Théâtre de sang (1973) : le test complet du Blu-ray

Theatre of Blood

Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret

Réalisé par Douglas Hickox
Avec Vincent Price, Diana Rigg et Ian Hendry

Édité par ESC Editions

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Le 08/08/2022
Critique

Classique du cinéma fantastique doté d’un scénario référentiel, à la mise en scène baroque et cruelle.

Théâtre de sang

Angleterre, Londres et sa campagne environnante, en mars 1972 : d’éminents critiques littéraires sont assassinés. Leurs meurtres imitent ceux représentés dans certaines pièces théâtrales de William Shakespeare. Quel peut être le mobile de cette macabre série criminelle ? Le critique Devlin soupçonne Edouard Lionheart, acteur de répertoire shakespearien. Certes, Lionheart s’est suicidé - publiquement et sous les yeux de sa propre fille - deux ans plus tôt, désespéré par les mauvaises critiques du groupe de Devlin à son encontre, mais… peut-être n’est-il pas mort ?

Théâtre de sang (GB 1973) de Douglas Hickcox est un savoureux film fantastique. C’est l’un des cinq meilleurs titres de la filmographie de ce cinéaste à l’efficacité raffinée, les autres étant ses trois films noirs policiers La Cible Hurlante (The Sitting Target, GB 1971), Brannigan (GB 1975), Blackout (USA 1986) et son film de guerre L’Ultime attaque (Zulu Dawn, GB 1979). Bien sûr, les producteurs ont probablement voulu profiter du succès de L’Abominable Dr. Phibes (GB 1971) de Robert Fuest en reprenant Vincent Price comme acteur principal et la structure assez proche de son scénario mais l’idée originale était très antérieure au film de Fuest. Ne serait-ce qu’en raison de l’originalité de l’argument, ils lui permettent de tenir ici son dernier très grand rôle. Price avait, au demeurant, toujours rêvé de jouer Shakespeare et n’appréciait pas d’être cantonné dans le genre fantastique : Hickox lui offrait sur un plateau l’occasion de donner la réplique à certains acteurs anglais membres de la Royal Shakespeare Company. Hickox tourna en outre Théâtre de sang intégralement en extérieurs réels : même le vieux théâtre, si spectaculaire, n’était pas un décor mais un authentique lieu promis à la démolition : on y mit réellement le feu pour les besoins du scénario et on raconte qu’il fallut très réellement appeler les pompiers afin qu’ils l’éteignent une fois le tournage achevé car… il devenait hors de contrôle ! Le scénario joue assez régulièrement sur le heurt entre cette réalité urbaine variée (agressivement contemporaine ou bien au contraire abandonnée ou en construction) et des meurtres baroques inspirés par la littérature anglaise élizabéthaine. Ce décalage suscite plus d’une fois une inquiétante étrangeté basculant dans une véritable angoisse de mort.

Théâtre de sang

Certes bien calibré commercialement, Théâtre de sang demeure donc unique dans l’histoire du cinéma fantastique anglais, non seulement en raison de sa « mise en abîme » du théâtre de Shakespeare mais encore en raison de celle de la carrière filmographique même de Price, acteur qui avait toujours été très conscient des prestiges de la représentation : on chuchote que ce rôle était son préféré. Sa critique sociale, vigoureuse et très acérée, est, d’autre part, mutatis mutandis, assez digne de celle de certains classiques du cinéma fantastique anglais produits par la Hammer Films durant son âge d’or dix ans plus tôt : les clochards criminels drogués et alcooliques qui recueillent Lionheart n’auraient nullement dépareillé dans un film de Terence Fisher même s’ils sont ici davantage stylisés en raison de leur action chorégraphiée. Leur complicité meurtrière ne laisse pas de provoquer un insigne malaise lors de certains meurtres, par exemple lors d’une très inquiétante variation du meurtre de Jules César. Cette réflexion sur l’oeuvre d’art, ses interprètes et ses critiques s’avère à la fois marginale, désespérée, esthète et brillante. Elle s’ouvre et se referme, comme une tragédie shakespearienne, aux portes de la mort et de la folie.

Théâtre de sang

Film-limite, Théâtre de sang aurait certainement intéressé Anthonin Arthaud et les promoteurs de ce qu’on a nommé le Nouveau théâtre dans les années 1950 et 1960 : certaines séquences en constituent d’ailleurs une relative parodie. Au demeurant, confier à Vincent Price le rôle d’un acteur, c’était inévitablement ouvrir les vannes au délire et, de fait, Price franchit ici franchement les bornes dramaturgiques dans lesquelles il s’était tenu de 1950 à 1972. Le public fut réservé face à cette perte de mesure et jugea que le fil du rasoir tranchait d’une manière un peu trop appuyée. Autre élément de trouble en matière de casting : l’actrice Diana Rigg que la série Chapeau melon et bottes de cuir (The Avengers) avait rendue célèbre, tenait ici un rôle tragique inattendu. Théâtre de sang bénéficia néanmoins de bonnes critiques à sa sortie en France. Car, tout comme pour la série Edgar Poe réalisée par Roger Corman et majoritairement interprétée par Price en 1960-1964, l’alibi culturel fonctionna chez nous à plein en 1973. En 1960-1964, on n’allait pas voir un vulgaire « film d’horreur et d’épouvante » mais vérifier la qualité d’adaptation par Corman d’une histoire de Poe. En 1973, on prouvait qu’on s’intéressait aux pièces de Shakespeare d’où sont tirés les meurtres. Les critiques publiées par Raymond Lefèvre (La Saison Cinématographique 1974, éditions U.F.O.L.E.I.S., Paris 1974), par Jean Tulard (Dictionnaire du cinéma - Les Réalisateurs, édition Robert Laffont, Paris 1989, page 378), par Jacques Lourcelles (Dictionnaire du Cinéma - Les Films , éditions Robert Laffont, Paris 1992, page 1650) témoignent de cet aspect sociologique de la réception du titre. Aujourd’hui, il me semble qu’il convient, au contraire, de l’évaluer précisément en fonction de son appartenance à ce genre : si on l’envisage d’une manière historique, on peut alors s’apercevoir que Théâtre de sang relève d’une belle tradition qui remonte thématiquement jusqu’à des titres tels que Le Fantôme de l’Opéra (USA 1925) de Rupert Julian. Loin de « dépasser » (comme on disait dans les années 1970) le genre auquel il appartient, Théâtre de sang actualise une de ses plus riches virtualités.

On l’aura compris, Théâtre de Sang s’avère donc indispensable d’au moins trois points de vue : pour la connaissance de l’histoire du cinéma fantastique, pour la connaissance filmographique du cinéaste Douglas Hickox et pour celle de l’acteur Vincent Price. Cela fait déjà trois bonnes raisons de le découvrir ! Sans oublier la quatrième, à savoir son apport original à la filmographie shakespearienne dont il constitue, dorénavant, un titre incontournable.

Théâtre de sang

Présentation - 4,0 / 5

1 Blu-ray édité par ESC le 03 août 2022, collection British Terrors. Image couleurs au format original 1.66 compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio 2.0 VOSTF et VF d’époque. Durée du film sur BRD : 104 min. environ. Présentation de la collection British Terror avant le démarrage du menu. Supplément : présentation du film par Christophe Lemaire (17 min. environ). Le master est celui de l’ancienne édition spéciale ESC de 2020 mais sans le livret et sans le DVD. Belle illustration de boîtier et de menu, reprenant d’une manière stylisée des éléments des affiches anglo-saxonnes.

Livret 16 pages illustrées par Marc Toullec, (inséré dans l’édition ESC de 2020 comprenant 1 Blu-ray + 1 DVD + 1 livret mais absent de cette édition ESC single de 2022) : nourri d’extraits d’entretiens avec l’actrice Diana Rigg, l’acteur Vincent Price sans oublier une mince mais intéressante citation du cinéaste Douglas Hickcox se comparant à un chef d’orchestre refusant d’être spécialisé dans les symphonies d’un seul compositeur et préférant en outre que le spectateur ignore les aspects techniques afin d’être entièrement fasciné par l’histoire racontée. Remarques intéressantes du compositeur Michael J. Lewis sur la conception de la musique du film. Suivent quelques informations sur la réception critique et commerciale assez injuste du film à sa sortie, compensée par sa réputation en vidéo au fil des ans. Une seule petite coquille relevée p.15 : il faut lire Brannigan (USA-GB 1975) de Douglas Hickox et non pas « Branningan ». Illustrations composées de quelques photos plateau N&B et couleurs (ou de photos détourées d’exploitation en couleurs concernant certaines d’entre elles), des affiches anglaises et américaines. La bibliographie ne mentionne pas les dates des ouvrages cités, qu’il s’agisse de livres ou de revues.

Théâtre de sang

Bonus - 2,5 / 5

Présentation par Christophe Lemaire (durée 17 min. environ) : sympathique présentation qui situe brièvement mais clairement le titre dans la filmographie du cinéaste Douglas Hickox, dans celle de l’acteur Vincent Price puis qui détaille le restant du casting et, enfin, s’attache à quelques aspects du film. Je partage l’admiration de Lemaire pour ce titre qu’il défend vite mais bien. Assez bien illustrée, notamment la section consacrée à la sexy Diana Dors, riche en mignonnes affiches et photos.

Honorable édition spéciale : le cinéphile voulant une édition plus pointue sur le plan des bonus pourra - si et seulement si il est anglophone - se tourner vers l’édition américaine Kino Lorber de 2021 qui comporte deux commentaires audio.

Théâtre de sang

Image - 3,5 / 5

Full HD 1080p au format large original 1.66 en couleurs et compatible 16/9. Copie argentique aux belles couleurs, nettoyée de ses rayures mais comportant un peu trop de poussières négatives et positives, visibles sur les plans sombres ou sur fond noir. Les fragments d’anciens films muets N&B insérés durant le savoureux générique d’ouverture sont en état évidemment moins propres que le restant de la continuité argentique mais, en 1973, c’était voulu car considéré comme un gage de leur authenticité et de leur ancienneté. Transfert vidéo en Full HD meilleur que l’ancienne édition DVD MGM et peut-être même un peu meilleur que la récente édition Blu-ray américaine Kino Lorber : les couleurs me semblent mieux reportées sur ce Blu-ray ESC qui devient logiquement l’édition française de référence en haute définition Full HD. Direction photo sophistiquée, usant d’une manière virtuose du grand angle, signée Wolfgang Suschitzky qui avait auparavant photographié le remarquable La Loi du milieu (Get Carter, GB 1971) de Mike Hodges.

Théâtre de sang

Son - 5,0 / 5

DTS-HD Master Audio 2.0 mono en VOSTF et VF d’époque dramaturgiquement soignée : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. La voix française qui double Vincent Price est assez bien adaptée même si la diction et la sonorité de la voix originale de Price demeurent toutes deux inimitables. Il faut donc, ne serait-ce que pour Price, écouter la VOSTF en priorité. Musique signée Michael J. Lewis, au style varié mais assez inégale : elle est bien reportée techniquement, très dynamique à certains moments.

Crédits images : © United Artists, Cineman Productions

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
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francis moury
Le 9 août 2022
Classique du cinéma fantastique doté d’un scénario référentiel, à la mise en scène baroque et cruelle.

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