une seule journée au cours de laquelle le hasard, dans leur marche en rond qui semble ne pouvoir conduire à aucune issue, va cependant faire se rencontrer les quatre personnages, les amener à s’affronter. Mais aussi leur donner l’opportunité de se découvrir les uns et les autres, peut-être de se découvrir eux-mêmes.

An Elephant Sitting Still ne donne pas d’indications sur leurs aspirations, sur leurs motivations, sur les changements de leur comportement, mais fait ressentir la vacuité de leur vie dans un environnement social apparemment désorganisé et le désespoir dont la caméra suggère le poids sur leurs épaules en les suivant de près dans les longs travellings avant.

Un besoin les obsède pourtant : celui de fuir leur ville pour un ailleurs qui, à défaut d’être meilleur, ne pourra pas être pire.

An Elephant Sitting Still est une nouvelle confirmation de la maturité qu’a atteint le cinéma de la Chine continentale, en dépit de la censure, dans le courant amorcé par des cinéastes comme Jia Zhang-ke (A Touch of Sin / Tian zhu ding, 2013), Zhao Liang (Behemoth, 2015), Wang Bing (Argent amer / Ku Qian, 2016)…

An Elephant Sitting Still

Présentation - 4,0 / 5

An Elephant Sitting Still (234 minutes) tient sur un Blu-ray BD-25 logé, en compagnie d’un DVD-9 et d’un DVD-5, l’un avec le film, l’autre avec ses suppléments (51 minutes), dans un digipack, glissé dans un étui.

Un menu animé et musical propose le film dans sa version originale en mandarin, avec sous-titres optionnels, au format audio Dolby Digital 5.1.

C’est la troisième édition Blu-ray de Capricci, éditeur spécialisé dans les ouvrages sur le cinéma parmi lesquels ont été distingués, en 2013, I Am Spartacus, de Kirk Douglas, par le Prix du meilleur livre étranger sur le cinéma et, en 2016, Prodiges d’Arnold Schwarzenegger, de Jérôme Momcilovic, par le Prix du meilleur livre français sur le cinéma, décernés par le Syndicat Français de la Critique de Cinéma et des Films de Télévision.

À l’intérieur de l’étui, un livret illustré de 48 pages avec le synopsis du film, une notice biographique de Hu Bo, sa courte nouvelle, An Elephant Sitting Still, qui a inspiré une partie du scénario, quelques lignes écrites en janvier 2018 par Pierre Rissient, trois mois avant sa mort. Suit un court entretien avec Hu Bo, le 28 décembre 2016, à l’occasion de la sortie de son recueil de nouvelles, dans lequel il souligne le vide auquel sont confrontés « les jeunes adultes chinois qui passent leur temps avachis dans leur chambre d’étudiant à jouer aux jeux vidéo. » Le livret se referme sur Parmi les ombres errantes, une intéressante critique du film par Alain Masson, publiée dans le numéro de Positif de janvier 2019.

An Elephant Sitting Still

Bonus - 3,0 / 5

Sur le Blu-ray, le DVD du film et le DVD de bonus :

Présentation par Béla Tarr (11’) à l’UGC Ciné Cité les Halles, en janvier 2019. Les questions sont posées en anglais et réponses traduites par Emmanuel Burdeau, critique et auteur de plusieurs ouvrages sur le cinéma, dont Alors, la Chine: Entretien avec Wang Bing, en collaboration avec Eugenio Renzi (Les Prairies Ordinaires, 2014). Le cinéaste hongrois a rencontré Hu Bo en Chine, parmi les candidats retenus pour participer à un atelier qu’il animait sur la réalisation de films. Il garde le souvenir d’un homme très actif, attachant, auteur de nouvelles, voulant tout faire en réalisant son premier long métrage. Il parlait de son prochain film, quinze jours avant sa mort, une terrible perte.

Sur le DVD de bonus :

Analyse du film par le philosophe Jacques Rancière (25’, Capricci, 2019). Les personnages principaux reçoivent une vision de l’ordre social dictée par les autres, toujours en arrière-plan, ce qui déclenche leur désir de fuite vers un ailleurs utopique. La violence est sous-jacente, à peine montrée, dans le décor anonyme d’une ville en déshérence, où l’on ne voit jamais les forces de l’ordre. On peut sentir l’influence de Béla Tarr, mais le film de Hu Bo est plus ludique.

Man in the Well, un court métrage de Hu Bo (2016, 1.33:1, noir et blanc, Dolby Digital 2.0 mono, 15’). Une fille d’une dizaine d’années et un garçon un peu plus jeune, affamés, sont à la recherche de nourriture dans des maisons en ruine. Ils y découvrent un cadavre…

An Elephant Sitting Still

Image - 4,0 / 5

L’image (1.85:1, 1080p, AVC) propose une palette de couleurs assez froides, légèrement désaturées. La résolution est fine, mais avec une profondeur de champ délibérément limitée, laissant dans le flou tout ce qui n’est pas au premier plan.

Agréablement contrastée dans les scènes en pleine lumière, l’image devient assez confuse, avec des noirs poreux, tendant à se boucher, dans certaines scènes d’intérieur, apparemment prises sans éclairage artificiel. Un défaut inhérent à la source.

En dépit du choix de faire tenir un film de près de quatre heures sur un Blu-ray simple couche (BD-25), on ne relève aucun défaut de compression.

Son - 4,0 / 5

On ne pourra que regretter l’absence de haute définition, sans compression (ce qui aurait impliqué le support d’un BD-50). Mais on devra reconnaître que son Dolby Digital 5.1 fait plutôt correctement son office, avec une dynamique satisfaisante et une discrète sensation d’immersion dans les ambiances urbaines.

Crédits images : © Capricci

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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Philippe Gautreau
Le 29 juin 2019
Une brillante illustration du mal de vivre de personnages en manque de repères, de valeurs. Plusieurs fois primé, An Elephant Sitting Still sera malheureusement le seul film de Hu Bo : il s’est suicidé à 29 ans, avant la sortie en salles...

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