La Rumeur (1961) : le test complet du Blu-ray

The Children's Hour

Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret

Réalisé par William Wyler
Avec Audrey Hepburn, Shirley MacLaine et James Garner

Édité par Wild Side Video

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Le 09/09/2020
Critique

Une brillante dénonciation de la diffamation qui fait aujourd’hui, avec le support des réseaux sociaux, beaucoup plus de victimes que par le passé.

La Rumeur

Karen Wrjght et Martha Dobie, amies depuis l’université, ont fondé un pensionnat pour jeunes filles, Wright-Dobie School for Girls, qui commence tout juste à être rentable. Karen, fiancée au docteur Joe Cardin, a repoussé de trois mois son mariage pour continuer d’aider Martha jusqu’à la fin de l’année scolaire. Mary Tilford, une petite peste, pour se venger d’une punition, dit à sa grand-mère, Amelia Tilford, avoir surpris, une nuit, Karen et Martha enlacées dans la même chambre. Ce mensonge a des conséquences dramatiques : dès le lendemain, prévenus par Amelia Tilford, tous les parents retirent leurs filles de l’école…

La Rumeur (The Children’s Hour), sorti en 1961, deux ans après le phénoménal succès de Ben-Hur, le film aux 11 Oscars, est l’adaptation d’une pièce, montée en 1934, de la dramaturge et scénariste Lilian Hellman. Bien qu’elle ait été inscrite sur la liste noire du HUAC (House Committee on Un-American Activities), comme son compagnon Dashiell Hammett, sa contribution au cinéma totalise une quarantaine de titres, avec des adaptations de son oeuvre théâtrale où l’écriture de scénarios, parmi lesquels celui de La Poursuite impitoyable (The Chase, Arthur Penn, 1966) et Julia (Fred Zinnemann, 1977).

Lilian Hellman inspira particulièrement William Wyler. Il réalisa en 1936 une première adaptation de The Children’s Hour sous le titre These Three (Ils étaient trois en France), puis Rue sans issue (Dead End, 1937), Madame et son cowboy (The Cowboy and the Lady, coréalisé avec H.C. Potter et Stuart Heisler en 1938), Le Cavalier du désert (The Westerner, 1940) et La Vipère (The Little Foxes, 1941), un film majeur toujours absent de nos catalogues vidéo.

La Rumeur, en centrant l’intrigue sur les ravages de la diffamation, éclipse la question de l’homosexualité, encore considérée comme une déviation, voire une perversion, par l’Amérique profonde à l’aube des années 60.

La Rumeur

La Rumeur, en dépit de son échec commercial, est pourtant un film remarquable, pour l’importance de son sujet, pour la qualité de sa distribution et de sa direction d’acteurs, pour la beauté de la photographie de Franz Planer, cinq fois nommé aux Oscars, que William Wyler avait déjà employé en 1953 pour Vacances romaines et, en 1958, pour Les Grands espaces (The Big Country).

En tête de la distribution, Audrey Hepburn, était au faîte de sa gloire, huit ans après Vacances romaines (Roman Holiday, William Myler, 1953) et quelques mois après Diamants sur canapé (Breakfast at Tiffany’s, Blake Edwards, 1961). De cinq ans sa cadette, Shirley MacLaine avait acquis son statut de star avec Comme un torrent (Some Came Running, Vincente Minnelli, 1958) et La Garçonnière (The Apartment, Billy Wilder, 1960), que confirmera l’Oscar d’interprétation féminine pour Tendres passions (Terms of Endearment, Richard Brooks, 1963). James Garner, qui triomphera dans l’excellente série 200 dollars plus les frais (The Rockford Files, 1974-1980) donne une interprétation du docteur Cardin un peu fade en comparaison de la présence que confère Miriam Hopkins à la tante Lily (elle tenait en 1936 le rôle de Martha dans These Three).

La Rumeur a un autre atout, plus discret, l’accompagnement musical original d’Alex North, un des grands musiciens du cinéma. Il composa, orchestra et dirigea la musique de plus de quatre-vingts films, et acquit sa notoriété au début des années 50 avec La Mort d’un commis voyageur (Death of a Salesman, Laslo Benedek, 1951) et avec deux films d’Elia Kazan, Un Tramway nommé désir (A Streetcar Named Desire, 1951), et Viva Zapata! (1952), une notoriété que confortèrent deux blockbusters, Spartacus (Stanley Kubrick, 1960) et Cléopâtre (Cleopatra, Joseph L. Mankiewicz, 1963).

Avec la sortie de cette belle édition de La Rumeur, Wild Side rend cette année un hommage appuyé à Audrey Hepburn, après la sortie en mars, dans une splendide édition limitée, de Voyage à deux (Two for the Road, Stanley Donen, 1967).

La Rumeur

Présentation - 4,5 / 5

La Rumeur (108 minutes) et ses maigres suppléments (42 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 et, dans cette édition combo, sur un DVD-9 avec le même contenu, logés dans la couverture d’un digibook.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, avec sous-titres imposés, et dans un doublage en français, les deux au format DTS-HD Master Audio 2.0 mono (Dolby Digital 2.0 sur le DVD).

Le livret de 68 pages, intitulé Fake News, imprimé en écriture cursive sur les pages d’un cahier d’écolier, est écrit par Frédéric Albert Lévy, également auteur, pour Wild Side du livret qui accompagnait Trois femmes (3 Womenv, Robert Altman, 1977). Mal accueilli par la critique et boudé par le public, La Rumeur ne parvint pas à couvrir, à sa sortie, ses frais de production (3,6 millions de dollars). Un chapitre, Flashback, revient sur la genèse du film, la pièce de Lilian Hellman, inspirée d’un fait divers, bannie aux USA et au Royaume Uni pour son évocation du lesbianisme, tolérée à Broadway grâce au soutien de la critique, sur le rachat des droits par MGM pour une première adaptation par Wyler, sous le titre These Three, pour gommer toute référence à la pièce bannie. Le remake de 1961 est « un film courageux mais pas téméraire » dans lequel Wyler opéra quelques coupes par crainte d’infraction au code Hayes encore en vigueur « même s’il s’était fait plus discret », en des temps où « l’ombre de la liste noire planait encore sur Hollywood ». Le livret recueille ensuite des Propos de William Wyler sur les critiques, sur la direction d’acteurs pour leur faire  » pénétrer l’état d’esprit des personnages », sur les rapports entre le théâtre et le cinéma. L’intéressant livret, généreusement illustré de photos, se referme sur The Best Director on the Beach, des propos de Catherine Wyler sur son père, recueillis par Frédéric Albert Lévy en janvier 2020, et la fiche technique et artistique du film.

La Rumeur

Bonus - 2,0 / 5

Deux suppléments inédits :

La fin d’un voyage (15’, Fiction Factory, 2019), un entretien avec Sean Hepburn, le fils d’Audrey Hepburn. Il se souvient avoir, encore adolescent, découvert, dans le grenier familial, les films de sa mère avec les copies 16 mm que les producteurs réservaient aux acteurs principaux. Il rapproche The Children’s Hour d’autres films importants traitant de questions de société, tels The Nun’s Story (Fred Zinnemann, 1959) qui ont poussé Audrey Hepburn à sortir de son répertoire et à se surpasser. Accepter son rôle dans The Children’s Hour était aussi un moyen de remercier William Wyler, avec lequel elle avait « beaucoup d’atomes crochus », de lui avoir donné la première chance de sa carrière d’actrice avec Roman Holiday.

Vérités sur un mensonge (25’, Fiction Factory, 2019). Veronica Cartwright, née à Bristol, qui avait suivi ses parents en Californie à 5 ans, a été choisie à 11 ans pour tenir le rôle d’une des fillettes, Rosalie, le premier rôle important des 150 qu’elle a tenus à ce jour, pour le grand écran (Les Oiseaux, Alfred Hitchcock, 1963, Alien, Ridley Scott, 1979) et pour le petit (X Files, Six Feet Under). Elle se souvient que William Wyler prenait le temps d’expliquer les scènes aux enfants et du comportement surprenant de Miriam Hopkins, l’interprète de Lily Mortar, la tante de Martha, de la gentillesse et de l’élégance d’Audrey Hepburn, de la simplicité et de la spontanéité de Shirley MacLaine. Son souvenir le plus fort est d’avoir été poussée à bout par William Wyler pour exprimer ses émotions dans la scène où elle avoue avoir été contrainte de mentir. Elle a participé à la première du film, mais a dû quitter la salle avant la projection, en raison de son jeune âge. Ses parents l’ont cependant autorisée à le voir, le lendemain-même.

Bande-annonce d’époque (2’, VOST).

La Rumeur

Image - 4,5 / 5

L’image (1.66:1, 1080p, AVC), restaurée pour l’édition Kino Lorber sortie aux USA en 2014, d’une remarquable propreté, lumineuse, avec des contrastes fermes, un fin dégradé de gris et une résolution révélant tous les détails des plans larges. La flatteuse réduction du bruit, en mordant légèrement sur la ligne blanche, n’affecte jamais le modelé des visages.

Son - 4,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 2.0 mono de la version originale, très propre lui aussi, dans une bande passante assez étroite, restitue avec clarté les dialogues et avec finesse l’accompagnement musical d’Alex North, avec quelques occasionnelles saturations.

Ces remarques s’appliquent aussi au doublage en français qui place trop en avant des dialogues à la fois monotones et manquant de naturel.

Crédits images : © Wild Side

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm