Le Conte du tsar Saltan (1967) : le test complet du Blu-ray

Skazka o tsare Saltane

Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre

Réalisé par Aleksandr Ptushko
Avec Vladimir Andreyev, Larisa Golubkina et Oleg Vidov

Édité par Artus Films

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Le 17/02/2020
Critique

Un conte de fées de Pouchkine, brillamment mis en image ! Pourquoi résister l’invitation au rêve faite par ce film encore inédit en vidéo ?

Le conte du Tsar Sultan

Épiées par trois hommes, trois soeurs chantent, deux filant quenouille, la troisième, la benjamine caressant son chat. L’aînée dit : « Si j’étais tsarine, j’aimerais servir un fameux festin à tous les bons chrétiens. » La cadette : « De bonne toile je tisserais pour les bourgeois du monde entier. » La benjamine : « Moi, je donnerais à mon bon tsar le plus robuste des gaillards. » La porte s’ouvre brusquement, un homme entre : le tsar ! Il dit à la plus jeune : « Tu seras tsarine ! Donne-moi un robuste garçon (il compte sur ses doigts…) pour la moisson ! » et aux deux autres : « L’une tissera la toile et l’autre, à la cuisine, tiendra la poêle ! » Les deux aînées, dépitées, vont ourdir un complot. Peu après la célébration du mariage, le tsar doit partir guerroyer pour repousser des envahisseurs. Neuf mois plus tard, les deux soeurs aînées lui envoient un messager pour l’informer que la tsarine a accouché… d’un bestiau ! Puis elles adressent un second message aux boyards avec l’ordre du tsar d’enfermer la tsarine et son rejeton dans un tonneau et de les jeter à la mer. Ils échapperont miraculeusement à la mort et échoueront sur l’île de Bouïane où le tsarévitch grandit à une vitesse surprenante. Il sauvera de l’attaque d’un aigle un cygne qui n’est autre qu’une princesse victime d’un mauvais sort…

Le Conte du tsar Saltan (Skazka o tsare Saltane) est l’adaptation d’un conte en vers d’Alexandre Pouchkine, intitulé Du tsar Saltan, de son fils Gvidon le preux et puissant chevalier et de la belle princesse cygne, publié en 1831, inspiré d’un conte écrit en 1698 par Marie-Catherine d’Aulnoy, La princesse Belle Étoile et le prince Chéri.

Le conte du Tsar Sultan

Le Conte du tsar Saltan est l’avant-dernier film d’Aleksandr Ptushko (ou Alexandre Ptouchko), largement méconnu, notamment en France où la seule oeuvre éditée en vidéo était, jusqu’ici, Le Tour du monde de Sadko (Sadko, 1953), sur DVD Bach Films sorti en 2006.

Des gnomes hirsutes et grotesques en guise d’ennemis, un écureuil qui chante et qui danse, des soldats hauts de trois mètres qui sortent de la mer en armures dorées sur les rivages d’une « petite île avec une grande ville » où l’on ramasse des émeraudes par pelletées pour les entasser dans les caves, où un cygne se transforme en princesse et un tsarévitch en bourdon… Le conte, narré en vers de sept pieds, nous invite dans un monde merveilleux où tout est possible, un univers dont l’étrangeté est soulignée par le choix de couleurs acidulées, de décors et de paysages naïfs, aux dimensions trompeuses, brouillant les perspectives en rappelant les enluminures des livres d’heures du Moyen-Âge, composant un style graphique qui peut faire penser à celui de Perceval le Gallois (Éric Rohmer, 1979), disponible dans Éric Rohmer : L’intégrale, éditée par Potemkine Films en 2013, ou encore celui choisi par Walerian Borowczyk pour Blanche, disponible dans le fabuleux coffret Boro - Walerian Borowczyk - Coffret, édité par Carlotta Films en 2017.

Le Conte du tsar Saltan hypnotise dès les premières scènes. Difficile de résister à l’enchantement provoqué par l’originale beauté de l’image, des décors et des costumes, par la grâce des interprètes, en particulier de la ballerine Kseniya Ryabinkina dans le rôle de la princesse, par le magnifique accompagnement musical du compositeur Gavriil Popov, par le rythme des vers de sept pieds de la version originale. On doit cependant souligner la rare qualité du doublage en français, lui aussi en vers, mais d’une métrique variable.

Le conte du Tsar Sultan

Présentation - 5,0 / 5

Le Conte du tsar Saltan (85 minutes) et ses suppléments (5’) tiennent, dans cette édition combo, sur un Blu-ray BD-25 et un DVD-9 placés dans les couvertures d’un solide mediabook de 19 mm d’épaisseur.

Le menu fixe et musical propose le film dans sa version originale, avec sous-titres optionnels, et un doublage en français, les deux au format audio sans compression LPCM 2.0 mono.

Un livret de 96 pages, intitulé Alexandre Ptouchko, le magicien russe, rédigé par l’écrivain et essayiste Nicolas Bonnal, connaisseur de la culture russe et auteur de plusieurs ouvrages sur le cinéma, s’ouvre sur Variations sur la carrière de Ptouchko, « dont il est difficile de parler tant il est méconnu, (…) un de ces gardiens de l’âme russe et slave qui a mieux résisté au communisme que nous au capitalisme ». Peintre, marionnettiste, sculpteur, il réalise en 1935 son premier long métrage, Le Nouveau Gulliver (Novyy Gulliver) puis, en 1939, La Clé d’or (Zolotoy klyuchik), une adaptation de Pinocchio, le conte de Carlo Collodi. Devenu professeur, il réalise en 1946 Fleur de pierre (Kamennyy tsvetok), Grand prix international de la couleur à Cannes, un énorme succès, puis Le Tour du monde de Sadko (Sadko, 1952, Lion d’argent à Venise), puis son « opus magnum », Le Géant de la steppe (Ilya Muromets, 1956), un film épique. Suivra Sampo, une adaptation du Kalevala du Finlandais Lönnrot qui inspira Tolkien. Son dernier film, Rousslan et Ludmilla (Ruslan i Lyudmila, 1972) sera une autre adaptation d’un conte de Pouchkine. Le livret se poursuit avec Variations cosmologiques sur le cinéma de Ptouchko, une analyse sophistiquée du contenu social de son cinéma et de son esthétique aux décors stylisés. Dans le dernier chapitre, De Pouchkine à Ptouchko : la progression de Tzar Saltan, Nicolas Bonnal souligne les différences entre le conte et le film, « un des plus enchantés qui soit », et sa plasticité : « Ptouchko a réussi à dépasser tous les canons de la beauté au cinéma. »

Ce remarquable livre se referme sur une traduction du conte de Pouchkine par Tetyana-Popova-Bonnal, l’épouse de Nicolas Bonnal.

Le conte du Tsar Sultan

Bonus - 1,5 / 5

Diaporama (2’), une belle sélection de 19 photos recadrées du film.

Bande-annonce en russe et en français, avec un recadrage de l’image au ratio 2.0:1.

Un bonus vidéo dont la légèreté est, heureusement, compensée par l’intérêt et la richesse du livret.

Image - 4,5 / 5

L’image (2.35:1, 1080p, AVC), lumineuse, très stable est magnifique : aucune tache ou rayure n’a résisté à une soigneuse restauration qui a respecté la texture argentique et ravivé les couleurs dans les tons acidulés qui font une des originalités du film. Le seul reproche tient à la teinte grisâtre que prennent occasionnellement les visages.

Son - 5,0 / 5

Le son LPCM 2.0 mono de la version originale, lui aussi d’une exemplaire propreté, délivre dialogues, ambiance et accompagnement musical sur une large bande passante, avec des aigus cristallins et des basses un peu plus limitées, mais fermes. La finesse du son et la quasi-absence de saturations permettent d’apprécier la richesse de la partition de Gavriil Popov.

Ces observations valent pour le doublage en français, d’une rare qualité.

Crédits images : © Artus Films

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

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Philippe Gautreau
Le 19 février 2020
Cette adaptation, encore inédite, d’un conte en vers d’Alexandre Pouchkine, une invitation à entrer dans un monde étrange et merveilleux où tout est possible, donnera aux cinéphiles l’occasion de découvrir Aleksandr Ptushko, un cinéaste largement méconnu, notamment en France. Une belle édition d’Artus Films, enrichie par un livre passionnant !

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Le Conte du tsar Saltan
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