Bravados (1958) : le test complet du Blu-ray

The Bravados

Édition Collection Silver Blu-ray + DVD + Livre

Réalisé par Henry King
Avec Gregory Peck, Joan Collins et Stephen Boyd

Édité par Sidonis Calysta

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Le 24/09/2020
Critique

Ultime western de King, à la splendeur plastique concertée, au scénario d’une symbolique ampleur.

Bravados

Jim Douglas, cavalier solitaire, taciturne et fiévreux, a voyagé plus de 150 km pour venir à Rio Arriba. Il doit y assister le lendemain à la pendaison des quatre bandits qu’il soupçonne d’avoir violé puis tué son épouse, le laissant veuf avec une petite fille. Les criminels s’évadent pendant un office religieux, emmenant une otage. Ils se dirigent vers la frontière mexicaine. Jim se joint à la milice, qu’il dirige en professionnel de la chasse, afin de les tuer. Ce n’est qu’une fois franchie la frontière du Mexique qu’il découvrira, trop tard, la vérité sur la mort de sa femme.

Bravados (The Bravados, USA 1958) d’Henri King, entièrement tourné en extérieurs au Mexique, est son dernier western. Dans l’histoire du genre, il se situe à une période charnière où les sujets classiques sont parfois revus d’une manière à la fois synthétique et critique, que leurs cinéastes soient des vétérans - qu’on songe à L’Homme de l’Ouest (USA 1958) d’Anthony Mann, à La Fureur des hommes (From Hell to Texas, USA 1958) d’Henry Hathaway - ou des débutants de la Nouvelle vague américaine - qu’on songe à Le Gaucher (The Left-Handed Gun, USA 1958) d’Arthur Penn.

On peut, de fait, déceler certaines traces de cette évolution dans Bravados. Dans l’itinéraire inattendu du héros (victime devenant bourreau puis victime redoublée, soumis à un renversement presque théologique (*)), dans son casting anticonformiste (Stephen Boyd en violeur meurtrier beau mais très dangereux, Joe DeRita en bourreau alors qu’il jouait régulièrement l’un des comiques Trois Stooges, Henry Silva en « innocent » au physique inquiétant), dans l’importance relative concédée au thème du viol qui pèse d’une manière obsédante sur la première moitié du film et enfin, occasionnellement mais spectaculairement, dans une mise en scène parfois très cruelle de King. Voir par exemple la révélation elliptique, en un seul plan, de la pendaison dans la forêt. Un tel plan est bien annonciateur des futurs excès graphiques américains comme européens de la période 1960-1975. L’acteur principal Gregory Peck soutenait en outre que le scénario écrit par Philip Yordan était une critique politique du McCarthysme (**). Yordan semblait, pour sa part, y voir plutôt une simple possibilité dramaturgique inédite, techniquement intéressante.

Bravados

Reste que, pour l’essentiel, Bravados rapporté à la filmographie d’Henry King, demeure un western classique : son ultime du genre et peut-être, en fin de compte, son plus beau. Son scénario se signale par une ample visée symbolique : l’histoire est placée, du début à la fin, sous le signe explicite de la Vierge. Figure qu’il avait autrefois illustrée comme cinéaste (***). Le personnage joué par Joan Collins est lui-même une sorte d’ange (à l’érotisme androgyne) médiateur entre le héros et la Vierge. L’itinéraire de la vengeance s’ouvre et se clôt sous sa statue, dans une même église majestueuse mais sa portée et son sens sont inversés : de juste bourreau (mais doté d’une mauvaise conscience que la foi ne console pas), le héros est devenu victime (que la foi consolera éventuellement). Sans oublier qu’un véritable bourreau a également été assassiné : ironique redoublement, manifestant une lucide et très claire conscience des effets de la représentation.

La beauté esthétique sert directement cette rude peinture sociologique, car constamment réaliste : lorsqu’un revolver est filmé en contrechamp, les chambres du barillet sont chargées (quitte à ce que ce soit de cartouches à blanc : l’effet de réel est heureusement maintenu à l’image). Elle hérite en outre, pour une part non négligeable, de celle du cinéma muet dont Henry King avait été l’un des plus grands réalisateurs. Les regards (séquences dans l’église, séquence du quatrième homme) s’y substituent parfois avantageusement à la parole. Ce serait une erreur de croire qu’ils annoncent la modernité des années 1960-1970 : ils proviennent au contraire, en droite ligne, du cinéma muet le plus purement expressif, sinon le plus expressionniste. De ce point de vue, Bravados permet de confirmer que le passage au cinéma parlant fut, pour Henry King, une formalité.

Bravados

C’est, en fin de compte, pour cet étrange alliage entre syntaxe classique héritée de l’âge d’or et cinéma réflexif, voire même symbolique, à la violence annonciatrice des années 1960-1970, qu’il faut accorder à ce dernier western de King une place si remarquable dans l’histoire du genre.

(*) Le scénario de Yordan - en avait-il clairement conscience au moment de l’écrire ? - illustre, de fait, assez bien la dialectique de Joseph de Maistre sur la réversibilité du sacrifice dans la théologie catholique. Cf. Michel Arlette, Sacré et sacrifice dans la pensée de Joseph de Maistre (Bulletin de l’Association Guillaume Budé, fascicule 2, Paris 1989, pages 189-203).

(**) Critique qui, si elle était avérée, n’aurait rien d’original ni de novateur puisque qu’elle viendrait des années après celle déjà exprimée plus ou moins métaphoriquement par des titres tout aussi majeurs du genre tels que La Cible humaine (The Gunfighter, USA 1950) d’Henry King, Le Train sifflera trois fois (High Noon, USA 1952) de Fred Zinnemann, Quatre étranges cavaliers (Silver Lode, USA 1954) d’Allan Dwan, tous les trois produits - est-il besoin de le rappeler ? - durant la période même (1950-1954) du McCarthysme américain.

(***) Cf. Le Chant de Bernadette (USA 1943) d’Henry King, remarquable film historique et parfois fantastique (lorsque le surnaturel sacré est discrètement mais puissamment convoqué) sur l’apparition de la Vierge à Bernadette Soubirous, en 1858 à Lourdes.

Bravados

Présentation - 5,0 / 5

Edition Sidonis, collection Silver Blu-ray , combo contenant 1 Blu-ray 50 région B + 1 DVD 9 + 1 livret 88 pages, édité le 10 août 2020. Image du film en CinemaScope 2.35, couleurs DeLuxe, compatible 16/9, sur Blu-ray région B encodé en 1080p Full HD. Son DTS-HD Master Audio 5.0 + 2.0 stéréo VOSTF et 2.0 VF d’époque. Durée du film : 98 min. environ sur Blu-ray. Suppléments : présentation par Jean-François Giré et Patrick Brion, entretien avec Joan Collins (VOSTF), Diaporama affiches et photos, Film-annonce original et film-annonce commenté par le cinéaste Joe Dante, Première new-yorkaise de 1958. Seul le BRD a été testé.

Livret illustré: Les Icônes du western : Gregory Peck (88 pages) de Marc Toullec, pas reçu.

Bravados

Bonus - 5,0 / 5

Sidonis traite nettement mieux ce titre en Blu-ray que son propre distributeur historique puisque l’ancien DVD Pal zone 2 Fox sorti en 2005 chez nous était dénué de tout supplément.

Présentation du film par Jean-François Giré (environ 15 min) : analyse historique (rapport du titre avec les autres westerns de King) et esthétique (montage, usage du Scope 2.35) de certains éléments-clés du film, illustrée de quelques extraits (inutiles puisqu’on vient de visionner le film). Je suis d’accord avec l’ensemble, clair et pertinent mais je crois que les regards sont exploités par King selon une technique provenant directement du cinéma muet et ne sont pas les témoins d’une originalité moderniste.

Présentation du film par Patrick Brion (environ 10 min.) : elle situe bien le titre dans l’année 1958 relativement aux autres productions du même genre et elle le situe aussi bien dans la filmographie de King; elle apporte d’intéressantes précisions sur l’écriture du scénario. Illustré par de belles affiches et quelques photos N&B et couleurs mais l’élocution de Brion est parfois difficilement audible.

Diaporama : c’est le supplément majeur de cette édition puisque environ 65 documents y sont présentés : une dizaine de très belles affiches couleurs (une d’elles orthographie le nom de famille du personnage Jim Douglas avec un seul s au lieu des deux s qu’on lit assez souvent sur Internet et sur les sous-titres de la VOSTF ; je crois aujourd’hui qu’elle est dans le vrai et qu’il est inexact de l’écrire avec deux s), quelques photos couleurs de plateau, et surtout des dizaines de photos N&B de production (« production stills ») et de photos de plateau N&B. Peut-être pas le jeu complet (un jeu complet de production stills peut aisément atteindre la centaine de documents, à cette époque) mais on n’en est pas très loin. On aurait évidemment pu y adjoindre le jeu des 8 lobby cards couleurs originales mais ne faisons pas trop la fine bouche : tel quel, ce bonus constitue déjà un très bel effort qu’il faut saluer ! Tous les documents sont, en outre, parfaitement reproduits et bien adaptées à un grand écran TV UHD. A ce supplément français de Bravados, je dis : bravo !

Bravados

Souvenirs de Joan Collins (environ 3 min., VOSTF) : témoignage de première main, très vivant; certes trop bref et centré sur un point de détail mais pas inintéressant, à propos de la peur qu’éprouvait alors la jeune actrice anglaise devenue nouvelle vedette de la Fox américaine avant de monter à cheval. Peur que l’acteur Gregory Peck lui permit momentanément de vaincre, durant une scène pourtant risquée, tournée près de falaises mexicaines pourtant dangereuses.

Film-annonce (environ 2 min. 30 sec., VO sans STF, format 2.35 respecté en 16/9) : état argentique inférieur à celui du film long métrage de référence mais document d’histoire du cinéma de première main, intéressant esthétiquement. Gregory Peck présente le film en s’adressant aux spectateurs; l’écran est brièvement divisé pour montrer simultanément les quatre portraits (un des quatre est coloré monochrome) fixes ou animés des quatre criminels. On y entend brièvement une chanson « western » non créditée qui n’est pas audible dans le film de référence.

Commentaire du film-annonce par le cinéaste Joe Dante (environ 2 min. 30 sec, VOSTF) : Dante apporte certaines précisions d’histoire du cinéma (l’utilisation de la technique de la « nuit américaine » par le directeur de la photographie Leon Shamroy) mais je ne partage absolument pas son avis négatif concernant le casting de Joan Collins qui était alors au sommet de sa beauté et de son érotisme.

Première américaine (environ 1 min., muet, N&B) : « featurette » minimaliste montrant l’arrivée de quelques membres de la production à l’entrée du cinéma de première exclusivité, le 25 juin 1958 à New York. Quelques « party girls » fugitivement entrevues ajoutent un peu d’ambiance à l’entrée de la salle.

Bravados

Image - 5,0 / 5

Très beau transfert Full HD 1080p, provenant très probablement d’une restauration 4K effectuée par Twilight Time en 2018 aux USA, qui était limitée à 3000 exemplaires. Direction de la photographie en CinémaScope 2.35 et couleurs DeLuxe, signée par Leon Shamroy, un des plus brillants techniciens de la Fox dans les années 1950-1960. Copie argentique en parfait état. Magnifique colorimétrie, riche texture de l’image, rapport grain-lissage bien équilibré dès le générique d’ouverture, splendide d’ampleur plastique. Excellente définition générale. Les défauts relevés sur l’ancienne édition DVD Fox de 2005 (contours occasionnellement dédoublés, fourmillement sur certains plans d’ensemble) sont totalement corrigés sur cette magnifique image du Blu-ray Sidonis qui devient, pour la France, l’édition de référence.

Bravados

Son - 5,0 / 5

DTS-HD Master Audio stéréo 5.0 (aux effets sonores très dynamiques) + 2.0 en VOSTF + 2.0. mono en VF d’époque : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. D’origine, c’était un son stéréo enregistré au procédé Westrex, raison pour laquelle, l’ancienne édition DVD Fox proposait une piste Dolby Digital 4.0 pour la VOSTF. L’édition américaine Twilight Time de 2018 propose d’ailleurs encore cette piste à côté de la 5.0. et de la 2.0. Ce nouveau transfert propose des pistes sonores américaines et françaises en très bon état. VF d’époque dramaturgiquement très soignée : la voix française un peu grave qui double Joan Collins lui convient mieux que sa voix originale. Partition classique du compositeur Lionel Newman, sobre mais très efficace.

Crédits images : © Droits réservés

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
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francis moury
Le 25 septembre 2020
Ultime western de King, à la splendeur plastique concertée, au scénario d’une symbolique ampleur.

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