Réalisé par Sergueï Soloviov
Avec
Stanislav Govoroukhine, Tatiana Droubitch et Sergueï Bougaïev
Édité par Extralucid Films
L’infirmière Alika arrive en hiver à Yalta avec son amant, le mafieux Krymov, mais s’éprend du pauvre musicien Bananan, qui, de jour, travaille comme gardien et, de nuit, comme chanteur dans un restaurant. Krymov, fou de jalousie, ordonne de poignarder Bananan.
Assa, le dixième long métrage du réalisateur et scénariste russe Sergueï Soloviov, est sorti en 1987, deux ans après le lancement par Mikhaïl Gorbatchev de la perestroïka, un train de réformes économiques et sociales, une remise en cause du modèle soviétique. Sergueï Soloviov a tourné une suite, vingt ans plus tard, 2-Assa-2.
Assa, en braquant les projecteurs sur l’art underground, fit plus de 18 millions d’entrées en URSS, un résultat qui peut surprendre vu l’aspect expérimental, parfois un peu déroutant, de la réalisation. À Yalta, sous la neige, il confronte deux personnages principaux atypiques. Krymov, le gangster, est un homme courtois et cultivé : sa lecture d’un ouvrage publié en 1985 par Natan Eidelman sur l’assassinat du tsar Paul I en 1810, interrompt çà et là, l’action principale pour nous ramener à Saint-Pétersbourg, à la cour de Russie. Tandis que les rêves de Bananan sont coloriés la main sur la pellicule.
Le film mélange les genres, une histoire d’amour, une histoire de meurtre, mais donne aussi une large place à la musique, ici au rock qui avait commencé à se faire entendre dans le courant des années 70. Et, avec tout ça, plusieurs coups de griffes au fonctionnement des institutions : Krymov, criminel notoire, n’est jamais inquiété, alors que Bananan est emprisonné parce qu’il s’entêtait à porter une boucle d’oreille jugée inconvenante !
Assa n’avait jamais été distribué en France. Extralucid Films permettra aux amateurs du cinéma russe, et à tous les cinéphiles curieux, de découvrir une oeuvre insolite, témoin d’un tournant important de notre histoire amorcé il y a 35 ans.
Assa (150 minutes) et ses suppléments (30 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 et sur deux DVD (un pour chacune des deux parties), logés dans un boîtier d’une surprenante épaisseur (24 mm), glissé dans un fourreau.
Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, en russe, avec sous-titres optionnels, au format DTS-HD Master Audio 2.0 mono.
Entretien avec Eugénie Zvonkine (26’). Sergueï Soloviov, enseignant au VGIK, l’école de cinéma de Moscou, réalisateur confirmé, est venu avec Assa à la rencontre de la mouvance underground, dont plusieurs oeuvres sont exposées dans ce « film-musée ». Il met en parallèle deux générations, celle de Krymov (interprété par le réalisateur Stanislav Govoroukhine), « traditionaliste », en train de disparaître pour faire la place à celle qui émerge, avec une soif de liberté ébranlant l’ordre établi, « rebelle, plus que révolutionnaire », incarnée par Bananan (interprété par Sergueï Bougaïev, alias Afrika, artiste d’avant-garde et musicien). Cette opposition annonce le basculement en train de s’opérer, que souligne la bande-son.
Un utile complément, d’une qualité à la hauteur des autres apports de cette spécialiste du cinéma des pays de l’Est à des films comme Leçons d’harmonie (Uroki garmonii, Emir Baigazin, 2013), Requiem pour un massacre (Idi i smotri, Elem Klimov, 1986) ou, plus récemment, Soy Cuba (Mikhail Kalatozov, 1964).
Karaoké (4’).
L’image (1.85:1, 1080p, AVC), très douce, mais soigneusement restaurée, a été débarrassée de toutes les marques de dégradation de la pellicule, avec un contrôle du grain respectueux de la texture argentique. Elle affiche des couleurs fraîches, bien étalonnées. Les noirs, manquant un peu de densité, tendent occasionnellement à se boucher dans les scènes les moins éclairées.
Le son DTS-HD Master Audio 2.0 mono, très propre lui aussi, restitue, dans un bon équilibre, les dialogues et la musique, composante importante de l’oeuvre.
Crédits images : © Krug, Mosfilm