Fernando Di Leo - La Trilogie du milieu (1973) : le test complet du Blu-ray

Milano calibro 9 + La Mala ordina, La + Il Boss

Réalisé par Fernando Di Leo
Avec Gastone Moschin, Barbara Bouchet et Mario Adorf

Édité par Elephant Films

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Le 03/05/2021
Critique

Trois films noirs policiers italiens violents, signés par un des meilleurs cinéastes de l’âge d’or du genre (1970-1980).

Fernando Di Leo - La Trilogie du milieu - Le Boss

Ces trois films noirs policiers violents italiens produits par Armando Novelli et réalisés par Fernando Di Leo (1932-2003) ― d’abord scénariste de l’âge d’or du western italien de 1964 à 1968 avant de passer à la mise en scène sous son propre nom ― illustrent bien la manière dont le genre était servi au tournant des années 1970. Cinéma d’exploitation, en apparence engoncé dans un cahier des charges et une tradition s’opposant à l’innovation mais (ce n’est pas si paradoxal que cela peut le sembler) favorisant néanmoins la création et l’inspiration la plus libres, voire même occasionnellement le délire le plus surréaliste. La preuve ici par trois : examinons chacune d’entre elles.

Milan calibre 9 (Milano calibro 9, Ital. 1972) de Fernando Di Leo avait eu les honneurs de la Cinémathèque française sous les auspices de Jean-François Rauger. Ce n’est pas le premier thriller important de Di Leo dont la filmographie comporte notamment un remarquable La Jeunesse du massacre (I Raggazzi del massacro, Ital. 1969) avec Pier Paolo Capponi en vedette, déjà adapté d’une oeuvre littéraire de Giorgio Scerbanenco. Cela dit, on sait que le scénario de Milan calibre 9 emprunte ici non seulement à l’oeuvre homonyme mais à d’autres écrits de Scerbanenco et on sait aussi que le personnage principal joué par Gastone Moschin fut inventé par Di Leo. L’ouverture du film est d’une grande puissance plastique : pratiquement sans dialogue, montée et photographiée avec une belle nervosité. Le personnage de femme fatale composé par Barbara Bouchet (qui avait été mise longtemps sous contrat par le producteur-réalisateur Otto Preminger mais avait quitté Hollywood pour l’Italie où elle avait entamé une seconde carrière) est bien exploité : les décadrages filmant sa danse demeurent spectaculaires et contribuèrent considérablement au succès du titre. Mais, contrairement à ce que déclare Di Leo à propos de son oeuvre policière noire, on n’est pas du tout ici en présence d’une oeuvre réaliste : concernant l’attaque menée par Philippe Leroy contre le gang, le comédien l’avait d’ailleurs fait lui-même remarqué à Di Leo. Je ne crois pas à la vérité des conversations politiques entre l’inspecteur de police et son collègue : outre leur aspect théâtral, on sent qu’elles ont été écrites à l’intention de la fraction de la critique qui pouvait y être sensible, comme pour justifier le film à leurs yeux. La prestation caricaturale de Lionel Stander n’est pas davantage réaliste : elle est caricaturale et conventionnelle à la fois. Film noir policier violent, au total inégal mais attachant par certains de ses aspects et qui mérite assurément d’être redécouvert. La version intégrale italienne VOSTF dure 102 min., la VF d’époque dure 96 min. environ. Il faut donc privilégier la VOSTF pour rendre justice au film. On apprend dans les suppléments que la fin originale fut sévèrement coupée par la censure italienne qui lui reprochait son excès de violence.

Fernando Di Leo - La Trilogie du milieu - Milan calibre 9

Passeport pour deux tueurs

(La Mala ordina / The Italian Connection, Ital.-RFA 1972) de Fernando Di Leo se situe chronologiquement entre les deux autres titres. Il ne fut peut-être exploité qu’en VHS chez nous sans passage par une sortie cinéma (ou alors si brève et si tardive qu’elle n’est pas répertoriée dans les divers répertoires et index des saisons cinématographiques) car les distributeurs français de l’époque le jugèrent moins bon que les deux autres titres. Il demeure occasionnellement savoureux en raison de la rudesse de ses scènes d’action et d’un casting curieux (Mario Adorf en proxénète accablé par le destin et devenant un anti-héros, Woody Strode en gangster censé avoir été ancien combattant en Italie). La présence d’Henry Silva et de Woody Strode témoigne de ce qui deviendra une constante du genre durant son âge d’or 1970-1980 : la présence d’un ou deux acteurs américains au casting afin de faciliter les ventes à l’étranger, y compris la distribution aux USA. Certains distributeurs américains remontaient en effet les films italiens afin de les faire passer pour américains : c’était encore plus aisé si de véritables acteurs américains figuraient au casting.

« Lorsque le parrain lance un contrat sur toi, il n’y a plus d’endroit au monde pour te cacher ! » affirme le slogan d’une des affiches américaines d’époque. Milan et sa banlieue servent de toile de fond à de spectaculaires poursuites (filmées avec un grand nombre de plans qui les rendent encore plus haletantes) et à des règlements de comptes sur fond de guerre internationale des gangs à cause du vol d’une cargaison de drogue. L’ensemble demeure, en dépit de quelques effets de mise en scène, assez attendu, voire platement conventionnel mis à part la trajectoire étonnante du personnage joué par Adorf, trajectoire assez irréaliste et fantasmatique, au demeurant. C’est peut-être cet étrange alliage de réalisme et de caricature fantasmatique qui intéressa et séduisit le cinéaste Quentin Tarantino. On ne croit pourtant ni au parrain new-yorkais ni au parrain milanais ni à certains de leurs hommes de main qui sont parfois conventionnels au point d’en être caricaturaux. Les séquences mettant en scènes des filles hippies « libérées », faisant l’amour nues sous des affiches de Karl Marx et de Albert Einstein, sont grotesques, mi-parodiques mi-méprisantes. Casting féminin intéressant pour le connaisseur et l’amoureux du cinéma-bis italien de l’époque : Femi Benussi (super-sexy en prostituée racée, colérique, peureuse, avide de réussite sociale mais bête), Sylva Koscina (en ancienne prostituée acceptant l’argent de son ancien proxénète dont elle a une petite fille, intelligente mais condamnée à mort par le destin), Lucianna Paluzzi (en hôtesse d’accueil consciente d’être aux confins de deux mondes et de deux gangs rivaux mais inconsciente qu’elle en mourra) : rien que pour ces trois actrices, à voir sans regret.

Fernando Di Leo - La Trilogie du milieu - Passeport pour deux tueurs

Le Boss (il Boss, Ital. 1973) de Fernando Di Leo, adapté d’un roman américain, est le titre majeur de ce coffret. Lui aussi avait eu les honneurs de la Cinémathèque française. Titre majeur sur le plan thématique : on se souvient que Le Parrain (USA 1972) de Francis Ford Coppola et Cosa nostra (Fr.-Ital. 1972) de Terence Young venaient de remporter un tel succès financier que le thème de la mafia devenait non seulement franchement abordable mais populaire et donc exploitable. Lorsque Salvatore Giuliano (Ital. 1962) de Francesco Rosi, le meilleur film probablement jamais consacré au sujet, avait été produit, son style et sa syntaxe héritaient volontairement du mystère de son sujet et confinaient parfois au cinéma expérimental le plus formellement recherché. C’est l’inverse que veut Di Leo dix ans plus tard : sa narration est ― comme l’est la même année celle du non moins remarquable Les Grands fusils (Big Guns (Les Grands Fusils), Ital.-Fr. 1972) de Duccio Tessari ― directe, frontale, brutale sur le fond comme sur la forme. Elle est adaptée à un public populaire de série B : celui qui a toujours fait triompher au box-office le genre du film noir policier depuis les origines du cinéma muet à nos jours, sans attendre cet âge d’or violent du film noir italien (1970-1980). L’ouverture spectaculaire du film utilise l’invasion économique de l’Europe par la pornographie (depuis les années 1965 en format 8mm et S8mm, ici au format 16mm mais qui sera bientôt lui-même remplacé par le format 35mm) et y assimile le milieu. Di Leo parlait d’or car il avait flirté avec l’érotisme aussi loin qu’il le pouvait deux années plus tôt dans Les Insatisfaites poupées érotiques du docteur Hichcock (La Bestia uccide a sangue fredo, Ital. 1971) avec Rosalba Neri et Klaus Kinski. (*) Di Leo revendiquaait en outre la conception du personnage de la fille étudiante droguée et libérée, reniant les valeurs de son père mais prise dans un étau qui finit par la broyer elle aussi.

En dépit de ces innovations sociologiques saisissant très bien l’air du temps (au point qu’un député croyait avoir servi d’inspiration à un des personnages) et d’un style baroque brutal parfois irréaliste, l’ambition de Di Leo rejoint celle du réalisme pointilliste Francesco Rosi dix ans plus tôt : les discussions sont d’une importance structurelle aussi déterminante que l’action meurtrière en 1962 comme en 1973. Le plan final du film de 1973 (constatation, finalement assez inhabituelle, d’une permanence authentiquement structurelle) classe aussi Le Boss un cran au-dessus de la simple série B. Ses recherches formelles occasionnelles (notamment les décadrages) sont visuellement très efficaces et techniquement souvent raffinées. Lorsque le très beau SOS Jaguar : opération casseurs (Napoli violenta, Ital. 1976) de Umberto Lenzi était sorti sur les écrans français, un journaliste de la Revue du cinéma - Images & Son avait écrit qu’on était face au « Salvatore Giuliano du pauvre ». La formule sonnait bien (en dépit de son mépris injustifié car le cinéma de Lenzi était esthétiquement, dans son registre propre, aussi raffiné que celui de Rosi) mais elle conviendrait peut-être mieux à Le Boss. Mentionnons enfin qu’il n’y a pas de colossale différence entre la version intégrale italienne et la version française d’époque plus courte : quelques séquences érotiques comportent peut-être un peu plus de plans mais la structure d’ensemble n’est absolument pas modifiée.

(*) Les Insatisfaites poupées érotiques du docteur Hichcock est le titre cinéma d’exploitation de l’affiche française du distributeur Rex International Distribution. Contrairement à ce que laisse entendre Laurent Aknin dans sa présentation de la vie et de l’oeuvre de Di Leo, il n’y a jamais eu d’autre titre d’exploitation française au cinéma. Il fut, en revanche, effectivement exploité par le distributeur belge Cosmopolis Films sous le titre plus court (mais qui perdait l’allusion originale au personnage du docteur Hichcock rendu célèbre auprès des cinéphiles fantastiques par le diptyque de 1962-1963 réalisé par Riccardo Freda avec Barbara Steele) de Les Insatisfaites poupées érotiques. En VHS Secam en France, il fut commercialisé sous les titres (mieux inspirés) de Les Poupées sanglantes du Dr. X (chez l’éditeur VIP) / Les Poupées érotiques du professeur Hichcock (chez l’éditeur Farah Films). L’éditeur français BL Films avait édité, en 2006, le film sur DVD sous le titre médiocre et sans saveur La Clinique sanglante mais cette absence d’inspiration était compensée par le fait que le DVD présentait une version italienne de 90 min. accompagnée d’une version française (plus courte mais plus sexy) de 84 min. À quand une édition collector Blu-ray collector de ce titre intéressant de Di Leo, situé au carrefour du cinéma fantastique et du cinéma érotique ?

Fernando Di Leo - La Trilogie du milieu - Le Boss

Présentation - 5,0 / 5

1 coffret Eléphant Films, édité le 16 mars 2021, contenant 3 Blu-ray 50 régions ABC + 1 livret illustré de 52 pages par Alain Petit. Durées cinéma italienne originale des trois films : 101 min. environ pour Milan calibre 9, 97 min. pour Passeport pour deux tueurs, 111 min. pour Le Boss. Format 1.85 original respecté, Eastmancolor, compatible 16/9, Full HD. Son DTS-HD Master Audio 2.0 mono + VF d’époque mono. Suppléments : outre le livret imprimé, environ 3H de bonus vidéo comportant une présentation de Fernando Di Leo par Laurent Aknin + des documentaires italiens sur le cinéaste Fernando Di Leo, sur l’écrivain Giorgio Scerbanenco + des présentations des films par René Marx + des documentaires italiens sur les trois films + 1 galerie photos de Milan calibre 9, commentée par l’acteur Gastone Moschin + bandes-annonces de la collection.

Le menu de chaque disque s’ouvre par une présentation d’extraits des trois films de Di Leo, montés bout à bout : je recommande de la sauter avec la télécommande et de ne la visionner qu’après avoir vu chacun des trois films individuellement, afin de ne pas casser leur effet de surprise. Elle s’achève par une remarque d’ensemble de Quentin Tarantino, admiratif du style de Di Leo.

Livret (52 pages illustrées couleurs + N&B) La Trilogie du milieu par Alain Petit : il comporte une introduction au contexte historique, des souvenirs de l’exploitation du genre policier italien au cinéma en France en 1970-1980, une bio-filmographie commentée du cinéaste Fernando Di Leo, des fiches bio-filmographiques consacrées aux comédiens Henry Silva, Gastone Moschin, Mario Adorf, Lionel Stander, Adolfo Celi, enfin trois fiches techniques succinctes des trois films ici édités.

L’ensemble est bien illustré : quelques affiches sont reproduites pleines pages, comme celle de Le Conseiller (I Consigliori, Ital.-RFA-USA 1973) d’Alberto de Martino. J’aurais évidemment souhaité en voir davantage en pleine page (par exemple celle du film de Sergio Martino visible à la page 4 et qui demeure une des plus belles du genre). La mise en page des illustrations peut, à l’occasion, induire en erreur le lecteur pressé : La Jeunesse du massacre (I Ragazzi del massacro, Ital. 1969) est cité page 24 et la page 25 en regard est illustrée avec l’affiche de Vacanze per un massacro (Ital. 1980) tourné dix ans plus tard avec Joe Dallessandro. Étant donné qu’on parle ensuite de ce titre de 1980 à la page 29, il aurait mieux valu la placer à côté de la page 29 : simple détail. Autre regret relatif à la mise en page  : les trois films composant cette « trilogie Di Leo » (qui n’en est en réalité absolument pas une : les trois histoires sont distinctes et Di Leo a tourné d’autres films noirs policiers avant et après ces trois titres) aurait chacun mérité, tout de même, une affiche reproduite pleine page.

Fernando Di Leo - La Trilogie du milieu - Milan calibre 9

Les filmographies sont pratiquement toutes sélectives et ne comportent en général qu’un titre français d’exploitation. Curieusement, Salvatore Giuliano (Ital.-Fr. 1962) de Francesco Rosi n’est pas cité dans le paragraphe consacré à ce cinéaste alors que c’est non seulement son chef-d’oeuvre mais encore un film annonciateur du genre dans son ensemble. Il l’est tout autant que Le Bossu de Rome (Il Gobbo, Ital.-Fr. 1960) de Carlo Lizzani, à peine mentionné en passant alors qu’il présente dès 1960 le bossu historique et authentique qui inspirera par la suite toute la série policière violente tournée dans les années 1975 avec l’acteur Thomas Milian. Sans oublier non plus le remarquable La Vengeance du Sicilien (Torino nera, Ital. 1972) du même Carlo Lizzani, qui manque à l’appel : Alain Petit ne pouvait certes pas tous les citer, j’en suis bien conscient, dans le cadre d’un simple livret. J’aurais tout de même mentionné, au moins pour mémoire, La Main noire (USA 1950) de Richard Thorpe qui décrivait d’une manière assez documentaire l’emprise de la mafia sur le quartier italien de New York au début du vingtième siècle, bien avant les célèbres sections consacrées à la jeunesse du parrain dans Le Parrain 2 (USA 1974) de F. F. Coppola, sections qui donnent d’ailleurs à l’acteur Gastone Moschin le plus rôle de sa filmographie.

Un point à discuter : celui de l’exploitation française du genre. Alain Petit brosse un tableau intéressant, très vivant (avec l’oeil du témoin de première main qu’il fut) de la situation des salles doubles-programmes durant la période 1970 à 1980 au cours duquel il assure que les titres policiers italiens violents produits en Italie entre 1970 et 1980 furent visibles en majorité non pas tant au cinéma qu’en VHS Secam à partir de 1978. Il faudrait établir un jour une liste de l’exploitation du genre en salles françaises de cinéma. Je conserve, pour ma part, le souvenir d’assez nombreux titres sortis au cinéma en doubles-programmes à Paris (notamment durant les saisons cinématographiques 1975-1979) : films de Stelvio Massi, de Sergio Martino, de Umberto Lenzi, de Massimo Dallamano et de bien d’autres cinéastes encore. Au total, des dizaines de films policiers italiens violents sortirent au cinéma chez nous, ne serait-ce que durant ces saisons cinématographiques 1975-1979. Il y eut certainement des « direct-to-vidéo » (sorties directes en VHS Secam sans passage par les salles de cinéma ni par la commission de censure du CNC) révélant au vidéaste francophone des inédits en salles. C’est certain et Petit a raison de le mentionner mais le nombre de titres accessibles en VHS Secam fut-il si largement supérieur, comme il l’affirme, au nombre de titres exploités en salles, sur l’ensemble des Saisons cinématographiques 1970-1980 ? Je n’en suis pas certain.

Signalons enfin, parmi quelques rares coquilles sans importance, un redoutable lapsus assez savoureux pour qu’il mérite d’être cité, situé à la page 45 : dans la fiche technique du second film de 1972, il faut lire non pas « musique : Armando Travaioli » (sic) mais Armando Trovajoli (parfois orthographié Trovaioli sur certains génériques, où le « i » majuscule remplace le « j »).

Fernando Di Leo - La Trilogie du milieu

Bonus - 5,0 / 5

L’ensemble, réparti sur les trois disques, est riche en suppléments qui proviennent, concernant les suppléments parlants italiens, de l’édition américaine Blu-ray RaroVideoUS sortie en 2012 aux USA. Les suppléments parlants italiens datent pratiquement tous de 2004 et étaient déjà visibles sur d’anciennes éditions DVD Pal zone 2 RaroVido italiennes, parues peu de temps après la mort de Di Leo (1932-2003). L’avantage étant qu’on les a sous-titrés en français (l’un d’eux est même sous-titré à la fois en français, en haut de l’image, et en anglais en bas de l’image). Examinons à présent les bonus dans l’ordre chronologique de production des trois films.

Suppléments de MILAN CALIBRE 9

Documentaire sur Milan calibre 9 (2004, VOSTF, 30 min. environ) : certains fragments proviennent du documentaire suivant sur Di Leo à moins que ce ne soit l’inverse ? Toujours est-il que certains passages figurent aussi dans le documentaire suivant. Le producteur Novelli, le réalisateur et scénariste Di Leo, le directeur de la photographie Franco Villa, le monteur Amedeo Giomini, le cinéaste Franco Lo Cascio alors assistant de Di Leo sur le tournage, le compositeur Luis Enriquez Bacalov et certains comédiens (notamment Barbara Bouchet et Philippe Leroy) sont convoqués et livrent leurs souvenirs de tournage. Ensemble très intéressant, riche en informations de première main et très vivant. Barbara Bouchet livre en outre une anecdote peu connue sur la technique de post-synchronisation qui vaut pour l’ensemble du cinéma-bis italien de l’époque.

Présentation par René Marx (2021, durée 23 min. environ) : le titre du film est tronqué de son chiffre 9 (mm) aussi bien au générique de cette présentation que sur le menu qui l’annonce. Un avertissement nous prévient de ne pas visionner cette présentation avant d’avoir vu le film, étant donné le nombre d’extraits de ce dernier qu’elle contient. Avertissement justifié. Ce n’est pas vraiment une présentation, au sens historique de ce terme. Il s’agit plutôt de quelques remarques critiques, d’une pertinence inévitablement inégale mais souvent intéressantes (par exemple sur la montée brusque et débridée de la violence dans la narration), sur certains aspects du film. Les extraits sont montés en alternance avec ou directement sur les remarques de Marx, rédacteur en chef adjoint à l’Avant-Scène Cinéma, la revue qui publia dans un de ses numéros le découpage intégral plan par plan du Le Cauchemar de Dracula (Dracula / Horror of Dracula, GB 1958) de Fisher, parmi bien d’autres titres classiques, à une époque où la vidéo n’existait pas encore et revue qui publia en outre de remarquables bio-filmographies de grands cinéastes, rassemblés en « anthologies du cinéma » par la suite (y compris en volumes reliés et richement illustrés lors d’un nouveau tirage dans les années 1980) dont une consacrée à Fisher par René Prédal.

Fernando Di Leo - la morale du genre (2004, VOSTF, 40 min. environ) : ce documentaire italien de Manlio Gomarasca convoque les témoignages des actrices Dagmar Lassander, Jenny Tamburi, des acteurs Howard Ross, Nino Castelnuovo et de Di Leo lui-même (filmé avant sa mort survenue en 2003 mais filmé quand précisément ? Je n’ai pas la réponse à cette question en lisant les informations fournies par les génériques italiens). C’est le supplément majeur de ce coffret car Di Leo s’y livre d’une manière assez sincère et l’ensemble de sa carrière y est illustrée. Nombreuses photos de tournages en illustration (y compris de très belles datant de l’âge d’or du western italien 1964-1968) et nombreux extraits de films parfois rares ou inédits en vidéo chez nous. Di Leo cite Homère, Voltaire, André Gide, Sigmund Freud et se revendique cinéaste réaliste (mais pas néo-réaliste, toutefois).

Giorgio Scerbanenco, maître littéraire du récit policier (2004, VOSTF, 26 min. environ) : des écrivains et des critiques italiens brossent un portrait littéraire assez dense, pointilliste et vivant de l’oeuvre assez ample de Scerbanenco. Il s’essaya à divers genres mais c’est celui-là qui maintient sa mémoire. Chacun des intervenants établit aussi un rapport assez précis entre son esthétique, sa thématique et celles de Di Leo qui avait entrepris de l’adapter à partir de 1969, année de la mort de Scerbanenco qui n’a donc jamais vu à l’écran les films de Di Leo inspirés par ses livres. Di Leo lui-même avait une formule qui résumait un peu leur rapport : en adaptant Scerbanenco, il le « Di Leonisait » !

Galerie photos commentées par l’acteur Gastone Moschin (2004, VOSTF, 3 min. 30 sec. environ) : quelques photos de plateau N&B sont l’occasion de souvenirs de tournage brièvement racontés au téléphone par Moschin. Une ou deux anecdotes savoureuses et un jugement élogieux sur son ami Mario Adorf. Une curieuse erreur de montage où figure une photo N&B de l’acteur américain Martin Balsam alors qu’il ne joue ni dans ce film-là ni dans les deux autres ! Balsam a joué dans quelques films policiers italiens au tournant des années 1970 mais pas dans ces trois-là.

Bande annonce originale (1972, VOSTF, 1.85 compatible 16/9 Eastmancolor, durée 3 min. 30 sec. environ) : excellente, faisant appel aux effets visuels les plus à la mode à l’époque, à savoir les équidensités, le passage du positif au négatif au cours du même plan, l’usage de la teinture monochrome sans oublier un montage ultra-soigné. C’est le seul des trois titres qui dispose d’une bande-annonce originale. C’est la seule bande-annonce originale proposée : elle donne envie de découvrir les deux autres, absentes.

Fernando Di Leo - La Trilogie du milieu - Milan calibre 9

Suppléments à PASSEPORT POUR DEUX TUEURS

Documentaire sur Passeport pour deux tueurs (2004, durée 20 min., VOSTF) : le producteur Novelli, le monteur Amedeo Giominin et le directeur photo Franco Villa (tous deux commentent notamment la poursuite en voiture et révèlent certains des trucs techniques qui permirent de la réaliser), l’assistant-réalisateur (devenu par la suite réalisateur lui-même) Franco Lo Cascio, quelques acteurs et, surtout, Di Leo lui-même (par conséquent filmé avant 2004 mais quand précisément ? Ce n’est pas indiqué au générique) sont convoqués pour livrer leur souvenirs sur la genèse, le tournage, la réception du film. Di Leo y réaffirme sa volonté de réalisme. Quelques jugements amusants de Di Leo à l’emporte-pièce sur les acteurs.

Présentation par René Marx (2021, durée 21 min. 30 sec.) : le même avertissement nous prévient de ne pas visionner cette présentation avant d’avoir vu le film, étant donné le nombre d’extraits de ce dernier qu’elle contient. Avertissement à nouveau justifié. Ce n’est pas vraiment une présentation, au sens historique de ce terme. Il s’agit plutôt de quelques remarques critiques sur certains aspects esthétiques du film. Les extraits sont montés en alternance avec ou bien directement sur les remarques de Marx. Bonne remarque sur l’évolution du personnage joué par Mario Adorf, son étonnante trajectoire dramaturgique. Marx rappelle en outre que Quentin Tarantino admirait ces trois film et de son admiration est né le terme de trilogie mais à tort, selon moi car les trois histoires sont nettement distinctes, leur style esthétique n’est pas homogène et, surtout, Di Leo a tourné des films noirs policiers violents avant et après ces trois titres. Ils ne partagent donc qu’une simple unité générique et thématique mais on aurait pu (et on l’a fait en Italie et aux USA) leur adjoindre d’autres titres de la filmographie de Di Leo.

Fernando Di Leo vu par Laurent Aknin (2021, durée 22 min. 30 sec.) : c’est une présentation historique et critique du cinéaste, de sa filmographie, de son évolution, de sa situation dans le cadre du cinéma-bis italien à la deuxième génération de laquelle Aknin précise avec raison qu’il appartient. Le novice commencera par ce supplément avant de visionner les autres. Nombreux extraits des trois films : ces extraits, qui illustrent aussi les présentations de Marx, me semblent, soit dit en passant, fondamentalement inutiles. J’aurais préféré disposer, à leur place, d’affiches, de photos d’autres films de Di Leo afin d’augmenter la documentation visuelle ayant valeur historique. Un point discutable : Aknin reprend la thèse d’Alain Petit selon laquelle les films italiens policiers violents de l’âge d’or 1970-1980 auraient été moins distribués en France au cinéma qu’en VHS. Pourtant, assez nombreux furent ceux qui sortirent sur les écrans français durant les saisons cinématographiques 1975-1980. Il suffit de consulter les Saisons cinématographiques (n° spéciaux annuels de la Revue du cinéma - Images & Son) pour en avoir confirmation. J’en ai personnellement vu en doubles-programmes dans les cinémas parisiens jusque dans les années 1985.

Dans la même collection : ce sont les mêmes trois extraits des trois films, déjà placés au début du menu principal de chaque disque et ici remis dans les bonus. Et qu’on ne cesse de revoir dans les présentations de Marx et de Aknin : on aurait pu nous les épargner ici (au profit d’autres bonus présents dans l’édition américaine mais absents ici).

Fernando Di Leo - La Trilogie du milieu - Passeport pour deux tueurs

Suppléments à LE BOSS

Présentation de Le Boss par René Marx (2021, durée 17 min. environ) : le même avertissement nous prévient de ne pas visionner cette présentation avant d’avoir vu le film, étant donné le nombre d’extraits de ce dernier qu’elle contient. Avertissement à nouveau justifié. Ce n’est d’ailleurs pas vraiment une présentation, au sens historique de ce terme. Il s’agit plutôt de quelques remarques critiques sur certains aspects du film. Les extraits sont montés en alternance avec ou directement sur les remarques de Marx. Bonne remarque sur le fait que le film n’a pas l’air d’être entièrement tourné à Palerme alors que l’action est censée s’y dérouler intégralement : René Marx a l’oeil car il a été effectivement tourné non seulement à Palerme mais aussi à Rome. Une dernière chose : ne dites pas à vos amis cinéphiles historiens ou philosophes que Le Boss est présenté par Marx. Ils ne le croiront que si vous précisez le prénom du présentateur.

Histoires de mafia ( 2004, VOSTF, durée 25 min. environ) : il s’agit d’un montage de souvenirs du tournage et de la réception critique et financière de Le Boss avec le cinéaste Di Leo, le producteur Novelli, les acteurs Gianni Garko, Pier Paolo Capponi et quelques autres comédiens. On le trouvait déjà sur l’édition DVD zone 2 PAL italienne Raro Video & Nocturno qui présentait un double programme Di Leo comportant ce titre. Image et son de qualité très moyenne mais le sous-titrage rendra l’ensemble accessible au cinéphile français. Anecdotes variées parmi lesquelles on peut retenir celle du député qui croyait s’être reconnu dans un personnage et qui menaça Di Leo de lui intenter un procès.

Bandes annonces (16/9, couleurs) : mais pas originales car il s’agit simplement d’une reproduction du petit montage par Eléphant films d’extraits des trois films, ceux qui ouvrent le menu principal de chacun des trois disques.

Ensemble riche en témoignages de première main et en analyses critiques intéressantes, comme on le constate.

Je signale qu’il existe plusieurs coffrets américains Full HD édités par Raro Video, sous le titre général de Di Leo Crime Collection. L’un d’eux, sorti en 2012, comportait 4 Blu-rays multirégions ABC (sans VF d’époque ni VOSTF) présentant ces trois titres ici édités par Eléphant films + un quatrième (inédit en France au cinéma comme en vidéo) : I Padroni della citta (Rulers of the City, Ital. 1976) avec Jack Palance en vedette. On aurait pu l’adjoindre à ce coffret Eléphant Films : c’était l’occasion rêvée de le faire découvrir au cinéphile français, d’autant plus que Di Leo cite ce titre à un moment de son entretien comme exemple de son réalisme en matière de film noir. Souhaitons que les autres volumes de la collection nous arrivent un jour en VOSTF accompagnée, lorsqu’elles existent, des VF d’époque.

Fernando Di Leo - La Trilogie du milieu - Le Boss

Image - 4,0 / 5

Format original 1.85 respecté en couleurs, compatible 16/9 (Full HD sur Blu-ray). Les trois copies argentiques sont en très bon état général et très bien nettoyées. Les masters sont très probablement les mêmes que ceux de l’édition américaine. Milan calibre 9 est doté d’un transfert privilégiant le niveau du grain et c’est celui qui restitue le mieux la palette colorimétrique de l’Eastmancolor original. Passeport pour deux tueurs est bien équilibré entre grainage et lissage mais quelques très rares images souffrent d’un gel d’une fraction de seconde, peut-être induit par un défaut de la pellicule au moment du télécinéma. C’était déjà le cas sur l’édition américaine. Le Boss privilégie le lissage et diminue un peu trop le niveau du grain : il est vrai que c’était déjà le cas de son ancienne édition DVD Pal zone 2 italienne Raro Vidéo & Nocturno. Son transfert Blu-ray ne change, de ce point de vue, pas vraiment la donne mais il augmente en revanche considérablement la définition : c’est la meilleure image disponible actuellement.

Fernando Di Leo - La Trilogie du milieu - Le Boss

Son - 4,0 / 5

DTS-HD Master Audio 2.0 mono en VOSTF italienne et en VF d’époque : offre complète pour le cinéphile francophone. Les VF d’époque sont des versions un peu plus courtes : seules les VOSTF respectives permettent de visionner la version vraiment intégrale. Les différences ne sont pas considérables, cela dit et le francophone allergique aux VOSTF peut parfaitement se contenter de la VF d’époque. La restauration du son des trois pistes originales comporte encore quelques légères distortions, crissements et souffle sur un ou deux plans mais l’ensemble est globalement propre et très dynamique.

Crédits images : © Cineproduzioni Daunia 70, Hermes Synchron

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 4 mai 2021
Trois films noirs policiers italiens violents signés par un des meilleurs cinéastes de l’âge d’or du genre (1970-1980).

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Fernando Di Leo - La Trilogie du milieu
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