Spéciale première (1974) : le test complet du Blu-ray

The Front Page

Réalisé par Billy Wilder
Avec Jack Lemmon, Walter Matthau et Vincent Gardenia

Édité par Rimini Editions

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Le 07/10/2020
Critique

Une comédie endiablée, une caricature caustique des journaliste et toute la science de la mise en scène de Billy Wilder !

Special Premiere

Chicago, 6 juin 1929. Earl Williams a été condamné à mort pour le meurtre d’un policier. Dans la salle de presse, tous les journalistes attendent l’heure de la pendaison, sauf Hildy Johnson, le meilleur reporter du Chicago Examiner : il vient de donner sa démission pour prendre avec Peggy Grant, qu’il va épouser, le train de Philadelphie. Une nouvelle tombe : Earl Williams vient de s’évader. Walter Burns, le rédacteur en chef du Chicago Examiner, va recourir à tous les subterfuges pour amener Hildy à couvrir ce coup de théâtre…

Spéciale première (The Front Page) est l’adaptation par Billy Wilder et I.A.L. Diamond, son coscénariste attitré depuis 1957, d’une pièce à succès écrite en 1928 par Charles MacArthur et le célèbre scénariste Ben Hetch, montée à Broadway à la fin des « années folles », quelques mois seulement avant la grande dépression déclenchée par le crash boursier du 24 octobre 1929.

Des trois adaptations déjà faites pour le grand écran, par Lewis Milestone en 1931, par Ed Sobol en 1945, on a surtout retenu celle de Howard Hawks, en 1939, sous le titre La Dame du vendredi (His Girl Friday), avec Cary Grant et Rosalind Russell. La pièce fut aussi scénarisée trois fois pour la télévision, pour deux téléfilms, en 1948 et 1970, et pour une série de 18 épisodes, diffusée en 1949 et 1950.

Spéciale première, sorti en 1974, un des derniers films réalisés par Billy Wilder, avant Fedora, en 1978 et Buddy Buddy, en 1981, en dépit d’un accueil assez tiède à sa sortie, est une réussite dans le genre de la comédie loufoque (screwball comedy), pour le sel et le mordant de ses dialogues, pour son rythme soutenu, et, bien sûr, pour la qualité de sa distribution.

Special Premiere

Billy Wilder avait déjà réuni Jack Lemmon et Walter Matthau pour La Grande combine (The Fortune Cookie, 1966) et récidivera en 1981 pour son dernier film, Buddy Buddy. Ils formèrent un des couples les plus célèbres des comédies américaines en jouant ensemble dans pas moins de sept autres films, dont deux doublés, Drôle de couple (The Odd Couple, Gene Saks, 1968) et Drôle de couple II (The Odd Couple II, Howard Deutch, 1998), puis Les Grincheux (Grumpy Old Men, Donald Petrie, 1993) et Les Grincheux 2 (Grumpier Old Men, Howard Deutch, 1995).

En prime, on reconnaît en Peggy Susan Sarandon, au début de sa carrière, deux ans avant son inoubliable composition de Janet dans The Rocky Horror Picture Show. Dans la solide distribution des rôles secondaires, Allen Garfield, l’interprète du journaliste novice dépêché pour remplacer Hildy, emporté par le Covid en avril dernier.

Spéciale première respecte, presqu’autant que sa source d’inspiration, la règle des trois unités du théâtre classique. Une action, la couverture médiatique de l’exécution. Une courte période de temps, quelques heures. Un lieu, la salle de presse, où se déroule toute l’action, hormis quelques brèves escapades, au siège du journal, dans la salle de cinéma où Peggy, à l’orgue Hammond, anime à l’entr’acte une séance de karaoké…

Spéciale première a offert au réalisateur de Certains l’aiment chaud (Some Like It Hot, 1959) une dernière occasion de démontrer son sens exceptionnel de la mise en scène, en particulier d’une comédie, le genre le plus difficile. Des dialogues à l’emporte-pièce, un tempo précis, une direction d’acteurs exigeante, un découpage inspiré… tout cela et le talent des acteurs font de ce film une des meilleures comédies de Billy Wilder.

Special Premiere

Présentation - 4,0 / 5

Spéciale première (105 minutes) et ses suppléments (169 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé dans un boîtier non fourni pour le test.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, avec sous-titres optionnels, et dans un doublage en français, les deux au format DTS-HD Master Audio 1.0.

À l’intérieur du boîtier, un livret de 28 pages rédigé par Marc Toullec rappelle que The Front Page n’est pas un projet personnel de Billy Wilder, contrairement à presque tous ses films, mais une commande du producteur Jennings Lang, sur l’initiative de Paul Monash, un autre producteur qui avait racheté les droits de la pièce aux ayants-droit de Charles MacArthur et de Ben Hecht. Billy Wilder, qui avait aimé The Front Page de Milestone et His Girl Friday de Howard Hawks, accepta volontiers la commande : « Je commençais sérieusement à me fatiguer de devoir jouer les producteurs de mes propres films », disait-il alors. Billy Wilder et I.A.L. Diamond élaborent le scénario en six mois en réécrivant 60% des dialogues pour les rajeunir et les affranchir des restrictions de la censure, en ménageant quelques échappées hors de la salle de presse où se déroulait toute la pièce et en remplaçant certains personnages secondaires par le Dr. Eggelhofer, un psychologue viennois. Billy Wilder, débordant d’énergie, attentif aux moindres détails de la mise en scène, chronomètre à la main, impose à Jack Lemmon et Walter Matthau une double exigence : parler très vite et distinctement et respecter précisément les mots et les gestes prévus. Le livret recueille les souvenirs de Susan Sarandon et d’autres acteurs. Après l’accueil mitigé du public, suivant son habitude, Billy Wilder élude les avis positifs et se concentre sur les critiques négatives pour juger sévèrement son film. Il exprime alors sa nostalgie d’un passé révolu : « La gentillesse et l’esprit n’ont plus aucune chance de plaire. Finie l’époque des Noël Coward… ».

Special Premiere

Bonus - 4,0 / 5

Deux interviews des acteurs principaux, enregistrées à Londres, au National Film Theatre :

Interview audio de Walter Matthau (62’, le 28 août 1988). La Grande combine, dont le tournage fut interrompu pendant cinq mois par l’infarctus du myocarde qui l’a terrassé, lui valut l’Oscar du meilleur « second » rôle, « a big joke! », dit-il, « une récompense qu’on m’a donnée en pensant que j’allais mourir ». Suit une revue de sa filmographie, bourrée d’anecdotes et truffée de saillies humoristiques. Elle s’ouvre en 1955 avec deux westerns, L’Homme du Kentucky (The Kentuckian) et La Rivière de nos amours (The Indian Fighter) et se poursuivra avec les meilleurs réalisateurs de son temps, Michael Curtiz, Nicholas Ray, Elia Kazan, Vincente Minnelli, Stanley Donen, Gene Kelly… De nombreuses flèches sont décochées sur le monde du show business. Un seul regret : ne pas voir les gestes qui faisaient tant rire le public !

Interview audio de Jack Lemmon (50’, date inconnue). Né dans un milieu aisé, mais fils d’un self made man, il eut très tôt l’envie d’être acteur. Après des débuts au théâtre et à la télévision, où il a pu rencontrer des réalisateurs, scénaristes et acteurs réputés, il décrocha son premier rôle pour le grand écran dans Une Femme qui s’affiche (It Should Happen to You, George Cukor, 1954), avec Judy Holliday. Il a dû, étiqueté comme acteur de comédies, insister auprès de Jack Warner pour obtenir le premier rôle dans Le Jour du vin et des roses (Days of Wine and Roses, Blake Edwards, 1962). C’est pendant le tournage de Certains l’aiment chaud que Billy Wilder lui a proposé le rôle de La Garçonnière (The Apartment, 1960). Il avoue être attiré par les emplois de loser, stimulé par la frustration des personnages, par les obstacles qu’ils ont à franchir, par les oppositions qu’ils ont à vaincre. Sa conclusion est sans appel : rien de plus désastreux qu’une comédie sans un bon timing !

Conversation entre Mathieu Macheret (Le Monde) et Frédéric Mercier (Transfuge) (54’, Rimini Éditions, 2020). Après les deux parenthèses européennes que furent La Vie privée de Sherlock Holmes et Avanti! , deux échecs commerciaux, Billy Wilder décide de revenir à la comédie à gags en adaptant une pièce à succès, un choix allant à contre-courant du Nouvel Hollywood et de l’image valorisante que donne alors le cinéma américain de la presse. Les journalistes, aux allures de saltimbanques, sont là pour « fabriquer de l’information ». Les deux critiques décortiquent le mécanisme de la mise en scène de Billy Wilder, son sens du mouvement et du rythme.

Bande-annonce (3’) recadrée à 1.33:1 pour la télévision.

Special Premiere

Image - 4,5 / 5

L’image (2.35:1, 1080p, AVC) a été, par la restauration opérée pour l’édition Kino Lorber parue aux USA, stabilisée et soigneusement nettoyée, avec un contrôle du bruit respectueux de la texture argentique. Elle est lumineuse, fermement contrastée, avec des couleurs bien étalonnées et délicatement ravivées.

Son - 4,5 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 1.0 de la version originale, très propre lui aussi, sans souffle, bénéficie d’une agréable ouverture du spectre et d’une bonne dynamique. Les dialogues et l’ambiance sont clairement restitués. Ni saturations, ni distorsions dans l’accompagnement musical, du jazz des années folles, limité au générique et aux crédits.

Le doublage en français, plutôt réussi, appelle les mêmes remarques.

Crédits images : © Droits réservés

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

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Philippe Gautreau
Le 8 octobre 2020
Billy Wilder démontre, pour la dernière fois, son exceptionnelle maîtrise de la mise en scène d’une comédie, le genre le plus difficile : dialogues à l’emporte-pièce, tempo précis, direction d’acteurs exigeante, découpage inspiré… Tout cela et le talent de Jack Lemmon et Walter Matthau font de Spéciale première une grande comédie.

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