Le Cinquième commando (1971) : le test complet du Blu-ray

Film de guerre constituant un cas d’école : la moitié environ du métrage provient d’un film antérieur.

Afrique du Nord, Lybie 1943. Le capitaine Forster, officier britannique germanophone, infiltre et prend le contrôle d’un détachement allemand motorisé en plein désert, à l’aide de ses prisonniers anglais. Il attaque ensuite la base du général Rommel à Tobrouk.

Le Cinquième commando (Le 5ème commando / Raid on Rommel, USA 1971) de Henry Hathaway (1898-1985), tourné en trois semaines au Mexique durant le mois de juillet 1970, est un cas d’école dans l’histoire du cinéma.

À l’origine prévu pour être un téléfilm, Universal décida de l’améliorer et de le sortir au cinéma. Environ la moitié du métrage ― toutes les scènes spectaculaires mais pas seulement elles, pas mal d’autres plans aussi ! ― fut empruntée à une production Universal antérieure bien plus luxueuse, à savoir Tobrouk, commando pour l’enfer (Tobrouk / Tobruk, USA 1966) d’Arthur Hiller. L’acteur Richard Burton ― qui a conservé un journal détaillé du tournage, selon lui un des plus brefs mais des plus démentiels auxquels il ait participé ― se fit teinter les cheveux en blond afin que Hathaway puisse réutiliser certains plans d’ensemble durant lesquels apparaissait de loin George Peppard en 1966. On peut dire que c’est une relative prouesse de montage car le film d’Hathaway réussit néanmoins à être original et à tenir sur ses jambes : les angles sont souvent raccords (pas toujours cependant) entre plans rapportés et nouveaux plans. Le monteur réussit à récupérer une scène où George Peppard se glissait sous un tank afin d’y installer une mine ventouse mais, afin de faire croire que la prouesse est exécutée par Richard Burton, les deux ou trois plans montrant le visage de Peppard dans la séquence originale de 1966 sont soigneusement coupés. L’intérieur du char qui attaque le dépôt d’essence est filmé en 1970 avec Burton dedans, les extérieurs de l’attaque sont tous de 1966. Lorsque Richard Burton utilise un lance-flamme, le contrechamp date de 1966. Tout le reste est à l’avenant.

Une ruse assez cruelle et intelligente ouvre le film; on note quelques effets de montage sonore de style un peu Nouvelle vague (un soldat entend juste avant de mourir une voix féminine un peu érotique, un autre entend un fragment de messe en latin pendant qu’il est brûlé vif au lance-flamme) sans oublier l’introduction d’une séduisante Italienne mi-contestataire mi-droguée (totalement anachronique car son apparence vestimentaire et physique date bien davantage de 1970 que de 1943). Tels sont les maigres apports de ce remake pour le reste assez fidèle, et pour cause ! Le public ne s’y laissa pas vraiment prendre et le film n’eut aucun succès financier. Il fut totalement retiré des écrans de cinéma à peine 9 mois après sa sortie en exclusivité.

Sur le plan de l’histoire du cinéma, il est probable que la Universal avait choisi de confier la réalisation au vieux routier Hathaway car elle l’employait alors et il avait autrefois signé Le Renard du désert (USA 1951) qui était consacré à la vie du général allemand Rommel (1891-1944). Elle confia peut-être aussi le rôle vedette à l’acteur Richard Burton (1925-1984) en souvenir de son rôle antérieur dans Les Rats du désert (USA 1953) de Robert Wise, film de guerre classique consacré à la bataille d’Afrique du Nord des années 1941-1942. L’acteur Wolfgang Preiss (1910-2002) ― le dernier grand interprète du Docteur Mabuse pour l’ultime film de Fritz Lang en 1960 ― qui incarne ici Rommel avait déjà joué plusieurs rôles d’officiers allemands avec un panache remarqué en 1964 pour le cinéaste John Frankenheimer et en 1965 pour le cinéaste Mark Robson.

1 Combo Blu-ray BD25 multirégions ABC + DVD9 édité par Eléphant Films le 26 janvier 2021. Image Full HD (sur Blu-ray) au format 2.35 compatible 16/9, 1920 x 1080p AVC (sur Blu-ray). Son VOSTF en DTS-HD Master Audio Mono 2.0 (sur Blu-ray) ou Dolby Digital 2.0 (sur DVD). Durée du film 100 min. environ (sur Blu-ray). Suppléments : bandes-annonces. Seul le Blu-ray a été reçu, donc testé. La jaquette écrit le « cinquième » du titre en lettres mais sur les affiches françaises d’époque, il était orthographié numériquement : Le 5ème commando.

Présentation du film par Laurent Aknin (durée 10 min. environ) : elle fournit les informations essentielles sur la genèse et l’exploitation du titre, sa situation dans l’histoire du cinéma de la période 1960-1970, son rapport au film de 1966. Quelques raccourcis un peu hâtifs cependant : le rapport cinéma-télévision n’a pas débuté en 1970; il existait depuis 1950 (John Frankenheimer, Arthur Hiller, Arthur Penn et bien d’autres cinéastes des années 1960 avaient débuté comme cinéastes TV dans les années 1950). Le rapport Hollywood / Nouvel Hollywood est une formule commode mais déjà utilisée dans les années 1960-1970 par les revues françaises de cinéma, précisément pour désigner l’influence esthétique des cinéastes issus de la TV ayant intégré Hollywood. Enfin Universal avait produit des superproductions dès 1970 (au moins mais on pourrait remonter plus haut sans difficulté) afin de concurrencer efficacement la TV par le grand spectacle, sans attendre 1975. Le Renard du désert (USA 1951) de Henry Hathaway et Les Rats du désert (USA 1953) de Robert Wise n’ont pas été tournés « un peu avant » celui de Hathaway mais presque vingt ans avant. Les productions italiennes de guerre de série B des années 1965-1975 semblent citées avec un soupçon de mépris : certaines ne le méritent pourtant pas mais reconnaissons qu’en 10 minutes, on ne peut pas tout dire.

Bande-annonce originale : recadrée plein cadre 1.37, VOSTF, image aux couleurs délavées par le recadrage.

Bandes-annonces de films de guerre édités par Eléphant film  : on doit les diviser en deux sections, les films-annonces d’époque ayant valeur documentaire d’histoire du cinéma (par exemple celui avec Audie Murphy) et de sa section d’histoire de l’exploitation d’une part, ceux montés par Eléphant aujourd’hui d’autre part. État argentique et vidéo très inégal concernant les films-annonces originaux, excellent concernant ceux montés par Eléphant à partir du master restauré.

Édition spéciale très légère mais comportant une présentation. Pour ma part, j’aurais préféré avoir une galerie affiches et photos. Le cinéphile anglophone pourra en savoir nettement plus s’il visionne l’édition américaine Kino Lorber sortie en 2020, car elle comporte un véritable commentaire audio animé par deux historiens, ainsi qu’un entretien avec l’acteur Clinton Greyn.

Format 2.35 couleurs, compatible 16/9, Full HD sur Blu-ray. Copie argentique en très bon état, excellente numérisation. On repère souvent les séquences provenant du film de 1966 par le fait que leur texture argentique, leur colorimétrie, leur émulsion sont légèrement différentes de celles de la pellicule de 1971. Il arrive aussi que certains plans de 1966 soient légèrement recadrés au sein du métrage de 1971, ce qui nuit à leurs couleurs et à leur définition : modification effectuée au tirage et en laboratoire en 1971, simplement enregistrée par le master numérique de 2021.

VOSTF mono DTS-HD Dual Mono 2.0 (sur Blu-ray) et Dolby Digital Dual Mono (sur DVD) + VF d’époque : offre complète pour le cinéphile francophone. Dialogues, musique et effets sonores de la VO sont nets et très dynamiques. La VF d’époque est en bon état technique. Durant la première partie, le cinéphile reconnaîtra des fragments reprenant la ligne mélodique de certains moments de la partition composée par Gerald Fried pour le remarquable film de guerre Trop tard pour les héros (Too Late the Heroes, USA 1970) de Robert Aldrich qui était sorti en mai 1970 aux USA.

Crédits images : © Universal Pictures