Les Damnés (1962) : le test complet du Blu-ray

The Damned

Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret

Réalisé par Joseph Losey
Avec Macdonald Carey, Shirley Anne Field et Viveca Lindfors

Édité par ESC Editions

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Le 17/02/2020
Critique

Le hasard conduit un Américain en villégiature dans un station balnéaire anglaise à découvrir un terrible secret d’État…

Les Damnés

À Weymouth, un port de la côte sud de l’Angleterre, l’Américain Simon Wells est dévalisé par une bande de blousons noirs dirigés par King, un Teddy Boy. La soeur de ce dernier, Joan, qui a servi d’appât, prend la défense de Wells et s’enfuit avec lui à bord de son petit yacht. Un peu plus tard, caché dans une maison sur la falaise, refuge de la sculptrice Freya, la maîtresse de Bernard, un agent du gouvernement, le couple est retrouvé par King et sa bande. En fuyant à nouveau, Joan et Simon tombent de la falaise surplombée par une base militaire secrète et se réfugient dans une grotte où ils sont bientôt rejoints par King.

Les Damnés (The Damned ou These Are the Damned, aux USA et au Canada), sorti en 1962, est le huitième long métrage réalisé en Europe par Joseph Losey après qu’il eût quitté les USA en 1953 pour échapper à la chasse aux sorcières du House Un-American Activities Committee (HUAC) qui l’avait inscrit sur sa liste noire.

Les Damnés sort un an avant The Servant, un de ses chefs-d’oeuvre avec Accident (1967), Le Messager (The Go-Between, 1971) et Mr. Klein (1976). Produit par Hammer Films, c’est l’adaptation, très libre, du roman The Children of Light, publié en 1960 par H.L. Lawrence. Le budget très réduit, 500 000 dollars, sera largement dépassé et le film connaîtra un échec commercial, en partie dû à sa sortie tardive, deux ans après la fin du tournage, à la suite d’un différend entre Losey et la censure britannique, et à une distribution en salles couplée à un autre film.

Les Damnés approche la science-fiction de manière originale, sans effets spéciaux, juste avec des enfants d’apparence banale s’ils n’avaient une particularité singulière, celle de ne produire aucune chaleur corporelle, tels des animaux à sang-froid. Une approche qui peut rappeler celle choisie par Wolf Rilla pour Le Village des damnés (Village of the Damned, 1960).

Les Damnés

Joseph Losey porte aussi un regard critique sur l’Angleterre du début des années 60, en opposant le cachet désuet de la station balnéaire de Weymouth, symbolisé par une horloge tarabiscotée et le pompeux monument érigé à la mémoire de George III, et la brutalité du Black Leather Black Rock, « l’hymne » du Teddy Boy King et des blousons noirs à ses ordres, un phénomène encore naissant outre-Manche, une des formes de remise en cause des valeurs traditionnelles héritées de l’époque victorienne.

Les Damnés profite aussi d’un casting assez exceptionnel. Viveca Lindfors venait de recevoir l’Ours d’argent de la Meilleure actrice à Berlin pour No Exit, coréalisé par Tad Danielewski et Orson Welles. Shirley Anne Field s’était fait connaître par Crime au musée des horreurs (Horrors of the Black Museum, Arthur Crabtree, 1959), par un petit rôle dans Le Voyeur (Peeping Tom, Michael Powell, 1960) et, surtout, par Samedi soir et dimanche matin (Saturday Night and Sunday Morning) où elle était en tête d’affiche avec Albert Finney dans le premier long métrage, et le premier chef-d’oeuvre, de Karel Reisz. Et, dans le rôle de King, Oliver Reed, devenu célèbre depuis sa récente performance dans le rôle-titre de La Nuit du loup-garou (The Curse of the Werewolf, Terence Fisher, 1961) communique avec délicatesse le regard ambigu, quasi-incestueux, de King sur Joan.

Les Damnés, pour l’originalité du traitement du sujet, la rigueur de sa mise en scène et la beauté de la photographie d’Arthur Grant, un des chef-opérateurs attitré de Hammer Films, finira par susciter l’intérêt de la critique et par trouver son public quand Joseph Losey sera enfin perçu comme un grand réalisateur.

Film assez méconnu, encore inédit sur disque optique en France, et bien qu’il appartienne plutôt au genre de la science-fiction, Les Damnés vient grossir le catalogue de la collection British Terrors, lancée par ESC Éditions en 2018, largement couverte par les chroniques de DVDFR.

Les Damnés

Présentation - 3,5 / 5

Les Damnés (95 minutes) et ses compléments (31 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé, dans cette édition combo, avec un DVD, dans un Mediabook, non fourni pour le test.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, avec sous-titres optionnels, au format audio DTS-HD Master Audio 1.0.

À l’intérieur du boîtier, un livret de 16 pages intitulé Les Damnés : La raison d’État, écrit par Marc Toullec. Après une rapide revue des premiers films tournés par Joseph Losey en Grande-Bretagne, Marc Toullec rappelle que le réalisateur avait décidé, deux semaines avant le tournage, de remanier le scénario de Ben Barzman, auquel il reprochait son apologie du communisme. La nouvelle adaptation du roman de H.L. Lawrence contiendra une critique du système éducatif britannique, « un système désuet, mis sur pied pour corrompre, pervertir les jeunes en leur lavant le cerveau ». Losey dut s’adapter à Macdonald Care (Welles) et à Shirley Ann Field (Joan) qu’on lui avait imposés, et affronter Viveca Lindfors, formée à l’Actors Studio, qui voulait improviser. Il évoque ensuite le dépassement du budget, un problème pour Hammer Films souvent sur la corde raide, l’échec du film en Angleterre et aux USA où il est amputé d’une dizaine de minutes.

Les Damnés

Bonus - 2,5 / 5

Les trésors de la Hammer (13’), par Nicolas Stanzick, auteur de Dans les griffes de la Hammer : La France livrée au cinéma d’épouvante (Editions Scali, 2007). Créé au milieu des années 30, le studio a acquis une dimension mythique en se lançant dans la production de films fantastiques et d’épouvante, un tournant amorcé avec Le Monstre (The Quatermass Xperiment) et La Marque (Quatermass 2) réalisés par Val Guest en 1955 et 1957, marquant le point de départ d’une renaissance d’un genre tombé en désuétude à la fin des années 40 avant d’être parodié dans une série de comédies burlesques d’Abbott et Costello. Avec Frankenstein s’est échappé ! (The Curse of Frankenstein, 1957) et Le Cauchemar de Dracula (Dracula, 1958), le trio Terence Fisher, Peter Cushing et Christopher Lee va donner au studio ses lettres de noblesse et lever « une lame de fond gothique » qui déferlera vite sur l’Italie avec Le Masque du démon (La Maschera del demonio, Mario Bava, 1960), sur les USA avec Le Masque de la Mort Rouge (The Masque of the Red Death, Roger Corman,1964), sur l’Espagne avec Jess Franco… À partir de 1962, le cercle des réalisateurs s’élargit avec Don Sharp, Freddie Francis, Roy Ward Baker… Après le déclin du genre, au début des années 70, une mythologie du cinéma fantastique et d’épouvante était née et rassemblera de nombreux adeptes (supplément commun aux titres de la collection British Horrors édités à partir de 2019).

Qui est Joseph Losey ? par Noël Simsolo (18’). Né en 1909, orienté par ses parents vers des études de médecine, il est attiré par le théâtre. Il rencontre Elia Kazan, met en scène Galileo avec Berthold Brecht, rejoint le RKO en 1946 où il réalise Le Garçon aux cheveux verts (The Boy with Green Hair, 1948), puis son premier grand film, Le Rôdeur (The Prowler, 1951), et M le maudit, un remake du film de Fritz Lang. Sur la liste noire, il s’installe au Royaume Uni où il signe plusieurs films sous des pseudonymes pour permettre leur distribution aux USA. L’échec commercial de The Gypsy and the Gentleman, en 1958, avec Melina Mercouri le met provisoirement sur la touche, avant qu’il ne puisse réaliser un chef-d’oeuvre, L’Enquête de l’inspecteur Morgan (Blind Date, 1959), puis Eva, un film extraordinaire en dépit des mutilation infligées par les producteurs. Sa rencontre avec Harold Pinter donnera naissance à The Servant, le film qui va le sacraliser. Et après l’échec de Modesty Blaise, viendront Accident, Cérémonie secrète et Le Messager. Mr. Klein peut être vu comme la référence de toute l’oeuvre d’un « cinéaste du désespoir ».

Les Damnés

Image - 5,0 / 5

L’image (2.35:1, 1080p, AVC) a été parfaitement restaurée. Débarrassée des moindres taches, elle est stable, soigneusement étalonnée et agréablement contrastée, avec des blancs lumineux et des noirs denses. La correction du bruit, optimale, respecte la texture argentique.

Son - 5,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 1.0, étonnamment propre lui aussi, pratiquement exempt de souffle, est au meilleur niveau de qualité qu’on peut attendre d’un film de cet âge. La balance entre l’ambiance, l’accompagnement musical et les dialogues garantit leur parfaite intelligibilité.

Crédits images : © ESC Éditions

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

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Philippe Gautreau
Le 19 février 2020
Pour l’originalité du traitement du sujet, la rigueur de sa mise en scène et la beauté de la photographie, ce film assez méconnu de Joseph Losey finira par susciter l’intérêt de la critique et par trouver son public. Encore inédit sur disque optique en France, il vient grossir le catalogue de la collection British Terrors, lancée par ESC Éditions en 2018.

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