Docteur Cyclope (1940) : le test complet du Blu-ray

Un film fantastique inspiré par Homère, valant surtout par ses effets spéciaux.

Amérique du Sud, 1939. Le Dr. Thorkel, retiré dans la jungle, parvient à réduire la taille d’un cheval et d’un être humain à l’aide d’une source radioactive. Devenu fou, il réduit la taille d’un groupe de savants venus lui rendre visite afin d’évaluer la qualité de son travail scientifique. Le rapport de leur taille à celle de Thorkel devient identique à celui d’Ulysse et ses compagnons par rapport au terrible Cyclope mythologique antique : leur sort n’est guère plus enviable mais ils réussissent à s’évader. Ils ne sont pas tirés d’affaire pour autant.

Docteur Cyclope (Doctor Cyclops, USA 1939) de Ernest B. Schoedsack (1893-1979) est historiquement intéressant. Daté 1939 à son générique d’ouverture, sorti début 1940 sur les écrans américains, il fut distribué très tardivement en France en 1953. Premier film fantastique produit par la Paramount en Technicolor, ce sont ses effets spéciaux (nominés aux Oscars) davantage que son scénario dynamique (aventures, jungle, savant fou, radioactivité) ou son casting (Albert Dekker) qui retiennent l’attention. Car dans la filmographie fantastique sélective de Schoedsack, ce titre confirme l’étrange décadence amorcée avec Le Fils de Kong (USA 1933), confirmée par Monsieur Joe (Mighty Joe Young, USA 1949). Alors que Les Chasses du Comte Zaroff (USA 1932 coréalisé avec Irving Pichel) et King Kong (USA 1933 coréalisé avec Merian C. Cooper), produits par la RKO, étaient soutenus par des scénarios amples, surréalistes et inspirés, ce sera ensuite de moins en moins le cas. De l’épisode d’Ulysse et de ses compagnons prisonniers du Cyclope dans L’Odyssée d’Homère, les scénaristes retiennent certains éléments fonctionnels (le sommeil du docteur permettant à ses créatures prisonnières de préparer leur évasion) et un évident suspense, mais on devine qu’ils songent surtout, en y alliant le thème classique du savant fou, à ratisser le plus large possible et à surpasser techniquement Les Poupées de diable (Devil Doll, USA 1936) de Tod Browning. Docteur Cyclope n’a, de fait, pas d’autre ambition que d’enchaîner les plans multi-dimensionnels et les transparences les plus précises possibles. Il vaut assurément la peine d’être vu en raison de certaines séquences techniquement remarquables (un chat, un alligator, un oiseau menaçant des hommes devenus minuscules) qui annoncent certaines des plus belles réussites plastiques du cinéma fantastique postérieur.

Treize ans plus tard, Schoedsack signera le prologue de Place au Cinérama (This is Cinerama, USA 1952), sa dernière contribution à l’histoire technique du cinéma avant de se retirer définitivement. Étrange itinéraire que celui de ce documentariste aventurier des années 1914-1930 : il tourne sur le front européen pour l’armée américaine, puis rencontre Merian C. Cooper avec qui il tourne de splendides documentaires en Iran, à Sumatra, au Siam dans les années 1925-1930. Devenus cinéastes de fiction, ils utilisent leur expérience animalière pour recréer des jungles plus poétiques que naturelles au début de l’âge d’or du cinéma fantastique américain de 1931-1939 auquel leurs noms demeurent définitivement associés par les deux classiques de 1932 et 1933. Mais dès 1933, l’inspiration disparaît au profit d’une sorte de purisme formaliste dont Docteur Cyclope est une assez évidente manifestation.

1 Combo Blu-ray + DVD de la collection Cinéma Master Class, jaquette réversible (jaquette 2020 d’un côté, affiche 1939 de l’autre), édité par Eléphant Films le 26 octobre 2020. Image Technicolor Full HD (sur Blu-ray) au format 1.37 compatible 16/9, 1920 x 1080p AVC (sur Blu-ray). Son VOSTF en DTS-HD Master Audio Mono 2.0 (sur Blu-ray) ou Dolby Digital 2.0 (sur DVD). Durée du film 77 min. environ (sur Blu-ray) ou 72 min. environ (sur DVD). Livret 12 pages par Alain Petit (pas reçu). Suppléments : présentation par Eddy Moine, bande-annonce originale, bandes-annonces de la collection. Seul le Blu-ray a été reçu et testé.

Présentation du film par Eddy Moine (2020, durée 10 min. environ) : situation du titre dans l’histoire du cinéma fantastique (catégorie gigantisme et effets spéciaux), dans celle de la Paramount, dans la carrière du cinéaste E. B. Schoedsack, dans celle de l’acteur Albert Dekker (qui tourna pour Robert Siodmak et Sam Peckinpah) sans oublier quelques autres collaborateurs artistiques et techniques. Quelques belles affiches couleurs et des extraits du film illustrent l’ensemble, débité à un rythme un peu trop accéléré mais constituant une correcte présentation.

Bande-annonce originale (VOSTF, 1.37 compatible 16/9, durée 2 min. environ) : bien montée, elle donne une excellente idée du long-métrage de référence. État argentique variant du médiocre à l’assez bon, selon les plans.

Bandes-annonces de films fantastiques édités par Eléphant : on doit les diviser en deux sections, les films-annonces d’époque (en état argentique et vidéo assez inégal mais dotés d’une réelle valeur historique : on les reconnaît lorsqu’ils sont dotés de slogans divers et de titres incrustés sur la pellicule en lettrines correspondantes aux affiches d’époque) et ceux montés par Eléphant aujourd’hui (sans valeur historique mais en état technique impeccable car réalisés à partir du master Full HD).

Honnête édition spéciale: il n’existe d’ailleurs pas vraiment d’édition collector sur le plan des bonus. Le cinéphile (anglophone) qui voudrait un commentaire audio pourra cependant se tourner vers l’édition américaine Kino Lorber sortie début 2020.

Format 1.37 N&B compatible 16/9, Full HD sur Blu-ray. Copie argentique restaurée à partir d’un nouveau transfert 4K : elle est en bon état général mais comporte quelques plans où l’arrière-plan s’avère un peu plus flou que le premier plan lors d’une transparence, ainsi que quelques brûlures au détour d’une vingtaine de plans. Le reste est impeccable. Transfert vidéo très soigné du Technicolor (séquence à dominante verte à l’ouverture, par exemple) qui retrouve toute sa fraîcheur grâce à la haute définition. L’ensemble est techniquement bon et devient dorénavant l’édition française de référence en Full HD.

VOSTF mono DTS-HD Mono 2.0 (sur Blu-ray) : dialogues, musique et effets sonores sont nets et dynamiques. Aucune VF d’époque proposée bien que le film soit sorti en France tardivement, en 1953 mais peut-être exploité uniquement en VOSTF, cas fréquent après la Seconde guerre mondiale de 1939-1945. Les STF sont corrects sauf un « Be quiet ! » traduit à la va-vite par « Ne bougez pas ! » au lieu du correct : Taisez-vous !

Crédits images : © Paramount Pictures