La Condition de l'homme (1959) : le test complet du Blu-ray

Ningen no joken

Réalisé par Masaki Kobayashi
Avec Tatsuya Nakadai, Michiyo Aratama et Ineko Arima

Édité par Carlotta Films

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Le 30/11/2020
Critique

La guerre sans fard, telle que l’a vécue un jeune japonais en Mandchourie, loin derrière les lignes et sur le front. Un chef-d’oeuvre inoubliable !

La Condition de l'Homme

En 1943, Kaji, salarié d’une aciérie japonaise, a rédigé un rapport sur les moyens d’augmenter la production de minerai en Mandchourie du Sud, extrait par une main d’oeuvre exploitée de Mandchous et de prisonniers de guerre chinois. S’il accepte d’aller sur place pour mettre en application ses recommandations, il ne sera pas incorporé dans l’armée. Dès son arrivée, il est témoin de la brutalité du Kempetai, la police militaire. Sa suggestion d’un meilleur traitement des prisonniers pour qu’ils travaillent plus est mal accueillie…

La Condition de l’homme (Ningen no jôken), une ambitieuse saga réalisée entre 1959 et 1961 par Masaki Kobayashi, raconte l’histoire de Kaji et de Michiko, son épouse, de 1943 à 1945, en trois parties. Elle a été distribuée en France et projetée à la Cinémathèque sous les titres Il n’y a pas de plus grand amour, pour la première partie, Le Chemin de l’éternité, pour la seconde, et La Prière du soldat, pour la troisième.

Le scénario est une adaptation du roman éponyme de Jumpei Gomikawa, marqué, comme Masaki Kobayashi, par sa participation à la guerre dans l’armée impériale. Le roman, résolument antimilitariste, a été publié de 1956 à 1958, en six volumes. L’adaptation cinématographique est elle-même en six films d’un peu plus d’une heure et demie chacun, joints deux à deux dans chaque partie.

La Condition de l'Homme

Je suis Kaji

C’est ce qu’affirmait Masaki Kobayashi, qui fut appelé sous les drapeaux et tint à rester simple soldat pendant toute la guerre. Il fut, en 1946, à bonne école au studio Shôchiku en tant qu’assistant de Keisuke Kinoshita qui réalisera en 1958 La Ballade de Narayama (Narayama bushikô, 1958).

Masaki Kobayashi, avec Keisuke Kinoshita, Kon Ichikawa et Akira Kurosawa, défend des valeurs d’humanisme, ce qui l’amène à questionner les fondements des traditions japonaises de son époque, particulièrement le code de l’honneur qui enfermait le choix d’un soldat dans le dilemme « vaincre ou mourir ». La Condition de l’homme, à l’opposé, présente comme une « mort inutile » celle de chaque soldat contraint à poursuivre un combat qu’on sait perdu.

La Condition de l’homme est une sévère mise en accusation de l’armée, fortement illustrée par la suprématie accordée aux « anciens » autorisés, pour en faire de bons soldats, à rudoyer les bleus, contraints de supporter sans broncher les humiliations et les coups sur la tête, toute esquisse de répartie les exposant à des sanctions. Le film dénonce aussi le traitement inhumain des prisonniers chinois qui fait penser à celui réservé, dans les camps de concentration nazis, aux déportés qui n’étaient pas dirigés vers les chambres à gaz.

La Condition de l’homme évite tout manichéisme. Kaji est loin d’être un saint. Sa détermination à défendre l’humanisme vacille parfois jusqu’à lui faire accepter la violence, voire à l’exercer lui-même. On suit, au long des deux ans de sa vie que nous donne à voir le film, l’évolution de son comportement et de son regard sur les autres.

La Condition de l'Homme

La guerre est montrée dans toute son horrible banalité, sans héros, juste avec des morts programmées par le déséquilibre des forces opposées, une boucherie dont les improbables survivants passent pour des lâches. Une représentation sans lustre ni gloire qui rappelle, dans la troisième partie de la saga, Feux dans la plaine (Nobi, Kon Ichikawa, 1959), l’inoubliable relation de la déroute de l’armée japonaise dans les Philippines.

Le rôle de Kaji, présent dans toutes les scènes, est tenu par Tatsuya Nakadai qui avait débuté sa carrière d’acteur en compagnie d’Akira Kurosawa avec un petit rôle dans Les 7 samouraïs (Shichinin no samurai, 1954). Masaki Kobayashi, qui venait de l’employer en 1957 dans La Rivière noire (Kuroi kawa), lui donna dans La Condition de l’homme un de ses premiers grands rôles. Mais pas le dernier, puisqu’il le réemploiera en 1962 dans Harakiri (Seppuku) et en 1964 dans Kwaidan (Kaidan). Akira Kurosawa lui confia six rôles, notamment dans Sanjuro (Tsubaki Sanjûrô, 1962), dans Entre le ciel et l’enfer (Tengoku to jigoku, 1953), dans Kagemusha : l’ombre du guerrier (Kagemusha, 1980), et dans Ran, en 1985.

La Condition de l’homme grâce à la force de son récit, à une tension dramatique toujours soutenue par un découpage efficace à la remarquable beauté formelle qu’a su donner la conjugaison des talents de Masaki Kobayashi et du chef opérateur Yoshio Miyajima avec les éclairages et une utilisation inspirée du ratio 2.35:1, font de cette oeuvre un incontournable chef-d’oeuvre du cinéma universel.

La Condition de l'Homme

Présentation - 4,0 / 5

La Condition de l’homme, d’une durée de 574 minutes tient sur trois Blu-ray BD-50, logés dans trois digipacks, glissés dans un étui.

Un menu fixe et musical propose chaque partie dans sa version originale, en japonais, mandarin, mandchou et russe, avec sous-titres optionnels, au format audio DTS-HD Master Audio 1.0 (2.0 stéréo pour la troisième partie). Des sous-titres en japonais, incrustés dans l’image, apparaissent sur le bord droit du cadre pour tous les dialogues dans d’autres langues.

Carlotta Films nous propose, pour la première fois en haute définition, la réédition à l’identique du coffret de trois DVD sorti en 2006, aujourd’hui épuisé.

À l’intérieur de l’étui, un livret de 32 pages par Claire-Akiko Brisset, universitaire et auteur de plusieurs ouvrages sur la littérature et les arts japonais. Après une rapide revue des débuts de Masaki Kobayashi, elle rappelle qu’il produisit lui-même La Condition de l’homme, dont la durée et la gravité du sujet effrayait la Shôchiku qui se séparera, après Seppuku (1962), d’un cinéaste « contestataire ». Le livret, « pour comprendre toutes les implications du film », remonte au début du XXème siècle, à « l’expansion agressive du Japon en Asie (…) pour garantir l’indépendance de son approvisionnement en matières premières » et à la création en Mandchourie de l’État du Mandchoukouo. Malgré le patriotisme des soldats, entraînés selon le code du samouraï (bushidô), l’armée impériale commence à subir des revers à partir de 1941. La Condition de l’homme est « un objet cinématographique absolu (…) un film d’aventure - avant tout intérieure -, un film de guerre - où l’ennemi n’est pas celui qu’on croit -, un grand mélodrame et aussi une épopée historique. ». Claire-Akiko Brisset souligne le style des cadrages de Masaki Kobayashi, « la composition purement graphique de l’image où il privilégie très souvent les diagonales (…) une caractéristique de la peinture japonaise ancienne. » « Un message profondément contestataire (…) magistralement servi par la création d’un univers purement cinématographique dans la coordination de l’image, du son et du mouvement. » Le livret se referme sur une analyse de la personnalité de Kaji et sur le résumé des fiches artistiques et techniques des trois films.

La Condition de l'Homme

Bonus - 0,5 / 5

Rien d’autre que les trois bandes-annonces.

Image - 4,0 / 5

L’image (2.35:1, 1080p, AVC) a été débarrassée des marques de dégradation de la pellicule par une soigneuse restauration qui n’a épargné que d’occasionnelles petites taches blanches, avec un contrôle du bruit vidéo respectueux de la texture argentique. Certaines scènes de la première partie sont affectées par quelque instabilité lumineuse, par exemple celle de la visite du camp de prisonniers chinois, à 48 minutes du début. Les contrastes manquent parfois légèrement de fermeté, sauf dans la troisième partie.

La Condition de l'Homme

Son - 4,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 1.0 des deux premières parties a, lui aussi, été parfaitement nettoyé. Un souffle occasionnel est suffisamment léger et régulier pour ne pas perturber la clarté des dialogues. Quelques saturations dans les passages forte de l’accompagnement musical.

Le format DTS-HD Master Audio 2.0 stéréo de la troisième partie (le premier film japonais en son stéréo, nous précise la bande-annonce) bénéficie d’une plus large bande passante, d’un gain de dynamique et d’une efficace séparation des deux canaux à l’effet assez immersif.

Crédits images : © Ninjin Club, Shochiku Kinema Kenkyû-jo

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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Philippe Gautreau
Le 30 novembre 2020
La force du récit avec une tension dramatique toujours soutenue et sa remarquable beauté formelle font de La Condition humaine un incontournable chef-d’œuvre du cinéma universel.
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igor
Le 10 août 2010
Mouais. 600 minutes pour suivre l'action d'un ahuri dans une Mandchourie nippone en 1943. Vision officielle japonaise de 1956. Un seul mot d'ordre :mort aux russes. Et on veut comparer ce film avec "intolérance" ? . Farfadets !!

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