Réalisé par Corneliu Porumboiu
Avec
Vlad Ivanov, Catrinel Marlon et Rodica Lazar
Édité par Diaphana
Cristi, un inspecteur corrompu de la police de Bucarest, étroitement surveillé par sa hiérarchie, se rend sur l’île de La Gomera, à l’invitation pressante de la sulfureuse Gilda, pour y apprendre le silbo, une langue sifflée ancestrale que la police roumaine ne pourra décoder. Il doit aider un groupe mafieux à faire évader Zsolt, le seul à savoir où sont cachés les 30 millions d’euros issus du trafic de drogue auxquels s’intéresse aussi la police.
Les Siffleurs (La Gomera), sélectionné pour la Palme d’or à Cannes en 2019, sorti dans nos salles en janvier 2020, est, sans compter deux documentaires sur le football, le cinquième long métrage du cinéaste roumain Corneliu Porumboiu dont le premier film, 12H08 à l’Est de Bucarest (A fost sau n-a fost?) avait obtenu à Cannes la Caméra d’or en 2006.
Le film suivant, Policier, adjectif (Politist, adjectiv, 2009) décrocha à Cannes le Prix FIPRESCI et le Prix du jury dans la sélection Un certain regard et son quatrième film, Le Trésor (Comoara, 2015), le Prix Un certain talent, toujours dans la sélection Un certain regard.
Les Siffleurs, divisé en sept chapitres, un pour chacun des personnages principaux, Gilda, Zslot, Kiko, Mama, Paco, Magda, Cristi, commence avec l’arrivée de Cristi sur l’île de La Gomera, « la perla de Las Canarias », précise un haut-parleur. Un homme envoyé par Gilda lui demande d’éteindre son téléphone : « La police entend tout ». Gilda lui demande d’oublier tout ce qui s’est passé à Bucarest, ce qui donne le signal d’un flashback sur la rencontre, à Bucarest, de Gilda et de Cristi, filé sans relâche par la police qui a installé des caméras dans son appartement.
Corneliu Porumboiu écrit seul le scénario de ses films. Celui de Les Siffleurs, sur le thème de la corruption de la police et de la justice par la pègre, contient quelques sauts dans le temps, vers le passé et vers le futur, qui lui donnent son originalité, mais peuvent occasionnellement dérouter le spectateur, au moins pendant la première moitié du film avant que l’intrigue ne se mette complètement en place.
Ce film noir, mêlé de romance, rythmé par des scènes d’action, parfois violentes, bénéficie d’une solide distribution, en tête de laquelle s’impose, dans le rôle de Cristi, Vlad Ivanov, une vedette en Roumanie, mais aussi connu chez nous, notamment pour sa contribution à deux films de Cristian Mungiu, 4 mois, 3 semaines, 2 jours (4 luni, 3 aptamani si 2 zile, 2007) et Baccalauréat (2016), et à Mère et fils (Pozitia copilului, Călin Peter Netzer, 2013). Moins connue, dans le rôle de Gilda, l’ex-mannequin Catrinel Marlon a entamé depuis huit ans une carrière d’actrice en Italie où on l’a notamment vue dans Tale of Tales, le conte des contes (Il Racconto dei racconti, Matteo Garrone, 2015) et dans L’Affaire Pasolini (La Macchinazione, David Grieco, 2016). Zsolt est interprété par Sabin Tambrea, récemment vu dans l’intéressante série allemande créée par Annette Hess, Berlin 56 (Ku’damm 56) et sa suite Berlin 59 (Ku’damm 59).
Les Siffleurs tire une grande partie de son originalité du silbo, la langue sifflée de La Gomera inventée par les Guanches, les premiers habitants de l’île. Avec son code du castillan en deux voyelles et quatre consonnes, le silbo est l’un des quelques soixante langages sifflés recensés sur la planète, parmi lesquels le kuş dili (« langue des oiseaux » du village turc de Kuşköy) sifflé dans le film Sibel (Guillaume Giovanetti, Çagla Zencirci, 2018). En prime, les beaux paysages de La Gomera, le théâtre d’un autre drame policier, La Jeune fille et la brume (La Niebla y la doncella, Andrés M. Koppel, 2017).
Les Siffleurs (97 minutes) et ses suppléments (8 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé dans un boîtier noir standard de 11 mm sorti en France par Diaphana avec une avance de deux et quatre semaines sur les éditions américaines et britanniques.
Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, en roumain, espagnol, anglais et… silbo, avec sous-titres imposés, idéalement placés à cheval sur la bande noire, et le choix entre deux formats audio, DTS-HD Master Audio 5.1 ou 2.0 stéréo.
Scènes coupées (8’). Très maigre, bien qu’une des scènes complète, par des exercices pratiques, l’intéressante leçon de silbo donnée dans le film.
Bande-annonce.
L’image numérique (2.35:1, 1080p, AVC), finement résolue, lumineuse, agréablement contrastée, avec des noirs denses, propose une palette de couleurs chaudes à La Gomera, plus froides à Bucarest, toujours étalonnées avec soin.
Le son DTS-HD Master Audio 5.1 (ou 2.0 stéréo), très propre, priorise correctement les dialogues et donne une belle ampleur à l’accompagnement musical, principalement par des airs d’opéra, dans lequel la barcarolle des Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach revient comme un leitmotiv. Une répartition cohérente sur les cinq canaux crée une convaincante sensation d’immersion dans l’action.
Crédits images : © Vlad Cioplea