Avant le déluge (1954) : le test complet du Blu-ray

Réalisé par André Cayatte
Avec Antoine Balpêtré, Paul Bisciglia et Bernard Blier

Édité par Gaumont

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Le 18/02/2020
Critique

Film noir policier dépeignant d’une manière ample la panique française au moment de la guerre de Corée.

Avant le déluge

Avant le déluge (Fr.-Ital.1953) d’André Cayatte est le troisième titre de sa tétralogie judiciaire de 1950-1955 mais ici, la critique du système judiciaire est surtout esquissée au début et à la fin du film : entre les deux, l’histoire est constituée comme une fresque peignant, par souvenirs en forme de tableaux successifs, diverses familles et milieux en 1950, en pleine crise coréenne faisant craindre une nouvelle guerre mondiale, atomique cette fois-ci. Ce n’est donc pas, ici, un film à thèse comme celui de 1950 mais un film posant plusieurs questions (les jeunes gens ont-ils commis le crime dont on les accuse à cause des événements, à cause de leurs famille, à cause de leur milieu social ?) et avouant, in fine, qu’il n’y a pas de réponse unique.

Qu’importe au fond ce prétexte en apparence sociologique car le portrait de la France de 1950 est stupéfiant de virulence et de réalisme : il y a vraiment quelque chose de Balzac et de Zola à la fois dans cette description ! On n’oublie pas Bernard Blier en professeur de lettres militant pour la paix mondiale et les droits de l’homme mais incapable de surveiller sa fille de 16 ans et se disputant avec son fils communiste, lecteur du journal communiste L’Humanité pendant son petit-déjeuner ni les vieux numéros du journal en question qui servent à confectionner une robe pour sa fille : un des grands moments du film. Elle n’a pas d’argent pour en acheter une, vu que son père dépense l’héritage maternel en passant tout son temps libre à confectionner des tracts ronéotypés qu’il rédige puis fabrique dans son salon ! On n’oublie pas non plus Balpétré, extraordinaire en musicien germanophile, prétendant mieux respecter que son chef d’orchestre la partition de l’opéra Les Walkyries de Richard Wagner et condamné à la Libération pour collaboration avec l’ennemi. La névrose collective de 1950 est à la fois nourrie par le passé (la Seconde guerre mondiale et le régime de Vichy), par le présent (la crainte de l’extension de la guerre de Corée au niveau atomique mondial) et par le futur (on y rêve d’une société autre, lointaine, utopique opposée à la société réelle). Sans oublier les névroses personnelles : celle de la mère (jouée par Line Noro) d’un des jeunes héros est gratinée et frise parfois l’hystérie totale.

Avant le déluge

L’Introduction à la psychanalyse>/i> de Freud, dans sa traduction française éditée in-8° par la Bibiliothèque scientifique Payot, est d’ailleurs filmée entre les mains de Balpétré : toute une époque ! Cayatte brosse même, à petites touches assez claires, le tableau du début de la libération sexuelle et du refus des conventions sociales qui seront la tarte à la crème du cinéma contestataire des années 1960-1970 : amour libre et homosexualité sont discrètement mais réellement évoqués.

Savoureux casting (une constante du cinéma de Cayatte) alliant visages anciens et nouveaux. Co-production italo-française oblige, les actrices italiennes et françaises sont au menu : le célèbre plan de la mignonne Delia Scala montrant son beau sein avait eu les honneurs d’un photogramme dans l’édition définitive du livre de Lo Duca et Maurice Bessy, L’érotisme au cinéma. On le retrouve ici tel qu’en lui-même mais mieux défini. Marina Vlady en douce vamp criminogène esquisse déjà la femme fatale qu’elle sera plus franchement dans les grands films de Robert Hossein, à partir de 1955.

Bref, ensemble remarquable du début à la fin : on ne s’ennuie pas une minute tant c’est bien écrit, dialogué, monté et mis en scène. Un des meilleurs films noirs policiers français de la période 1950-1960 et, peut-être, le meilleur des quatre titres de la tétralogie judiciaire, en raison de son ampleur sociologique et psychologique, de sa variété esthétique de tons, oscillant entre néo-réalisme, réalisme poétique et même quelques incursions baroques dans l’érotisme et la violence.

Avant le déluge

Présentation - 5,0 / 5

1 Blu-ray BD50 multi-régions ABC, édité par Gaumont, le 20 novembre 2019. Image Full HD 1080p restaurée 2K, au format 1.37 N&B original respecté, compatible 16/9, son VF en DTS-HD Master Audio 2.0 mono + VFST pour sourds et malentendants. Durée du film : 138 min. environ. Suppléments : présentation par Noël Herpe, bande-annonce originale, module de restauration.

Bonus - 3,0 / 5

Présentation par Noël Herpe (2019, 16/9, 25 min. environ) : présentant bien le film et intéressante. Herpe y narre un souvenir de tournage raconté par un des acteurs, y lit deux critiques d’époque dont une de Lucien Rebatet (sous son pseudonyme habituel de « François Vinneuil ») qui aimait ce titre de Cayatte. Herpe précise aussi l’ambition anthropologique du scénario et, d’autre part, la conception du casting de Cayatte qui explique bien la raison pour laquelle il avait confié au grand acteur Balpétré le rôle du musicien. Juste un petit bémol historique : la guerre de Corée est définie par Herpe comme une guerre « américano-soviétique » mais ce sont les troupes chinoises rouges maoïstes, pas les troupes soviétiques, qui aidaient en première ligne l’armée nord-coréenne à envahir la Corée du Sud. Voir par exemple, si on souhaite se rafraîchir la mémoire, les films américains de guerre de Samuel Fuller (1950+1951), Dick Powell (1958) et Lewis Milestone (1959) et les films de guerre sud-coréens tels que Frères de sang (Corée du Sud 2004) de Kang Je-gyu et The Front Line (Corée du Sud 2011) de Go-ji-jeon dont le sujet est le même que celui du Milestone de 1959.

Bande-annonce (1.37 compatible 16/9, N&B, 3 min. 15 sec. environ) : elle rappelle que le film fut doublement primé au Festival de Cannes de 1954, y compris par un prix de la critique. Et elle pose trois questions écrites en toutes lettres à l’écran en précisant que les réponses sont laissées in fine à l’appréciation critique du spectateur. Un peu longue, comme on les faisait à l’époque, mais donnant une bonne idée de l’ensemble.

Module de restauration (N&B, 2 min. environ) : classique exemple de quelques séquences avant et après restauration technique et nettoyage.

Au total, honnête édition spéciale permettant d’appréhender correctement ce titre. Il lui manque juste une galerie affiches et photos non détourées d’exploitation françaises ainsi qu’une galerie de critiques d’époque pour être réellement satisfaisante.

Avant le déluge

Image - 5,0 / 5

Format original 1.37 respecté en N&B, compatible 16/9 Full HD 1080p. Copie argentique parfaitement restaurée en 2K par le laboratoire Éclair en 2018. Transfert numérique préservant un équilibre impeccable entre grain et lissage. Dorénavant l’édition de référence en Full HD. On peut remiser l’ancienne édition DVD Gaumont découverte (qui présentait une copie non restaurée bien que visible) et la remplacer avantageusement par celle-ci. Je n’ai noté que trois plans un peu instables sur l’ensemble : très honorable compte tenu de la longue durée du titre et de l’âge du matériel.

Son - 5,0 / 5

VF en DTS-HD Master Audio 2.0 mono + VFST pour sourds et malentendants + Audiodescription. Piste sonore parfaitement restaurée elle aussi et très bien remastérisée. Excellents ST pour sourd et malentendants, intuitifs et bien répartis en fonction des dialogues : une constante des éditions vidéo numériques haute définition chez Gaumont. L’Audiodescription est proposée dès le menu principal qui permet de la sélectionner.

Crédits images : © Gaumont

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
Avis

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francis moury
Le 19 février 2020
Film noir policier dépeignant d’une manière ample la panique française au moment de la guerre de Corée.

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