Soy Cuba

Soy Cuba (1964) : le test complet du Blu-ray

Soy Cuba/Ya Kuba

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Mikhail Kalatozov
Avec Jean Bouise, Sergio Corrieri et Roberto Cabrera

Édité par Potemkine Films

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Le 14/12/2020
Critique

Les temps qui ont précédé la révolution cubaine, recréés par le réalisateur et le chef opérateur de Quand passent les cigognes.

Soy Cuba

En 1958, Cuba est devenu un lieu de villégiature pour les Américains. Une partie de la population s’est entassée dans des bidonvilles entourant La Havane et les paysans vivent dans la misère, à la merci des propriétaires terriens. Le mécontentement grandit, comme le nombre de partisans de Fidel Castro…

Soy Cuba, sorti en 1964, une coproduction entre l’URSS et Cuba, est l’avant-dernière réalisation de Mikhail Kalatozov et le troisième des grands films qu’il réalise avec le chef-opérateur Sergueï Ouroussevski, après Quand passent les cigognes (Letyat zhuravli, 1957), salué par la Palme d’or en 1958, et La Lettre inachevée (Neotpravlennoe pismo, 1960).

Soy Cuba, sur un scénario du poète Yevgeni Yevtushenko et du Cubain Enrique Pineda Barnet, oppose l’aisance et l’insouciance de quelques privilégiés à la misère de la plupart et observe la montée du mécontentement de la population, les manifestations sévèrement réprimées et la préparation d’une insurrection. C’est un film choral, dont les protagonistes se succèdent, scène après scène, sans personnages récurrents.

Soy Cuba

Les mouvements de caméra, très souvent portée, dépassent en virtuosité ceux, déjà surprenants, de Quand passent les cigognes. Ils sont poussés à l’extrême dans la scène d’anthologie du cortège accompagnant la dépouille d’un étudiant tué par la police pendant une manifestation. La recherche formelle va jusqu’à utiliser, notamment pour la séquence d’ouverture, une pellicule infrarouge qui modifie les rapports du noir et du blanc, ou à rendre certains plans abstraits par le recours à différents procédés inédits.

Soy Cuba fut un extraordinaire investissement de talents et d’énergie au long d’un tournage qui s’est étalé sur quatorze mois et a mobilisé des milliers de figurants. Pourtant, le film fut laissé au placard, en Russie une semaine après sa sortie en salles, deux semaines après à Cuba, et vite oublié.

Il faudra attendre sa redécouverte par Martin Scorsese et Francis Ford Coppola en 1995 pour qu’il soit reconnu comme un chef-d’oeuvre universel.

Soy Cuba était devenu introuvable, la précédente édition MK2 étant depuis longtemps épuisée. Potemkine Films comble un vide avec la sortie d’une nouvelle édition exceptionnelle, la première en haute définition, accompagnée de plus de quatre heures de bonus vidéo d’une remarquable tenue.

Soy Cuba

Présentation - 5,0 / 5

Soy Cuba (141 minutes) et ses très généreux suppléments (246 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé, dans cette édition combo, avec deux DVD-9, l’un avec le film et l’autre avec les bonus, dans un digipack à trois volets, glissé dans un étui.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, en espagnol, avec sous-titres optionnels, au format audio DTS-HD Master Audio 1.0.

À l’intérieur de l’étui, un livret de 78 pages contient la traduction des lettres que le chef-opérateur Serguei Ouroussevski envoyait à Bella Fridman, son épouse, un précieux document sur le tournage.

Bonus - 5,0 / 5

Le Mammouth sibérien (92’, en portugais et espagnol, sous-titré, 2004). Le documentaire Soy Cuba, o Mamute siberiano, du Brésilien Vicente Ferraz, s’ouvre sur des plans de La Havane où le réalisateur était parti en 2001 à la recherche de membres survivants de l’équipe de Soy Cuba, des lieux de tournage et des archives de l’Institut Cubain des Arts et de l’Industrie Cinématographiques (ICAIC), « pour raconter l’incroyable épopée du projet (…) pour retrouver les souvenirs de toute une époque et les vestiges d’une grande utopie. » Avec l’analyse de nombreux extraits du film, l’insertion d’archives filmées, le recueil des souvenirs des témoins du tournage, ce documentaire est un essentiel complément de Soy Cuba.

Interview de Martin Scorsese (28’, MK2, 2003). Il a été frappé, dès le premier visionnement, par la beauté de l’écriture filmique, par sa façon de recréer l’histoire et a décidé, avec Francis Ford Coppola, de distribuer Soy Cuba « pour communiquer la passion de la réalisation (…) dégagée par ce poème épique. » Un regard passionné et passionnant sur le film !

Suivent des bonus exclusifs, produits en 2020 par La Bête Lumineuse :

Soy Cuba

Kalatozov, le cinéaste (21’) par François Albera, universitaire, historien et critique spécialisé dans le cinéma russe. Il retrace la carrière de Mikhail Kalatozov, ses premiers films, dont Un clou dans la botte (Lursmani cheqmashi, 1921), bloqué par l’armée. Il rappelle l’avènement du « factualisme », en faveur du documentaire brut, qui ne falsifie pas la réalité. Elle peut, toutefois, selon Kalatozov, être captée par une « caméra émotionnelle », être regardée « sous un angle qui la rende étrange ». Ce courant libéral sera étouffé par l’arrivée au pouvoir de Brejnev qui imposera le retour à une cinématographie « simplifiée » visant à « toucher des millions. »

Kalatozov et Ouroussevski, un duo artistique (16’), par François Albera. Soy Cuba est la deuxième collaboration entre Kalatozov et le chef-opérateur Ouroussevski, commencée avec Quand passe les cigognes, marquant la naissance d’un récit et d’un style en rupture avec l’académisme. Bousculant « les interdits », il ouvrira la voie à Andreï Tarkovski, Andrei Konchalovsky, Alexeï Guerman…

Le contexte historique (19’), par François Albera. L’île, isolée par le blocus américain depuis la révolution de 1959, va se rapprocher de l’URSS, le seul soutien possible. Peu après la crise de la Baie des Cochons, pour s’imprégner de l’ambiance d’une révolution qui vient de se faire, Kalatozov et Ouroussevski sont arrivés à Cuba dès 1961, où ils seront rejoints par Yevtushenko, « le poète du dégel » de l’ère Khrouchtchev, et Enrique Barnet, le coscénariste cubain, pour observer la réalité cubaine au travers « d’une sorte de kaléidoscope ».

La réception du film (12’), par François Albera. Le cinéma, destiné aux foules, mobilisant des équipes, a une dimension sociale et politique. Soy Cuba, s’il est un film de propagande, ne fut pas utilisé comme tel. « Maintenant devenu un classique », il fut, dès sa sortie, condamné à l’oubli.

Soy Cuba

Analyse de séquences (30’) par Eugénie Zvonkine, historienne et critique de cinéma, spécialiste du cinéma soviétique, russe et ukrainien. « Suite logique d’une démarche qui a commencé avec Quand passent les cigognes en 1957 », Soy Cuba la pousse à l’excès. Le personnage principal, comme dans Le Cuirassé Potemkine de Sergei M. Eisenstein, est le peuple. Elle souligne l’aspect comédie musicale de plusieurs séquences et les mouvements d’une caméra dont l’axe n’est jamais parallèle au sol, ce qu’elle illustre par la séquence de la mort d’Enrique pendant l’affrontement des manifestants avec la police. Une caméra « sensorielle » très mobile : en suivant de très près les personnages, grâce à des courtes focales, elle « embarque » le spectateur dans l’action.

Entretien avec Claire Mathon, chef-opératrice (21’). Les inoubliables mouvements de caméra de Soy Cuba restent aujourd’hui étonnants, tels les plans-séquences de la piscine et ceux du cortège accompagnant la dépouille d’Enrique, saisis par une caméra « qui vit avec les gens ».

Le film vu par Hisham Lasri, cinéaste marocain (à découvrir dans le Coffret Hicham Lasri : The End + The Sea Is Behind, édité en 2019 par Potemkine Films) (6’). Cette caméra qui vole est « autre chose qu’un cinéma propret (…) soumis à la dictature d’un scénario (…) aux schémas rassurants ». « Il faut faire tomber le dogmatisme, proposer quelque chose de frais. »

Ces mêmes suppléments sont sur le DVD de bonus, sauf l’interview de Martin Scorsese, logée sur celui du film.

Soy Cuba

Image - 5,0 / 5

L’image (1.37:1, 1080p, AVC), après restauration 4K par Mosfilm, a été débarrassée de toute trace de dégradation de la pellicule, dans le respect de la texture argentique. Elle est stable, lumineuse, délicatement contrastée, avec des noirs bien denses. L’étalonnage met en valeur l’audacieuse utilisation de films infra-rouge pour certains plans.

Son - 5,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 1.0, d’une remarquable propreté, lui aussi, sans souffle, restitue dans un bon équilibre dialogues, ambiance et accompagnement musical, avec une dynamique plus que satisfaisante pour l’âge du film.

Crédits images : © Mosfilm, Instituto Cubano del Arte e Industrias Cinematográficos

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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Philippe Gautreau
Le 15 décembre 2020
Ce puissant poème cinématographique, introuvable depuis des années, nous revient dans une édition exceptionnelle, la première en haute définition, accompagnée de plus de quatre heures de bonus vidéo d’une remarquable tenue.

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