Réalisé par Alan Parker
Avec
Gene Hackman, Willem Dafoe et Frances McDormand
Édité par L'Atelier d'Images
Trois jeunes militants du mouvement pour les droits civiques (Civil Rights Movement) sont froidement abattus dans le Jessup County, Mississippi, le soir du 21 juin 1964. La police locale justifie leur disparition : les trois hommes, emprisonnés pour excès de vitesse à 15h00, relâchés à 22h00, se sont cachés on ne sait où pour faire croire à leur meurtre. Pas convaincu par cette explication, le FBI dépêche sur place l’agent spécial Ward et l’agent Anderson. L’arrivée des deux hommes, ressentie comme une provocation par la population locale et par le Ku Klux Klan, déclenche un regain de violences à l’encontre de la communauté noire.
Mississippi Burning, réalisé par Alan Parker en 1988, est l’adaptation par Chris Gerolmo, largement remaniée par le réalisateur, d’un des récits d’agents du FBI, publiés dans la presse. Bien que les noms aient été changés, le scénario se réfère précisément à l’assassinat, alors appelé Freedom Summer murders, de trois militants pour les droits civiques venus enquêter sur l’incendie de l’église de Mount Zion par des membres du Ku Klux Klan, juste après avoir été libérés de leur garde à vue dans la prison du comté de Neshoba. Dans son intéressant commentaire du film, Alan Parker souligne à plusieurs reprises qu’il a reconstitué méthodiquement les faits à chaque fois que cela était possible : la voiture des victimes, par exemple, a été placée à l’endroit même où elle avait été découverte en 1964. Il aura fallu 44 jours et des méthodes intimidantes des enquêteurs pour retrouver les trois corps. Le gouvernement fédéral dut engager les poursuites après le refus opposé par le gouverneur du Mississippi. Sur les 18 inculpés, sept furent condamnés à une peine maximale de 10 ans de prison. C’est en 2005 que le principal instigateur des meurtres, Edgar Ray Killen, sera finalement confondu et jugé. Il mourra en 2018 en purgeant une peine de 60 années de réclusion.
What’s wrong with these people?
Cette interrogation de l’agent Ward, effaré par la sauvagerie des actes racistes, trouve une réponse dans l’importante scène du tête à tête entre l’agent Anderson et l’épouse du sheriff adjoint. Elle se souvient qu’alors qu’elle était encore un enfant, on lui inculquait que le ségrégationnisme était dicté par la Bible, par le chapitre 9, verset 27 de la Genèse : « Que Dieu donne de l’espace à Japheth et qu’il habite dans les tentes de Sem ; et que Canaan soit son serviteur ». Et elle conclut : « On croit en la haine, on la vit, on la respire, on l’épouse ».
Les deux agents du FBI, une habileté su scénario, sont radicalement typés. Ward, le plus jeune des deux, le responsable de l’enquête, étranger à la culture du Sud, marqué par l’éducation reçue, impose un strict respect de la procédure. Tandis qu’Anderson, né dans le Mississippi, où il tint des fonctions de sheriff, a vécu la ségrégation, connaît l’état d’esprit des autochtones. Cette opposition a un double avantage : constituer un des ressorts dramatiques du film et, dans les scènes où Anderson intervient seul, d’aider à prendre conscience du profond enracinement du racisme dans la culture locale.
Mississippi Burning tire aussi une partie de sa force de la distribution des rôles. Gene Hackman, devenu un des plus grands acteurs de Hollywood sous le petit chapeau de Jimmy ‘Popeye’ Doyle de French Connection (William Friedkin, 1971) et French Connection N°2 (John Frankenheimer, 1975) est particulièrement à l’aise et convaincant dans son interprétation d’Anderson. Et une alchimie se crée avec Willem Dafoe qu’avaient rendu populaire Police fédérale, Los Angeles (To Live and Die in L.A., William Friedkin, 1985), Platoon (Oliver Stone, 1986) et La Dernière tentation du Christ de Marrtin Scorsese qui venait de sortir sur les écrans américains.
La distribution des seconds rôles n’a pas été pour autant négligée. On retrouve, sous le stetson du sheriff adjoint, Brad Dourif, lancé depuis une douzaine d’années par Vol au-dessus d’un nid de coucou (One Flew over the Cuckoo’s Nest, Miloš Forman, 1975), et, dans le rôle de son épouse, Frances McDormand, inconnue avant qu’elle n’apparaisse dans deux films de son mari, Joel Coen et de son beau-frère Ethan Coen, Blood Simple (Sang pour sang) (1984) et Arizona Junior (Raising Arizona, 1987).
Mississippi Burning doit aussi à la qualité de la photographie de Peter Biziou qui fut saluée par un Oscar. Il avait été le chef opérateur de deux autres films d’Alan Parker, Bugsy Malone, en 1976, et Pink Floyd - The Wall, en 1982.
Mississippi Burning (127 minutes) et ses suppléments (53 minutes, sans compter le commentaire audio du film) tiennent sur un Blu-ray BD-50, coédité par L’Atelier d’Images et Arte Vidéo, logé dans un boîtier non fourni pour le test, effectué sur check disc.
Le menu animé et musical offre le choix entre la version originale, avec sous-titres optionnels, et un doublage en français, les deux au format DTS-HD Master Audio 2.0 stéréo.
Commentaire audio Par Alan Parker (Dolby Digital 2.0, en anglais, sans sous-titres). À différentes occasions, le réalisateur insiste sur son attachement à coller d’aussi près que possible aux faits réels, ce qui a guidé sa réécriture du scénario et le choix de plusieurs lieux de tournage. Il justifie aussi ses options artistiques, notamment le choix de plans très larges qui renforcent la tension dramatique de certains plans. Dommage que cet intéressant commentaire n’ait pu être sous-titré !
Entretien avec Alan Parker avec Jean-Pierre Lavoignat et Christophe D’Yvoire (L’Atelier d’Images, 2019, 10’, en anglais, sous-titré). Il a immédiatement été intéressé par cette page importante de l’histoire des USA qui n’avait été que peu traitée au cinéma : l’industrie cinématographique est frileuse devant les sujets politiques qui ne font pas d’argent. La communauté noire elle-même a peu apprécié le film qui montrait deux blancs résoudre ses problèmes. Il fut qualifié d’affreux par la veuve de Martin Luther King, bien qu’elle ait avoué ne pas l’avoir vu, mais a alimenté de nombreux débats télévisés sur le racisme, ce qui démontre qu’un film put parfois être plus qu’un simple divertissement. Il souligne le professionnalisme et la force de caractère de Gene Hackman.
Cet entretien exclusif est un précieux ajout aux autres suppléments, repris de l’édition Second Sight sortie au Royaume Uni en 2015.
Dans les coulisses du tournage (1988, 1.33:1, DD 1.0, 7’). Mississippi Burning est l’expression d’une des profondes divisions de la société américaine, économiques et idéologiques. Il aurait été impossible de tourner le film dans le Sud pendant les années 60. Mais, avec le recul du temps, il est plus facile de parler du racisme, bien qu’il n’ait pas disparu.
En souvenir de Mississippi Burning, entretien avec Willem Dafoe (Severin Films, 2015, 9’, DD 2.0). Malgré l’apparente platitude du personnage de Ward, il a été attiré par le sujet et impressionné par la personnalité d’Alan Parker et de Gene Hackman. Si le film a contrarié certains, il a permis à beaucoup de comprendre, plus de vingt ans après, ce qu’était cette période, de rappeler la détermination de J. Edgar Hoover à contrôler le Ku Klux Klan, en dépit de sa distance vis-à-vis du Civil Rights Movement.
À travers la tempête, entretien avec Alan Parker (Severin Films, 2015, 9’, DD 2.0). Il a tenu à réécrire le scénario de Chris Gerolmo pour lui donner, avec son regard d’outsider, un angle plus politique avec un strict respect des faits. Il évoque ses relations avec Gene Hackman et Willem Dafoe, différents en tous points, mais qui ont su s’accorder, et sa satisfaction de pouvoir enrôler Frances McDormand et Brad Dourif et de continuer à s’appuyer sur l Peter Biziou pour la photographie et sur Gerry Hambling pour le montage. Un soin particulier a été apporté à la reconstitution des années 60 dans la petite ville de LaFayette, Alabama, où l’équipe fut bien accueillie, peut-être en partie pour les dollars qu’amenait une grosse production dans un environnement très pauvre. La société de production Orion, dans l’esprit de United Artists, lui a laissé une totale liberté dans la réalisation du film dont il est encore fier aujourd’hui.
État de siège, entretien avec Chris Gerolmo (Severin Films, 2015, 16’, DD 2.0). Après avoir enseigné le cinéma pendant trois ans, il a commencé d’écrire six scénarios, sans être payé : le quatrième était celui de Rien à perdre (Miles from Home, Gary Sinise, 1988), le sixième celui de Mississippi Burning, inspiré d’un chapitre du livre Inside Hoover’s FBI paru en 1985 dans lequel deux agents relataient les méthodes peu orthodoxes qu’ils avaient dû mettre en oeuvre pour faire aboutir leur enquête. Le thème de la ségrégation n’avait, jusque-là, été abordé que par le téléfilm Attack on Terror: The FBI vs. the Ku Klux Klan, passé inaperçu. Le scénario fut acheté par Orion qui venait de produire Platoon, un autre film à controverse. Il confirme qu’Alan Parker l’a aidé à renforcer le scénario, en y insérant ne nombreux faits réels. Le film a suscité l’hostilité de quelques-uns, mais éveillé certaines consciences… et fait la une de Time.
Bande-annonce.
Espace découverte avec la bande-annonce de deux autres coéditions Arte Éditions/L’Atelier d’Images : Ragtime (Miloš Forman, 1981), lauréat du Prix du meilleur DVD/Blu-ray de patrimoine décerné le 20 janvier 2020 par le Syndicat Français de la Critique de Cinéma et des films de télévision et de La Main droite du diable (Betrayed, Costa-Gavras, 1988), un autre film sur les crimes du Ku-Klux-Klan, tourné la même année que Mississippi Burning.
L’image (1.85:1, 1080p, AVC) a été nettoyée par une soigneuse restauration respectueuse du grain argentique (qui aurait toutefois pu être réduit dans le tout premier plan de la belle séquence d’ouverture, celle de poursuite de la voiture des trois militants pour les droits civiques). Lumineuse dans les scènes de jour, fermement contrastée, avec des couleurs délicatement ravivées, soigneusement étalonnées, des noirs denses, elle assure une parfaite lisibilité des scènes de nuit.
Le son DTS-HD Master Audio 2.0 stéréo de la version originale, très propre lui aussi, restitue clairement les dialogues dans un bon équilibre avec l’accompagnement musical et l’ambiance. Une forte dynamique et une large ouverture du spectre, combinées à une efficace séparation des deux canaux, créent une réaliste impression d’immersion dans l’action, spectaculaire dans les scènes d’explosion. La qualité de la bande-son justifierait un remixage 5.1.
Ces remarques s’appliquent au doublage en français, avec une perte des accents et un timbre un peu trop mat des dialogues.
Crédits images : © L’Atelier d’Images