Le Chat noir (1934) : le test complet du Blu-ray

The Black Cat

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Edgar G. Ulmer
Avec David Manners, Boris Karloff et Bela Lugosi

Édité par Elephant Films

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Le 29/07/2019
Critique

Le film le plus célèbre de Ulmer est aussi un classique de l’âge d’or du cinéma fantastique américain.

Le Chat noir

Hongrie 1934. Dans un train, un couple de jeunes mariés rencontre le docteur Werdegast, étrange et inquiétant psychologue. Ils sont ensuite victimes d’un accident d’autobus et sont hébergés par l’architecte Poelzig. Or celui-ci est un ancien criminel de guerre que Werfegast tient pour responsable de la disparition de son épouse et de sa fille. La vie du jeune couple devient l’enjeu d’une étrange partie d’échecs entre eux deux car Poelzig souhaite (et Werdegast le sait) sacrifier la jeune fille durant un culte satanique dont il est rien moins que le grand prêtre.

Le Chat noir (USA 1934) d’Edgar G. Ulmer est un classique du cinéma fantastique. Il fut le plus grand succès financier de la Universal en 1934 et le premier d’une série de films réunissant les deux stars du genre, à savoir Bela Lugosi et Boris Karloff. Il revient de loin puisque son montage original effraya la Universal qui exigea de sévères coupes :Ulmer leur promit de les faire mais fit l’inverse, rajoutant même une ou deux séquences telles que celle où l’actrice Lucille Lund est suspendue morte dans une cage de verre. Le Chat noir est, en outre, célèbre auprès des cinéphiles en raison de la signature même d’Ulmer  : on se souvient du parcours qui mena cet esthète du cinéma expérimental allemand muet à Hollywood où il passa brusquement (pour une raison d’ordre privée et assez romantique par elle-même) de la Universal à la Producer Releasing Corporation (P.R.C.) pour laquelle il filma des titres aux petits budgets mais souvent inspirés tels que son génial Détour (USA 1945). Sa filmographie est cependant inégale et Le Chat noir lui-même nous semble aujourd’hui un peu surestimé en dépit de l’interprétation remarquable de Karloff et de Lugosi, et d’un scénario qui fait surgir l’horreur fantastique d’une horreur réelle, quasi-documentaire, celle de la Première Guerre mondiale de 1914-1918.

Le Chat noir

Le Chat noir n’a strictement aucun rapport avec l’histoire extraordinaire d’Edgar Poe dont il revendique le parrainage : son premier scénario reposait sur l’idée d’un culte satanique voué au chat, d’où l’aspect parfois un peu félin du maquillage de Karloff. Le personnage sataniste incarné par Karloff serait inspiré par l’excentrique occultiste anglais Aleister Crowley (1875-1947) qui était célèbre à l’époque mais c’est surtout le fait que Poelzig soit un ancien criminel de guerre qui lui confère une étrange densité. De ce curieux alliage, l’esprit torturé comme l’esthétique de Poe ne sont donc, en fin de compte, pas totalement absents, justifiant un peu tout de même sa mention au générique d’ouverture comme source d’inspiration.

La mise en scène de Ulmer emprunte parfois un peu à ses contemporains : l’ouverture dans la gare, telle qu’elle est filmée, fait penser à l’esthétique de Josef von Sternberg durant sa période Marlène Dietrich 1930-1935; l’accident de voiture se souvient un peu de l’ouverture du La Maison de la mort (Une étrange soirée / The Old Dark House, USA 1932) de James Whale. Inversement, certaines idées de Ulmer seront reprises par ses collègues par la suite. Ainsi l’aspect de la femme morte jouée par Lucille Lund a probablement, je pense, influencé celui d’Elsa Lanchester l’année suivante dans La Fiancée de Frankenstein (USA 1935) de James Whale. Ulmer satisfait parfois franchement le « grand public » en effets faciles tels que celui consistant pour l’acteur à s’approcher de la caméra jusqu’à disparaître du champ en l’obscurcissant ou bien en lui offrant un pied de nez final oscillant entre concession au bon goût et ironie noire qui n’est pas totalement convaincante. D’autres idées, simples mais élégantes, directement héritées du muet, rehaussent au contraire l’ensemble : par exemple, le changement de mise au point durant le plan où Poelzig manifeste sa jalousie envers l’époux de Joan.

Le Chat noir

Lugosi et Karloff sont ici tous les deux des monstres amoureux (le personnage emblématique de l’âge d’or du cinéma fantastique américain de l’âge d’or 1931-1945) dédoublés en adversaires appartenant déjà au négatif, à la mort et au mal. Ce pessimisme intellectuel est plastiquement exprimé par les plans les plus célèbres du film, les réunissant ensemble dans une même ambivalence. L’opposition de Lugosi en psychologue à Karloff en architecte (1) est en outre, sur le plan esthétique, symbolique. Ce symbolisme est typique de cette lourdeur germanique que Lotte H. Eisner se plaisait à retrouver chez des cinéastes germaniques aussi divers que Murnau et Lang auquel on peut donc ici, pour le coup, rajouter Ulmer bien qu’il s’agisse de sa période américaine.

(1) nommé Poelzig en hommage direct probable à Hans Poelzig, architecte et directeur artistique avec qui Ulmer avait collaboré sur le tournage du Le Golem (Der Golem, wie er in die Welt kam, All. 1920) de Paul Wegener.

Le Chat noir

Présentation - 5,0 / 5

1 Combo Blu-ray + DVD + un livret illustré 16 pages, édité par Eléphant Films le 25 juin 2019. Image N&B Full HD (sur Blu-ray) au format 1.37, 16/9 compatible 16/9, 1080p AVC. Son VOSTF en DTS-HD Master Audio 2.0. Durée du film 65 min. environ. Suppléments : présentation par Nicolas Stanzick, bandes-annonces, galerie photos, jaquette réversible avec affiche originale.

Livret de photos (16 pages) de Le Chat noir, présentées (brièvement) par Alain Petit. Intéressant florilège pictural rassemblant des affiches, des photos de tournage, des photos de plateau. Aucune photo d’exploitation à moins qu’une ou deux soient ici détourées ? Elles sont parfois N&B, parfois monochromes teintées. Concernant la présentation, une remarque à propos du Le Corbeau (The Raven, USA 1935) de Louis Friedlander (alias Lew Landers) avec Karloff et Lugosi : il n’est pas certain que la référence à Poe se soit limitée à un « corbeau empaillé sur un bureau » comme l’écrit Petit. Il existerait une séquence finale dans laquelle Lugosi récitait le poème d’Edgar Poe. Mythe inventé par Jean Boullet ou élément matériel d’une copie complète qu’on retrouvera un jour ? On en reparlera lorsque Eléphant le rééditera, ce qui ne saurait tarder, je l’espère !

Le Chat noir

Bonus - 5,0 / 5

Présentation du film par Nicolas Stanzick (2019, N&B + couleurs, durée 35 min. environ) : excellente à tous points de vue. Situation du titre dans l’histoire du cinéma fantastique, dans l’histoire de la Universal, dans la carrière du cinéaste Edgar G. Ulmer et dans celle des deux stars Bela Lugosi et Boris Karloff. Analyse thématique et esthétique pointues du scénario et de la mise en scène de certaines séquences, s’appuyant régulièrement sur les données les plus assurées de l’histoire du cinéma. Anecdotes savoureuses sur les réticences de la censure à l’égard de la version initiale, permettant d’éclaircir un certain nombre d’interrogations relatives au montage final, parfois incompréhensible sans elles : par exemple l’idée initiale du culte diabolique du chat dont il ne reste que quelques indices à l’écran dans la version finale. Nombreuses illustrations d’époque : affiches, photos de plateau, photos de tournage, photos de presse. L’ensemble est bien monté et bien filmé.

Bandes-annonces de films fantastiques édités par Eléphant : on doit les diviser en deux sections, les films-annonces d’époque et ceux montés par Eléphant. A la première catégorie, la seule détenant une valeur historique réelle, appartiennent les BA de Double assassinat dans la rue Morgue (Murders in the Rue Morgue, USA 1931) de Robert Florey en VOSTF, L’Île du docteur Moreau (Island of Lost Souls, USA 1932) de Erle C. Kenton en VOSTF, Night Monster (USA 1942) de Ford Beebe en VOSTF, L’Homme aux mille visages (USA 1957) de Joseph Pevney en VF d’époque et format 2.35 Scope N&B, très mignonne. Celle des séries Dracula et Frankenstein de la Universal sont de simples présentations de jaquettes par Jean-Pierre Dionnet. Enfin, celles de Le Chat noir (USA 1934) d’Edgar G. Ulmer et de Le Château de la terreur (The Strange Door, USA 1951) de Joseph Pevney ne sont pas les films-annonces originaux mais de simples montages réalisés par Eléphant.

Galerie affiches et photos : une quinzaine d’images, souvent de très belles photos numérotées de plateau mais, hélas, défilant trop vite pour que l’oeil ait bien le temps de les appréhender à leur juste valeur. J’ai tenté de les faire défiler au ralenti ou de les geler image par image sans y arriver. On peut contempler d’autres photos dans le livret illustré mais je regrette que celles de la galerie n’y aient pas été inclus, quitte à porter doubler le nombre de pages, tant elles sont belles.

Cette édition spéciale se hausse néanmoins sans difficulté au niveau d’une édition collector et mérite la note maximale sur le plan des bonus.

Le Chat noir

Image - 4,0 / 5

Format 1.37 N&B compatible 16/9. Copie argentique inégale, à l’émulsion parfois très bien conservée et stable, parfois plus sale et instable. Cela n’a rien de trop étonnant étant donné l’âge du film, aussi bien conservé que possible. Quelques poussières négatives et positives aussi visibles sur quelques images. Sur le plan numérique, cette édition Full HD remplace avantageusement l’ancienne édition DVD Sidonis de 2010. Le surcroît de définition fait merveille dans le cas des séquences et des plans les mieux conservés mais a tendance à faire inévitablement ressortir les saletés et les légers défauts des autres segments. L’ensemble est tel quel cependant globalement très bon et devient dorénavant l’édition de référence en Full HD.

Le Chat noir

Son - 5,0 / 5

VOSTF mono DTS-HD MA 2.0 bien reportée : dialogues, musique et effets sonores sont très nets et dynamiques. Aucune VF d’époque proposée bien que le film soit sorti en France en 1936, très probablement assorti d’une VF, comme la majorité des films sortis en 1930-1945. Si Universal l’a égarée, on ne peut blâmer Eléphant de ne pas la retrouver mais on aimerait en avoir le coeur net. Il est d’autre part évident que Lugosi se savoure en diction VO d’origine et qu’aucun doublage ne pourrait égaler la sonorité de sa voix ni sa diction si remarquable. Accordons à cette section, pour ces deux raisons bien que dans le doute, la note maximum.

Crédits images : © Elephant Films

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
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francis moury
Le 29 juillet 2019
Le film le plus célèbre de Ulmer est aussi un classique de l’âge d’or du cinéma fantastique américain.

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