Cape et poignard (1946) : le test complet du Blu-ray

Cloak and Dagger

Réalisé par Fritz Lang
Avec Gary Cooper, Lilli Palmer et Robert Alda

Édité par Rimini Editions

Voir la fiche technique

Avatar Par
Le 21/11/2019
Critique

Une série B guerre+espionnage au suspense angoissant, à l’écriture nerveuse, au montage impeccable, mise en scène par Fritz Lang pour la Warner.

Cape et poignard

Cape et poignard (Cloak and Dagger, USA 1946) de Fritz Lang est un de ses cinq films consacrés à la Seconde guerre mondiale entre 1941 et 1950. Il allie les genres du film de guerre - que Lang sert dans son méconnu mais intéressant Guérillas aux Philippines (American Guerrilla in the Philippines, USA 1950) - et du film d’espionnage.

Sur le plan historique, notons que l’atomique « Projet Manhattan » est explicitement mentionné par le dialogue. Sur le plan de la violence graphique, une lutte silencieuse à mort de quelques minutes, demeure d’une efficacité renforcée par sa rigueur de découpage et la brutalité de son montage. Sur le plan de l’érotisme au cinéma, c’est le premier véritable grand rôle de la belle Lili Palmer, après dix années d’une carrière anglaise sans grand intérêt. Dans ces deux cas, il faut souligner l’apport technique de Sol Polito, l’un des plus grands directeurs photo de la Warner de la période 1930-1940 : on n’oublie pas les inquiétants plans larges d’intérieur, filmés en plongée, du hall d’entrée de la maison du physicien italien surveillé d’une manière oppressante par la Gestapo ni le plan presque abstrait de la belle Lili Palmer effrayée en contrechamp par un chat nocturne ou bien encore ce plan de demi-ensemble magnifique de Cooper et Palmer figés contre un mur sur lequel une flèche peinte symbolise le destin. Lang avait certes probablement dessiné et mesuré, comme il le faisait toujours, ses plans à l’avance mais la photo de Polito leur confère une remarquable densité plastique. Sans oublier un montage signé Christian Nyby, d’une belle précision. Enfin le thème démoniaque du double (le thème clé du cinéma expressionniste allemand comme du cinéma fantastique en général) fait irruption dans le scénario, très soigneusement écrit et redoublant le suspense régulièrement.

Moins ample que Les Bourreaux meurent aussi (USA 1943), moins thématiquement riche que Espions sur la Tamise (Ministry of Fear, USA 1944), c’est plutôt à Chasse à l’homme (USA 1941) qu’il faudrait comparer filmographiquement ce titre de 1946 : il partage avec lui un budget visuellement serré, une certaine sécheresse narrative et une ligne directrice simple mais poussée au bout de sa logique. Ce dernier point demeurant néanmoins sujet à discussion d’histoire du cinéma car Lang assurait que la Warner avait supprimé sa fin originale, différente, plus spectaculaire mais aussi un peu plus inquiétante que la fin optimiste ici visible. On l’a souvent dit, il n’y a pas de Fritz Lang mineur : la preuve par cette série B contenant de très purs et beaux moments de cinéma.

Cape et poignard

Présentation - 4,0 / 5

Combo 1 Blu-ray édité par Rimini le 15 octobre 2019. Image au format 1.37 N&B compatible 16/9 Full HD, son VOSTF + VF en Linear PCM. Durée du film : 106 min. Suppléments : « Fritz Lang, espions et nazis », par Bernard Eisenchitz (VF, 23 min. environ) + « Le Projet Cape et Poignard », par Christian Viviani (VF, 24 min. environ).

Bonus - 2,5 / 5

Fritz Lang, nazis et espions, par Bernard Eisenchitz (durée 23 min environ) : remise en situation précise du titre dans la vie et la filmographie de Lang mais très peu de choses sur le film lui-même ici envisagé d’abord comme le terme final d’une série « espionnage anti-nazi » réalisée par Lang de 1941 à 1946, ensuite comme un exemple du thème plus global du complot dans son oeuvre muette et parlante. Je note que, depuis les belles monographies sur Lang par Luc Moullet (éditions Seghers, 1963, lue la même année par Brigitte Bardot dans Le Mépris de Jean-Luc Godard) et par Lotte H. Eisner (1976, traduite et revue par Eisenchitz en 1984 pour l’édition posthume française), on en sait davantage sur la chronologie exacte des rapports entre Fritz Lang et l’Allemagne nazie au tournant de l’année 1933. Lire la synthétique et très précise monographie de Michel Marmin, Lang, éditions Pardès (Paris 2004) qui en traite d’une manière approfondie, documentée aux meilleures sources y compris américaines. Nombreuses illustrations.

Cape et poignard

Le Projet Cape et poignard, par Christian Viviani (VF, durée 24 min environ) : le titre de cet entretien fait allusion au « Projet Manhattan », explicitement cité par le dialogue de 1946. Viviani dresse un bref mais intéressant et suggestif parallèle entre la filmographie de Lang et celle de Hitchcock. Est-ce à dire que le second fut réellement influencé par le premier ? Il faudrait creuser la question sur le plan historique, thématique, esthétique. La séquence du meurtre silencieux du SS par le savant sous les yeux de Lili Palmer dans Cape et poignard, me fait effectivement beaucoup penser à ce que fera Hitchcock en 1966, vingt ans plus tard, dans une séquence de Le Rideau déchiré mais, même si le principe dramaturgique est assurément semblable, Hitchcock a-t-il songé en 1966 au film de Lang ou bien, rétrospectivement, n’est-ce pas plutôt nous qui y songeons à sa place ? Occasion de relire les divers entretiens de Hitchcock parlant de cette séquence pour savoir s’il reconnaît une quelconque influence de Lang sur elle, à tout le moins. Viviani apporte aussi quelques informations sur les relations (bonnes) de Lang avec l’acteur Gary Cooper et sur celles (mauvaises) avec Lili Palmer, sur la tonalité sociale et « démocrate » (au sens de ce terme en politique américaine) de la Warner, sur l’origine historique probable du personnage interprété par Gary Cooper. Cet entretien est illustré par des séquences du film (ce qui est foncièrement inutile puisque le spectateur vient de le voir : ça ne sert qu’à le rallonger inutilement) et quelques photos N&B.

Au total, honorable édition spéciale qui fournit un certain nombre des clés filmographiques, thématiques et esthétiques permettant d’appréhender correctement ce titre de Lang. Je regrette cependant l’absence d’une galerie affiches et photos, notamment celle des « lobby cards » colorisées si mignonnes de 1946.

Cape et poignard

Image - 3,0 / 5

Format original 1.37 N&B respecté, compatible 16/9 Full HD 1080p. Copie argentique restaurée mais comportant encore, sur plusieurs dizaines de plans (rencontre dans le bureau du physicien italien, par exemple), une fine rayure ou, plus rarement, deux ou trois à la fois (peut-être définitivement incrustées dans le négatif ?) sans oublier de rares poussières négatives et positives. Le laboratoire de la Paramount, responsable technique du report de ce Warner d’origine si on en croit le logo apparaissant après le générique de fin, aurait pu mieux faire sur le plan du nettoyage s’il s’en était donné les moyens.

Sur le plan vidéo numérique pure en revanche, excellente définition, parfaite gestion des noirs et du contraste, bon équilibre entre respect du grain et lissage : le report vidéo est soigné et on peut remiser, à copie argentique égale, son ancien DVD sans regret. Un unique plan est un peu flou (pendant le dialogue dans le bureau du physicien au moment où ce dernier dit à Polda : « Ce n’est pas vous qui parlez… qui vous y contraint ? ») mais je ne l’ai jamais vu en bon état quel que soit le support utilisé.

Cape et poignard

Son - 4,0 / 5

VOSTF + VF en PCM. La VF est correcte techniquement (et assez bonne dramaturgiquement) mais ne sonne pas d’époque : il me semble que les voix qu’on entend ne correspondent pas à des voix françaises de 1947 : peut-être s’agit-il d’une VF plus récente refaite à l’occasion d’une télédiffusion française des années 1990 ou 2000 ? Peu importe, à vrai dire : l’essentiel est que la piste VO soit en bon état : son souffle est limité aussi bien que possible, compte tenu de l’âge de la piste. Musique peu inspirée mais assez dynamique (et ici restituée telle) signée Max Steiner.

Crédits images : © Rimini Éditions

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
Avis

Moyenne

4,0
5
0
4
1
3
0
2
0
1
0

Je donne mon avis !

Avatar
francis moury
Le 21 novembre 2019
Une série B guerre+espionnage au suspense angoissant, à l’écriture nerveuse, au montage impeccable, mise en scène par Fritz Lang pour la Warner.

Lire les avis »

Multimédia

Proposer une bande-annonce

Du même auteur
(publicité)

(publicité)