Les Cent cavaliers (1964) : le test complet du Blu-ray

Cento cavalieri, I

Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre

Réalisé par Vittorio Cottafavi
Avec Mark Damon, Antonella Lualdi et Rafael Alonso

Édité par Artus Films

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Le 13/11/2020
Critique

Ultime film d’aventures de Cottafavi, oscillant entre Brecht et Shakespeare, en version intégrale.

Les Cents cavaliers

Vers l’An Mil, en Castille (Espagne), le chevalier Fernando Gonzalez résiste à une invasion de Maures musulmans menés par le cheik IbnGalbon qui tyrannise sournoisement puis ouvertement et brutalement un village catholique. La mort du cheick, à la suite d’un combat héroïque, ramène cependant la paix entre les deux communautés.

Les Cent cavaliers (Le Fils du Cid, Ital.-Esp.-RFA 1964) de Vittorio Cottafavi (1914-1998) est son ultime film exploité au cinéma. Tenu par certains pour un chef-d’oeuvre (Michel Mourlet) voire un chef-d’oeuvre shakespearien (Jean-Marie Sabatier), c’est un chant du cygne qui mérite d’être découvert en version intégrale car il manquait environ une demi-heure dans la copie exploitée en France à sa sortie cinéma.

Les sections retrouvées accentuent trois aspects qui contribuèrent à son échec commercial (ressenti si cruellement par Cottafavi qu’il abandonna définitivement le cinéma pour se consacrer exclusivement à la télévision) : une occasionnelle distanciation brechtienne (revendiquée par le début et la fin sans oublier la bande-annonce durant laquelle les comédiens interrompent la scène qu’ils jouent afin de s’adresser au spectateur), quelques traces d’un marxisme un peu trop appliqué (la discussion économique sur l’augmentation du prix du blé induite par la brusque décision de faire payer les sacs servant à son transport) et trop de scènes de comédie truculente (genre auquel appartiennent directement le père du héros ― ersatz de Don Quichotte dont il porte symboliquement le casque plat mais la comparaison s’arrête là ― et le chef nain des voleurs). Ces éléments étaient pratiquement absents des six grands péplums dorénavant classiques de Cottafavi tournés entre 1958 (La Révolte des gladiateurs) et 1961 (Hercule à la conquète de l’Atlantide) ou bien dosés d’une manière suffisamment légère pour ne pas altérer la tonalité épique, tragique et mythologique des scénarios. Ici, c’est en revanche un peu le cas. Cet épisode de la reconquête (« reconquista ») occidentale de l’Espagne ― elle s’opéra lentement du huitième au quinzième siècle ― est en outre traité parfois comme une fresque parabolique, faisant allusion à des situations historiques et politiques contemporaines. Un point intéressant : le conflit des civilisations est présenté comme inévitable mais momentanément résolu par l’amitié chevaleresque des individus d’élite appartenant aux blocs antagoniste. C’était exactement le propos du Le Cid (USA 1961) d’Anthony Mann : le distributeur français ne s’était, en somme, pas trompé en intitulant ce Cottafavi, lors de sa sortie cinéma, Le Fils du Cid même si la filiation est, pour le coup, davantage historique et thématique que familiale.

Bien sûr, Cottafavi n’a rien perdu de sa virtuosité esthétique : il compose des plans aux dominantes colorées savamment réparties, organise des travellings superbes (montés par Maurizio Lucidi) afin de mieux restituer la dynamique des charges de cavalerie. La plus belle idée plastique du film est celle de la bataille finale durant laquelle survient un passage de la couleur au N&B pendant quelques minutes (les plus violentes) : la fin du combat ramène les couleurs à l’image comme si la vie reprenait ses droits sur la mort. Dans le cadre d’une coproduction commerciale de série B surfant sur le succès de la superproduction de série A d’Anthony Mann, il fallait tout de même oser ce genre d’expérimentation plastique. Casting par ailleurs intéressant, typique d’un bon film de cinéma-bis populaire de l’époque : Antonella Lualdi y voisine avec Wolfgang Preiss, Gastone Moschin et Mark Damon.

Reste qu’on peut préférer l’équilibre souverain des péplums de son âge d’or 1958-1961 à ces Cent cavaliers (Le Fils du Cid) qui demeure cependant une oeuvre intéressante pour le cinéphile généraliste, indispensable pour le cinéphile-bis s’intéressant la filmographie de Cottafavi dont elle constitue le terme argentique.

Les Cents cavaliers

Présentation - 4,0 / 5

Edition limitée 1000 exemplaires - 1 mediabook collector Artus, édité le 03 novembre 2020, contenant 1 DVD-9 PAL zone 2 + 1 Blu-ray 50 région B + 1 livret illustré de 64 pages. Durée du film : presque 115 min. (comme indiqué correctement au verso de l’étui alors que la fiche technique du site internet Artus Films mentionne l’inexact 110 min.). Format 2.35 TechniScope original respecté, en Technicolor, compatible 16/9. DTS-HD Master Audio VOSTF italienne mono + VF d’époque mono. Suppléments : présentation par François Amy de la Bretèque, livret par F.A. De la Bretèque et Philippe Conrad, diaporama affiches et photos, film-annonce.

Livret Les Cent cavaliers : une histoire de la reconquista, par F. A. de la Bretèque et Philippe Conrad (64 pages illustrées) : il restitue un peu sommairement la position de Cottafavi dans l’histoire du cinéma mais fournit un éclairage précis et intéressant sur l’origine des coproductions espagnoles dans l’histoire du cinéma-bis des années 1960. La section purement historique brosse d’une manière ample et détaillée les sept siècles de la reconquête occidentale de l’Espagne : cartes géographiques, portraits, peintures, illustrent ces chapitres. Quelques rares coquilles : page 7, le titre initial d’exploitation française de Les Cent cavaliers n’est pas Les Fils du Cid au pluriel mais bien Le Fils du Cid au singulier. Je signale, en passant, que IMDB commet donc une erreur à ce sujet. Page 8, le troisième pays producteur n’est pas la RDA mais la RFA : la page 10 rectifie heureusement puisqu’elle mentionne l’Allemagne fédérale (République Fédérale d’Allemagne = Allemagne de l’Ouest) qu’il ne faut évidemment pas confondre avec la République Démocratique d’Allemagne (Allemagne de l’Est) durant l’existence de laquelle l’adjectif « démocratique » était tout bonnement synonyme de « communiste ». Michel Marmin me rappelait que Michel Mourlet admirait Les Cent cavaliers au point que Mourlet en choisit une image afin d’illustrer la couverture de la réédition de son livre La Mise en scène comme langage (Sur un art ignoré), éditions Henri Veyrier, Paris 1987. C’est justement Présence du cinéma, la revue de Mourlet et des Mac-Mahoniens, qui défendit avec le plus d’ardeur critique le cinéma de Vittorio Cottafavi, notamment sa période 1958-1961 qui correspond à son véritable âge d’or. Sur le plan de l’illustration, on aurait dû reproduire pleine page davantage d’affiches de films de Cottafavi plutôt qu’une pleine page de l’affiche du Cid d’Anthony Mann. Non que cette dernière soit hors-sujet (elle est, en outre, très belle) mais puisqu’on avait l’occasion de montrer des affiches de films de Cottafavi, il fallait la saisir au vol !

Les Cents cavaliers

Bonus - 4,0 / 5

Film-annonce (VO, 4 min. 30 sec. environ) : c’est la bande-annonce italienne, particulièrement longue et sophistiquée, en outre brechtienne : la « distanciation » (théâtrale) s’y établit à plusieurs reprises, lorsque les acteurs interrompent la scène qu’ils jouent pour s’adresser directement à la caméra.

Diaporama : une dizaine d’affiches et de photos italiennes en couleurs. Assez maigre par rapport à d’autres galeries affiches et photos édités par Artus films mais l’ensemble est, comme d’habitude, bien reproduit. Reste que j’attendais davantage de documents.

Présentation (35 min. environ) : François Amy de la Bretèque reprend oralement l’essentiel de la première partie du livret et quelques éléments de sa seconde partie. Le tout est illustré par des extraits du film. Ensemble clair et précis mais j’émets quelques remarques correctrices ou rectificatrices. Cottafavi avait déjà pratiquement abandonné le cinéma depuis Hercule à la conquète de l’Atlantide (Ital.-Fr. 1961). Les Cents cavaliers fut, en 1964, sa dernière contribution à son histoire; il revint ensuite définitivement à la télévision. Le Technirama n’est pas la même chose (bien que son « aspect ratio » soit identique) que le TechniScope ici effectivement employé : le présentateur confond momentanément (mais on l’excuse bien volontiers) le procédé technique du Cid (tourné en SuperTechnirama 70mm) avec celui de ce Le Fils du Cid (tourné en TechniScope 35mm); les cinéastes Riccardo Freda, Mario Bava et Vittorio Cottafavi n’ont pas été « éclipsés » (comme il le dit et comme il l’écrit aussi dans le livret, page 3) par le néo-réalisme italien : ce mouvement a connu son âge d’or en 1945-1955 alors que les oeuvres majeures de Freda, Bava et Cottafavi datent respectivement de 1950-1970 (Freda), 1960-1973 (Bava), 1958-1964 (Cottafavi). Ce verbe ne convient donc pas : il faudrait plutôt parler d’une myopie de la critique française généraliste, sauf heureuses exceptions.

Ensemble soigné qui mérite, si on lui ajoute le livret, la note presque maximale : j’aurais souhaité une galerie photos et affiches plus étoffée et, dans le livret, davantage de reproductions d’affiches de films de Cottafavi.

Les Cents cavaliers

Image - 5,0 / 5

Format original TechniScope 2.35 compatible 16/9 en Technicolor (Full HD sur Blu-ray). Générique italien original sur les deux versions sonores. Le travail du directeur espagnol de la photo Francisco Marin est souvent plastiquement beau, notamment le travail sur les dominantes, et les plans d’ensemble filmés en lumière naturelle. Le plus célèbre est le passage de la couleur au N&B puis retour quelques minutes plus tard à la couleur, durant la bataille finale. Copie argentique restaurée en parfait état. Excellent transfert numérique en Full HD, équilibré entre respect du grain et lissage vidéo.

Son - 5,0 / 5

DTS-HD Master Audio (sur le Blu-ray) ou Dolby (sur le DVD) mono 2.0 en VOSTF italienne et VF d’époque : offre complète, pour le cinéphile francophone. Elle présente le montage intégral dont environ une demi-heure manquait dans la copie exploitée en France : un avertissement prévient que toutes les séquences ainsi réintégrées dans la VF d’époque sont uniquement visibles en VOSTF. Je recommande de visionner d’abord cette VF d’époque car on se rendra ainsi compte exactement des séquences que le distributeur français avait jugé bon de supprimer. Piste sonore italienne et musique dotées d’une dynamique ample et bien reproduite. La VF d’époque est munie d’un rapport correct entre musique/effets sonores/dialogues.

Crédits images : © Artus Films

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
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francis moury
Le 14 novembre 2020
Ultime film d’aventures de Cottafavi, oscillant entre Brecht et Shakespeare, en version intégrale.

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