Le Peuple de l'enfer (1956) : le test complet du Blu-ray

Premier film fantastique, mélangeant très curieusement les genres, signé par Vogel pour la Universal.

Asie, 1956. Une expédition d’archéologues américains, dirigée par le philologue Bentley, découvre une tablette gravée de hiéroglyphes indiquant la possibilité que des vestiges d’une civilisation antique soient dissimulés dans les hautes montagnes, à 6000 mètres d’altitude. Ils découvrent, à la faveur de la chute mortelle de l’un d’entre eux, une cité mais souterraine et si profondément enfouie que ses habitants (inconscients de l’existence d’une civilisation moderne à la surface de la Terre) ont maintenu intacts les rites et usages d’une civilisation de l’époque sumérienne ! Ils vénèrent la déesse antique Ishtar au moyen de cruels sacrifices humains et ils tiennent en esclavage une monstrueuse race d’homme-taupes : Bentley comprend vite qu’il va falloir ruser s’il souhaite revoir un jour la surface. La servante blonde Adad, amoureuse de lui, accepte de l’aider à s’évader.

Le Peuple de l’enfer (The Mole People, USA 1956) de Virgil W. Vogel (1919-1996) fut produit par William Alland et distribué par Universal la même année que L’Homme qui rétrécit de Jack Arnold. C’est un très curieux et ambitieux mélange des genres : voyage au centre de la Terre, découverte de créatures inhumaines et d’hommes dégénérés, péplum reposant sur quelques données historiques et mythologiques. Ce premier film réalisé par Vogel fut tourné en 17 jours pour 200 000 US$, ce qui lui permit ensuite de devenir réalisateur confirmé à la Universal après y avoir été longtemps monteur (il le sera cependant encore l’année suivante pour le film noir policier expérimental La Soif du mal d’Orson Welles).

Son prologue pré-générique, amusant par sa naïveté prétentieuse, intéressera les spécialistes de la pensée grecque pré-socratique : ils reconnaîtront certains aspects des théories cosmologiques antiques ici présentées d’une manière vaguement historique par un brave professeur, filmé dans un magnifique bureau à la vaste bibliothèque munie d’une jolie mappemonde. De rares plans d’ensemble (ceux révélant la cité souterraine) sont amples et techniquement sophistiqués, jouant sur les profondeurs de champ et les nuances d’une lumière souterraine : on reconnaît ici tout de suite la patte de Clifford Stine, l’un des rois des effets spéciaux de la Universal durant l’âge d’or de la science-fiction des années 1950. Le maquilleur Bud Westmore ajoute, pour sa part, aux monstres qu’il avait déjà créés (L’Étrange créature du Lac Noir étant le plus célèbre) ces curieux hommes-taupe à l’aspect malheureusement comique mais dont les griffes sont effectivement des griffes de taupe fidèlement imitées, simplement surdimensionnées afin de provoquer d’atroces blessures. Le casting est typique des séries B (ici limite C) des années 1950 : John Agar en vedette, secondé par Alan Napier, Nestor Paiva sans oublier la mignonne Cynthia Patrick qui joue assez bien mais dont la carrière fut brève et décevante. Une ligne mémorable du dialogue (au moins pour ceux qui s’intéressent à l’histoire de la représentation des drogues et stupéfiants dans le cinéma mondial) lorsque Bentley, à la recherche d’une dernière cigarette, se demande en souriant « si on peut fumer des champignons ? ».

Il fallait certes combler cette lacune vidéographique mais, à présent qu’elle l’est, souhaitons que ne tarde plus trop une édition française Blu-ray Full HD de L’Oasis des tempêtes (The Land Unknown, USA 1957) de Virgil Vogel, film plastiquement plus ample et non moins savoureux.

1 Combo Blu-ray + DVD de la collection Cinéma Master Class, série fantastique, jaquette réversible (jaquette 2020 d’un côté, affiche 1956 de l’autre), édité par Eléphant Films le 26 octobre 2020. Image N&B Full HD (sur Blu-ray) au format 2.00 compatible 16/9, 1920 x 1080p AVC (sur Blu-ray). Son VOSTF en DTS-HD Dual Mono 2.0 (sur Blu-ray) ou Dolby Digital 2.0 (sur DVD). Durée du film 77 min. 30 sec. environ (sur Blu-ray) ou 73 min. environ (sur DVD). Livret 12 pages par Alain Petit (pas reçu). Suppléments : présentation du film par J.-P. Dionnet, bande-annonce, bandes-annonces de la collection. Seul le Blu-ray a été reçu et testé.

Présentation du film par J.-P. Dionnet (2020, durée 7 min. environ) : situation sommaire du titre dans la carrière du cinéaste Virgil Vogel et celle de certains des collaborateurs artistiques et techniques. Le fond blanc uni sur lequel Dionnet se fait filmer finit en outre, au bout de quelques minutes, par faire mal aux yeux sur très grand écran : la prochaine fois, on suggère un fond noir.

Bande-annonce (VOSTF, 2.00 compatible 16/9, durée 2 min. environ) : ce n’est hélas pas la bande-originale d’époque mais un montage actuel effectué à partir du master restauré.

Bandes-annonces de films fantastiques édités par Eléphant : on doit les diviser en deux sections, celles d’époque (elles sont en état argentique et vidéo assez inégal mais ce sont des documents d’histoire du cinéma argentique de première main) et celle montée par Eléphant aujourd’hui (Le Peuple de l’enfer, en état technique impeccable car montée à partir du master Full HD mais évidemment dénuée de toute valeur historique puisque ce n’est pas la bande-annonce d’époque).

Édition spéciale au rabais, sur le plan des bonus vidéo  : celui qui souhaite une véritable édition collector pourra (si et seulement si il est anglophone) se tourner vers l’édition américaine Shout Factory sortie en février 2019, beaucoup plus riche en suppléments.

Format 2.00 N&B compatible 16/9, Full HD 1080p sur Blu-ray. Il faut savoir que l’édition Blu-ray américaine offre la possibilité de visionner le film en 2.00 (comme ici sur cette édition française) ou bien en 1.85, au choix. La différence visuelle est légère en aspect ratio sur une TV UHD grand écran actuelle mais le fait mérite d’être signalé car il est assez rare. Copie argentique en état inégal : sans parler des stock-shots d’expédition montagnarde facilement identifiables en raison de leur médiocre qualité d’image, certaines séquences souterraines sont parsemées de poussières négatives et positives que les noirs denses rendent alors encore plus visibles. D’autres séquences sont nettement plus propres argentiquement mais j’attendais mieux de l’ensemble. Grain privilégié par rapport au lissage : avis aux amateurs de grain. Transfert vidéo Full HD sur le Blu-ray qui augmente considérablement la définition des scènes souterraines : un bon point.

VOSTF mono DTS-HD Mono 2.0 (sur Blu-ray) : dialogues, musique et effets sonores sont nets et dynamiques, en dépit de quelques signes de vieillissement de la piste audio originale. Aucune VF d’époque proposée : le titre est sorti au cinéma en France en 1957 mais probablement en VOSTF seulement comme un certain nombre de films Universal des années 1950, à moins que la VF d’époque existât mais n’ait été perdue ?

Crédits images : © Universal International Pictures