Le Parrain 3 (1990) : le test complet du Blu-ray

The Godfather Part III

Épilogue : La Mort de Michael Corleone

Réalisé par Francis Ford Coppola
Avec Al Pacino, Diane Keaton et Talia Shire

Édité par Paramount Pictures France

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Le 27/01/2021
Critique

Nouveau montage 2020 du Parrain III (1990), dernier volet de la plus fameuse trilogie de l’histoire du film noir policier américain.

Le Parrain - 3ème partie (Épilogue - La Mort de Michael Corleone)

New-York, USA novembre 1979 puis USA et Europe de 1979 à 1982 : afin de manifester sa foi catholique et de blanchir définitivement le nom de sa famille, Michael Corleone veut renflouer la société Immobiliare dont les actifs européens appartiennent à un groupe bancaire régi par le Vatican. L’annonce du projet à Wall Street suscite la surprise puis la convoitise et l’opposition. Elles déclenchent, de 1979 à 1982, une série sanglante de règlements de comptes, aux USA (à Atlantic City et à New-York) puis en Europe (en Angleterre, en Sicile, à Rome et au Vatican).

Le Parrain III épilogue : la mort de Michael Corleone (Mario Puzo’s The Godfather Coda - The Death of Michael Corleone, USA 1990-2020) de Francis Ford Coppola comporte un nouveau montage qui correspondrait plus strictement, selon Coppola qui le présente en introduction, au scénario original du Parrain III (USA 1990) qu’il avait écrit en collaboration avec Mario Puzo, l’auteur du roman original publié aux USA en 1968 (traduit en français en 1972 pour les éditions Robert Laffont), adapté au cinéma par Le Parrain (USA 1972 dont l’action débute en 1945), matière aux deux suites Le Parrain 2 (USA 1974 dont l’action débute en 1959) et Le Parrain 3 (1990 dont l’action débute en 1979). Ce nouveau montage 2020 de la troisième partie de la trilogie est-il meilleur que son montage original de 1990 ? Voyons d’abord en quoi il consiste.

Ce nouveau montage 2020 modifie son début et sa fin mais il concerne aussi certains éléments intermédiaires. Par rapport à la version la plus longue connue (170 min. environ) du métrage de 1990, sa conséquence est une réduction à 158 min. : environ douze minutes de moins. Mathématiquement, ce n’est pas grand chose ; dramaturgiquement et cinématographiquement, ce n’est pas rien. Il faut d’ailleurs savoir qu’il y a eu plusieurs versions cinéma et TV de la troisième partie, exploitées entre 1990 et 2020 : ce montage 2020 est le plus bref et le plus elliptique de tous ceux visionnés jusqu’à présent.

Le début du film est assez considérablement modifié.

Le début de Le Parrain 3 montrait la villa du Nevada (dans laquelle s’ouvrait et se refermait l’action du titre de 1974), théâtre de souvenirs maudits, désormais abandonnée et laissée au vent, aux mauvaises herbes, aux feuilles mortes. Afin que tout le monde saisisse le lien narratif, le cinéaste n’avait pas craint d’y surajouter, de manière très classique, certains plans -souvenirs de 1974 provenant des séquences de l’assassinat de Fredo sur le lac et de la réaction de Michael à son accomplissement. Ce début saute totalement dans cette version remontée 2020. Et la cérémonie montrant, dans une église catholique de New-York, l’ordre de saint Sébastien conféré à Michael Corleone, saute également, remplacée par l’admirable séquence de la première discussion d’affaire au Vatican (entre Michael, son conseiller financier, et l’archevêque) qui se trouvait, dans le métrage initial, au début de la seconde partie du film. Ce remontage n’est pas bête : on entre immédiatement dans le vif du sujet mais il induit un défaut, la perte d’une information essentielle puisque cette cérémonie était le point de départ de la relation entre Corleone et le Vatican. C’était elle qui motivait la lettre adressée par Michael à Kay et à leurs enfants devenus adultes. Le dialogue en pâtit inévitablement : Kay assure à Michael, durant leur première entrevue, qu’elle considère cette cérémonie comme une infamie mais, dans cette nouvelle version 2020, ni elle ni le spectateur n’y ont assisté ! On ressent donc, à ce stade, une véritable lacune que seule la vision de la version intégrale de 1990 peut combler.

Le Parrain - 3ème partie (Épilogue - La Mort de Michael Corleone)

Dans la suite du film, signalons la suppression de deux séquences (celle dans la chapelle entre Vincent, Connie et le garde du corps Al Neri, celle de l’entretien à la clinique entre Don Altobello et Michael) qui ralentissaient un peu le rythme de l’action : leur suppression ne modifie aucun élément nécessaire à la compréhension de l’intrigue générale. Mentionnons aussi quelques suppressions de plans durant la réception au cours de laquelle Mary remet une donation de la Fondation Corleone à l’archevêque, remplacés par des plans de Michael, afin de mieux centrer l’attention sur lui. Inversement, mentionnons des plans rajoutés : le plan de Connie s’exclamant que le diabète est la maladie responsable de la crise de Michael dans la cuisine; le plan sanglant détaillant la blessure infligée par Calo à Lucchesi et qui augmente le niveau de violence graphique. Enfin, les autres modifications consistent en coupes de plans isolés, y compris de plans comportant des dialogues parfois intéressants : par exemple, celui du représentant du Hamilton Group assurant que ses associés catholiques s’opposent à la participation de Corleone comme actionnaire majoritaire durant la présentation du projet Immobiliare ou bien encore celui (dont je regrette vraiment la suppression car il était très intéressant et inattendu) où Don Altobello s’adressait directement à la caméra (donc à nous) après qu’il ait présenté Vincent à Lucchesi.

Concernant la fin, les modifications sont assez remarquables.

Est coupé le plan de Michael Corleone en train de mourir puis de s’écrouler : cette coupe est, à mon avis, absurde pour trois raisons. D’abord parce que le plan de Michael mort, son cadavre flairé par des chiens, renvoyait par un effet de boucle à celle de la mort de son père (dans le premier titre de 1972) examiné curieusement par un enfant d’abord inconscient puis effrayé. La boucle était bouclée et le fils mourait, d’une certaine manière, comme le père. Ensuite parce que ces morts illustraient les antiques proverbes grecs, romains et médiévaux sur la vanité des êtres humains inévitablement fauchés par la mort, égalisant riches et pauvres dans une commune et lamentable condition : les Siciliens étant les héritiers directs de la civilisation antique grecque, romaine et médiévale, on pouvait voir dans les conditions matérielles de ces deux morts, le reflet de cette antique sagesse. Enfin parce que cette coupe contredit le sous-titre de cette nouvelle version 2020 : pourquoi baptiser ce remontage « la mort de Michael Corleone » si on ne l’y voit plus vraiment mourir ? Coppola répondrait peut-être qu’on devine qu’il va mourir mais alors, dans ce cas, pourquoi ne plus le montrer ? L’idée de la mort et la vision de la mort ne sont pas la même chose.

Autre coupe à la fin : au lieu des trois souvenirs de danse (danse de Michael avec sa jeune épouse sicilienne vers 1945, danse de Michael avec Kay vers 1959, danse de Michael avec Mary en 1979), seul celui de la danse avec Mary est conservé : pourquoi ? Ces trois souvenirs, enchaînés en 1990 par un élégant montage, matérialisaient l’unité des trois récits en les centrant, la durée de quelques secondes, dans une mémoire individuelle (celle de Michael) comme dans celle du spectateur ayant visionné la trilogie. Cette version 2020 détruit cet effet trilogique en effaçant les deux premiers souvenirs. Et elle le détruit sans aucun profit particulier pour l’action ni pour le spectateur : c’est, à mon avis, une pure perte.

Enfin, un curieux ajout consistant en un plan de texte écrit sur fond noir, juste avant le générique final. Il comporte la citation d’une expression sicilienne (« Cent’ anni ! ») et son commentaire (ce qu’elle signifie puis la remarque qu’un Sicilien n’oublie jamais). Je ne comprends ni le rapport entre l’explication de l’expression et la remarque sur la mémoire, ni le rapport de l’ensemble de ce texte avec la trilogie, mis à part le fait qu’on ait effectivement entendu, à une ou deux reprises, cette expression employée durant les grandes réceptions données dans les trois films. Sinon absurde, cet ajout final m’apparaît dispensable, faute d’être clairement compréhensible.

Le Parrain - 3ème partie (Épilogue - La Mort de Michael Corleone)

En somme, cette version 2020 remontée du film de 1990 me semble pratiquement inutile et sans intérêt, sauf pour les cinéphiles qui se feront un devoir de la posséder afin d’avoir l’intégralité des diverses versions distribuées et exploitées. Ce nouveau montage 2020 sera, de toute manière, certainement intégré à une future édition intégrale de la trilogie en UHD, aux côtés du montage original de 1990.

Les qualités essentielles du film original de 1990 sont cependant maintenues. Le Parrain 3 demeure, en effet, un des films noirs policiers américains les plus stupéfiants de la décennie 1980-1990, pour deux raisons majeures : l’ambition historique de son scénario d’une part, ses recherches formelles d’autre part.

Ambition historique d’abord, car le sujet est inspiré par le scandale de la banque Ambrosiano (dont l’actionnaire majoritaire était la banque du Vatican) qui aboutit, le 18 juin 1982, à sa faillite et à la découverte du corps, pendu sous un pont londonien, de son directeur Roberto Calvi. Un plan célèbre, celui montrant le cadavre du banquier ― qui porte dans le film un nom différent et possède une nationalité différente puisqu’il est censé être suisse ― joué par Helmut Berger, pendu sous un pont, constitue l’unique allusion faite par Puzo et Coppola à l’histoire authentique. Il faut cependant préciser que la datation mentionnée dans le film est, de toute évidence volontairement, erronée. Les dates réelles concernant le décès du pape Paul VI (mort le 6 août 1978) et le pape Jean-Paul 1er (mort le 28 septembre 1978) ne coïncident pas avec les coupures de presse brièvement filmées, indiquant 1980. L’une d’entre elles indique même 1990 (visible vers 95 min. 30 sec.) mais je pense qu’il s’agit là d’une simple erreur technique car toutes les autres indiquent 1980 qui est, encore une fois et de toutes manières, une date erronée du point de vue historique. Cette erreur n’était pas visible en projection cinéma : c’est la vidéo (Full HD car l’ancienne vidéo SD n’avait pas une définition suffisante) qui permet vraiment de la repérer. Cette ambition prolonge, en tout cas, de toute évidence celles qui étaient déjà clairement visibles dans Le Parrain 2 (notamment sa reconstitution spectaculaire de la chute historique du général Fulgencio Bautista en 1959 à Cuba) et dans Le Parrain (description sociologique assez affinée des USA et de la Sicile dans les années 1945-1950). Un détail historique intéressant concernant l’armement léger : parmi les armes d’épaule, la plus spectaculaire (et la plus inattendue, compte tenu de l’époque à laquelle se déroule l’action) est la carabine italienne Carcano M91 / modèle 1938 que le redoutable tueur Mosca (joué par Mario Donatone) n’a pas le temps d’utiliser pour abattre Michael. C’est le modèle de cavalerie qui fut en service durant toute la Seconde guerre mondiale. Sa version courte, munie d’une lunette, fut utilisée en 1963 pour abattre le président John F. Kennedy à Dallas (USA, Texas). Ces deux carabines, version longue et version courte, chambrent la même cartouche au calibre 6,5x52mm, réputé pour sa haute précision.

Ambition formelle ensuite, car la dernière partie de Le Parrain 3 est une assez stupéfiante amplification des dernières parties du Parrain et du Parrain II qui consistaient structurellement à croiser au montage une action finale manifestement innocente (cérémonie d’un baptême en 1972, contemplation d’un lac en 1974) avec une série de meurtres coordonnés en autant d’exécutions, à l’efficacité presque militaire, accumulant au final une terrifiante violence graphique. En 1990, c’est l’opéra Cavalleria rusticana (1890) de Pietro Mascagni qui est utilisé comme toile de fond dynamique, conférant une dimension encore plus spectaculaire à l’ensemble, sans oublier une fragmentaire et pointilliste mise en abîme (Vincente se reconnaît dans un des personnages). Cet aspect théâtre dans le théâtre, opéra dans l’opéra, spectacle dans le spectacle révélant la vérité de sa représentation, confère une authentique profondeur réflexive au film. Elle est intelligemment distillée (par de simples détails intelligemment mis en relief comme ce prêtre adjoint qui allume la cigarette de l’archevêque avec une discipline évoquant davantage une hiérarchie séculaire qu’une hiérarchie ecclésiastique) puis démultipliée en autant de scènes-choc (la procession de la Vierge Marie où une partie des processionnaires se révèlent être des assassins) jusqu’à cette ultime partie franchement virtuose et baroque. En regard, les aspects relevant du roman-photo (amour confirmé de Kay pour Michael, liaison quasi-incestueuse de Vincente avec Mary) ou du spectacle attendu et fonctionnel (l’assassinat groupé des parrains à Atlantic City) pèsent peu de poids : on peut d’ailleurs encore y relever de beaux instants et des idées intéressantes.

Bref, qu’il s’agisse de la version originale cinéma 1990 ou de cette nouvelle version remontée 2020, Le Parrain 3 demeure indispensable à qui s’intéresse à l’histoire du film noir policier américain. Serge Daney (1944-1992) se plaignait, peu de temps avant sa mort, dans un entretien télévisé, que le niveau de la critique cinématographique française fût devenu si bas qu’il se sentait, pour sa part, obligé de défendre Le Parrain 3 alors que, ajoutait-il finement, il se serait bien défendu tout seul quelques années plus tôt. Son fantôme peut être aujourd’hui rasséréné : Le Parrain 3 est assurément devenu ce qu’il ambitionnait évidemment d’être dès sa première exploitation de 1990 : un objet filmique pur, en effet passible de la critique la plus attentive et la plus exigeante à la fois. Cette trilogie 1972-1974-1990 constituant dans son ensemble un diamant noir dont les brillantes facettes, aux reflets parfois franchement shakespeariens, n’ont pas encore livré tous leurs secrets.

Le Parrain - 3ème partie (Épilogue - La Mort de Michael Corleone)

Présentation - 4,0 / 5

1 Blu-ray 50 Paramount édité le 08 décembre 2020. Format 1.85 couleurs compatible 16/9, Dolby True HD VOSTF 5.1. + VF d’époque Dolby Digital 5.1. + une vingtaine de versions sonores et sous-titres en langues orientales et occidentales. Durée du film : 158 min. environ. Chapitrage très réactif et rapide, très affiné. Supplément : introduction du cinéaste Francis Ford Coppola. NB : outre un nouveau titre attribué au film et à la jaquette, le copyright au verso du boîtier Paramount est modifié : 2020 et non plus 1990. Les illustrations de la jaquette (strictement identiques à celle de la jaquette américaine) permettent cependant au connaisseur de constater immédiatement qu’il en est présence du Parrain III, même avec un nouveau montage et même sous un nouveau titre.

Bonus - 1,0 / 5

Introduction de Francis Ford Coppola (VOSTF, durée 1 min. 30 sec. environ) : Coppola remercie Paramount, à l’occasion du trentième anniversaire du film, de lui avoir permis de remonter Le Parrain 3 et d’avoir distribué ce nouveau montage qui correspondrait plus rigoureusement à la continuité dialoguée du scénario original qu’il avait écrit avec Mario Puzo. Les changements portent essentiellement sur le début et la fin mais comportent aussi des variations intermédiaires.

On aurait pu rajouter une galerie photos et affiches du Parrain III car cette section est très légère : d’ailleurs, cette introduction ne se trouve pas dans la section bonus mais au début de la lecture du film, en option. C’est exactement la même chose sur le Blu-ray américain.

Le Parrain - 3ème partie (Épilogue - La Mort de Michael Corleone)

Image - 5,0 / 5

Format original 1.85 respecté, en couleurs, compatible 16/9 Full Frame. Copie argentique en parfait état, très soigneusement restaurée à partir d’un nouveau scan 4K par les sociétés American Zoetrope et Paramount Pictures. Nouveau transfert vidéo Full HD 1080p à la définition remarquable, privilégiant légèrement le lissage par rapport au grainage mais je ne m’en plains pas car le surcroît de définition compense largement cela. La direction photo de Gordon Willis est reproduite avec une précision, y compris colorimétrique, d’un niveau inégalé en Full HD, prélude à une édition UHD de la trilogie qui verra le jour tôt ou tard.

Son - 5,0 / 5

VOSTF Dolby True HD Surround 5.1. (24 bit) + VF d’époque Dolby Digital Surround 5.1 AC3 + VOSTA anglaise pour sourds et malentendants. Une vingtaine de versions sonores et de sous-titres disponibles, en diverses langues orientales et occidentales. Il faut absolument privilégier la VO (quels que soient les ST sélectionnés) en raison du soin apporté à la diction, d’une part, et en raison de la sonorité inimitable des voix de certains comédiens, d’autre part : c’est notamment le cas de Sofia Coppola (rôle de Mary Corleone), de Raf Vallone (rôle du cardinal Lamberto), de Donal Donnelly (rôle de l’archevêque Gilay). Les STF adaptent parfois légèrement la VO au lieu de la traduire : « Friendship and money… oil and water » devient « L’amitié et l’argent ne font pas bon ménage ». Excellente répartition du rapport dialogues / musique / effets sonores, alliant la puissance à la subtilité dans la moindre séquence. Musique de Carmine Coppola qui intègre des fragments importants de l’opéra Cavalleria Rusticana (1890) de Pietro Mascagni.

Crédits images : © Paramount Pictures, Zoetrope Studios

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 28 janvier 2021
Nouveau montage 2020 du "Le Parrain III" (USA 1990) de Francis Ford Coppola, ultime volet de la plus célèbre trilogie de l’histoire du film noir policier américain, adaptée du roman original de Mario Puzo.
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Giuseppe Salza
Le 14 mai 2014
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