Elmer Gantry, le charlatan (1960) : le test complet du Blu-ray

Elmer Gantry

Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre

Réalisé par Richard Brooks (I)
Avec Burt Lancaster, Jean Simmons et Dean Jagger

Édité par Wild Side Video

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Le 04/12/2019
Critique

Comment un voyageur de commerce sans le sou se refait en s’improvisant prédicateur. Un grand film du grand Richard Brooks !

Elmer Gantry, le charlatan

Une femme vient quêter dans un speakeasy pour le Noël des orphelins, sans obtenir un seul cent, avant qu’Elmer Gantry, un vendeur d’aspirateurs et de grille-pain, flambeur, coureur, à l’ivresse éloquente, n’harangue les amis avec lesquels il jouait aux cartes et tous les autres clients jusqu’à leur faire ouvrir leur porte-monnaie. Complètement fauché, embarqué clandestinement à bord d’un train, le hasard le conduit jusqu’au chapiteau du « Renouveau évangéliste » où il est subjugué par les prêches de Soeur Sharon Falconer et par leur efficacité pour attirer les foules… et les dollars. Il saisit au vol l’occasion de démontrer son art du bagout et s’insére parmi les évangélistes qu’il finit par convaincre d’élargir leur activité en quittant la campagne pour les grandes villes. La petite troupe s’embarque pour Zenith…

Elmer Gantry, le charlatan (Elmer Gantry), adaptation du roman éponyme de Sinclair Lewis, dont l’édition en 1927 provoqua un petit scandale mais vaudra à son auteur le Prix Nobel de littérature en 1930. Richard Brooks commença dès 1947 à entreprendre l’écriture du scénario que Sinclair Lewis l’avait encouragé à remanier. Burt Lancaster, qui avait décliné sa participation au film, peu convaincu par la première adaptation du roman, apporta une contribution essentielle au scénario.

Richard Brooks était un esprit libre aux talents divers. Romancier, il écrivit The Foxhole, alors qu’il servait sans le Marine Corps, publié en 1943 sans l’autorisation de ses supérieurs, ce qui l’exposa à une citation en Cour martiale. Il signa également plus d’une trentaine de scénarios, ceux de ses films et d’autres, comme celui de Les Tueurs (The Killers, Robert Siodmak, 1946), Key Largo (John Huston, 1948), Storm Warning (Stuart Heisler, 1951), sur le Ku Klux Klan, édité au Royaune Uni…

Elmer Gantry, le charlatan

Mais c’est aussi, et surtout, un des plus grands réalisateurs américains. Parmi les vingt-quatre films de fiction qu’il a réalisés, tous estimables, il y a, outre Elmer Gantry, de nombreux chefs-d’oeuvre : Graine de violence (The Blackboard Jungle, 1955), La Chatte sur un toit brûlant (Cat on a Hot Tin Roof, 1958), Doux oiseau de jeunesse (Sweet Bird of Youth, 1962), deux adaptations de Tennessee Williams, Lord Jim (1965), Les Professionnels (The Professionals, 1966), De sang-froid (In Cold Blood, 1967), auxquels j’ajouterai À la recherche de Mr. Goodbar (Looking for Mr. Goodbar, 1977), toujours dans l’attente d’une édition en France.

Le cinéma de Richard Brooks traite souvent de sujets graves, la violence, le racisme… Ici l’exploitation de la crédulité des gens simples par des escrocs beaux parleurs. La charge est sévère, particulièrement à 46 minutes du début, quand elle montre comment Elmer Gantry s’y prend pour promettre les feux éternels de l’enfer aux plus vertueux des paroissiens venus l’écouter. Ou encore quand le journaliste Jim Lefferts dicte un article dans lequel il s’interroge sur la vraie nature du « renouveau évangéliste » : Est-ce une église ? Est-ce une religion ? Ou est-ce un cirque avec ses monstres, ses magiciens et ses bonimenteurs ? Est également dénoncée l’exonération d’impôts dont bénéficient les sectes religieuses aux USA.

Elmer Gantry, le charlatan

Filmé en 78 jours avec un confortable budget de 3 millions de dollars, Elmer Gantry, le charlatan reçut à sa sortie, au début de l’été 1960, un chaleureux accueil de la critique et du public.

Elmer Gantry, le charlatan s’appuie sur le bon équilibre entre des dialogues et quelques scènes d’action, créé par le scénario, salué par un Oscar en 1961, sur la solidité de la distribution, dominée par l’interprétation enflammée de Burt Lancaster, qui lui valut le seul Oscar de sa longue carrière d’acteur, et celle, remarquable de Shirley Jones, saluée, elle aussi par l’Oscar du meilleur second rôle pour sa composition de Lulu Bains, la prostituée qu’Elmer Gantry retrouve à Zenith. Jean Simmons passe brillamment la rampe avec son incarnation de Sister Sharon.

Elmer Gantry, le charlatan offre deux autres atouts, la photo John Alton, un des grands chefs opérateurs du noir et blanc qui s’est aussi distingué avec la couleur en remportant en 1952 un Oscar pour le ballet d’Un Américain à Paris (An American in Paris, Vincente Minnelli, 1951) et la composition originale d’André Previn, disparu en février dernier, salué par quatre Oscars pour sa contribution au cinéma.

Elmer Gantry, le charlatan

Présentation - 5,0 / 5

Elmer Gantry, le charlatan (146 minutes) et ses suppléments (60 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50, glissé, en compagnie d’un DVD-9 (sans autre supplément que la bande-annonce), dans les couvertures d’un mediabook de 116 pages contenant un article de Philippe Garnier, une collection de photos, la plupart en noir et blanc, et la reproduction de neuf affiches du film.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, au format audio DTS-HD Maser Audio 1.0 mono, avec sous-titres imposés qui auraient pu être placés plus bas sur l’image, et dans un doublage en français, au même format.

Le livre de 116 pages s’ouvre sur les débuts professionnels de Richard Brooks, le journalisme, l’écriture de nouvelles qu’il lisait à la radio, son engagement dans le Marine Corps à 30 ans, en 1943, quand il écrivit son premier roman, The Foxhole, publié sans l’accord de l’armée, l’appui du chroniqueur Mark Hellinger qui lui ouvrit les portes des studios Warner où il travailla comme scénariste et réalisateur et obtint avec The Blackboard Jungle son premier grand succès. Est soulignée la contribution substantielle de Burt Lancaster au scénario d’Elmer Gantry… Le livre, abondamment illustré de photos d’archives en noir et blanc et de reproductions d’affiches, se referme sur la fiche technique et artistique du film, la filmographie en tant que producteur, scénariste ou réalisateur de Richard Brooks et de Burt Lancaster.

Elmer Gantry, le charlatan

Bonus - 3,5 / 5

Le confidence man chez Lewis Sinclair (14’) par Jean-Claude Zylberstein, un spécialiste du roman américain. La réussite matérielle est une valeur essentielle de la société américaine dans laquelle la religion tient aussi une place importante. Elle est, dans le roman, utilisée comme un moyen d’enrichissement par un « confidence man », plus communément appelé con man, l’escroc suffisamment habile à embobiner son prochain pour lui soutirer de l’argent, comme le faisait Harry Powell dans La Nuit du chasseur (The Night of the Hunter, Charles Laughton, 1955). Si la place occupée par la religion s’est réduite dans la littérature, elle s’est maintenue dans la société : certains évangélistes continuent de faire fortune en attirant leurs fidèles par des spectacles qui ressemblent à du cirque. Sinclair Lewis, « un des meilleurs photographes de la société américaine de la première moitié du XXème siècle », est devenu un auteur classique.

L’évangile selon Brooks (45’). Patrick Brion tient Richard Brooks pour un des plus grands cinéastes américains. Journaliste, scénariste, romancier, puis réalisateur à la MGM, il met en scène plusieurs adaptations littéraires. De Dostoïevski, Les Frères Karazamov (The Brothers Karamazov, 1958), de Tennessee Williams, La Chatte sur un toit brûlant et Doux oiseau de jeunesse, de Joseph Conrad, Lord Jim, de Truman Capote, De sang-froid… Après une longue digression sur Louis B. Mayer, qui n’était plus à la tête de la MGM, Patrick Brion évoque l’oeuvre de Sinclair Lewis, les scénarios de Richard Brooks pour en arriver à Elmer Gantry, un portrait ambigu des évangélistes. Il conclut sur la richesse et la vitalité du cinéma américain des années 50 qui n’a pas si souffert que certains le disent de la censure, à l’aube des années difficiles qu’il allait connaître avec l’apparition dans tous les foyers de la télévision qui attire aujourd’hui tous les talents dans la création d’ambitieuses séries.

Bande-annonce.

Elmer Gantry, le charlatan

Image - 5,0 / 5

L’image (1.66:1, 1080p, AVC) a été parfaitement restaurée : débarrassée de la moindre trace de détérioration de la pellicule, lumineuse, solidement contrastée, avec des noirs profonds, elle propose des couleurs agréablement saturées rappelant fidèlement la palette de l’Eastman Color originel.

Son - 4,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 1.0, très propre lui aussi, restitue clairement les dialogues. Une bonne dynamique et une large ouverture du spectre donne une belle présence à la composition d’André Previn.

Ces remarques valent pour le doublage en français, dans l’ensemble acceptable, avec un timbre légèrement étouffé.

Crédits images : © Wild Side

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 4 décembre 2019
Une brûlante dénonciation de l’utilisation de la religion faite par des imposteurs pour soutirer de l’argent aux plus faibles et une adaptation pour l’écran qui surpasse le roman qui l’a inspirée. Un des chefs-d’œuvre de Richard Brooks et la meilleure démonstration de son talent qu’ait jamais faite Burt Lancaster ! Un film à voir et à revoir !

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Elmer Gantry, le charlatan
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