Les Mains qui tuent (1944) : le test complet du Blu-ray

Phantom Lady

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Robert Siodmak
Avec Franchot Tone, Ella Raines et Alan Curtis

Édité par Elephant Films

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Le 15/06/2021
Critique

Film noir policier sur le thème de la criminalité psychopathologique, à l’esthétique parfois fantastique.

Les Mains qui tuent

New York, USA 1944. L’ingénieur Henderson est accusé du meurtre de son épouse. Les témoins qui pourraient l’innocenter mentent, ont disparu ou sont assassinés. En dépit de sa condamnation à mort, sa secrétaire et l’inspecteur de police ayant mené l’enquête ne croient ni l’un ni l’autre à sa culpabilité. Ils disposent de quelques jours avant son exécution pour mener une ultime investigation afin d’éclaircir le mystère et découvrir le véritable auteur des meurtres.

Les Mains qui tuent (Phantom Lady, USA 1944) de Robert Siodmak (1900-1973) est une adaptation d’un roman homonyme écrit par Cornell Woolrich alias « William Irish » (1903-1968). Ce double parrainage suffirait à le signaler comme un film noir intéressant mais il a, en outre, l’avantage de relever du cinéma fantastique en raison de la manière dont Siodmak met en scène le personnage du criminel psychopathe.

Un mot préalable sur le titre américain. La « phantom lady » manifeste est bien sûr Ann Terry, à un moment très ironiquement nommée par le dialogue « Miss Terry » (= « mystery », en phonétique anglaise), mais il y a une seconde « phantom lady » latente peut-être encore plus importante, à savoir l’épouse assassinée d’Henderson. Personne ne semble avoir remarqué, au demeurant, que le tableau qui la représente est doté du corps et du visage de la belle actrice Hillary Brooke dont c’était alors l’âge d’or filmographique à la Universal. Le mystère de l’intrigue est d’ailleurs réellement éclairci non pas lorsque Ann Terry est retrouvée mais bien lorsque la véritable personnalité de l’épouse d’Henderson est révélée.

Les Mains qui tuent

Bien sûr, c’est d’abord un film noir policier dont certains aspects relèvent de la veine documentaire du genre : on y montre en détails les techniques d’une enquête de police ; on y présente certains tenants et aboutissants du procès criminel débouchant sur la condamnation à mort d’un innocent. Mais, en réalité, l’ensemble de l’intrigue et sa dynamique ont pour principale finalité l’angoisse, la peur puis la terreur qui saisissent l’héroïne jouée par Ella Raines à mesure que la mise en scène la rapproche du fou meurtrier admirablement joué par Franchot Tone. L’année précédente, L’Homme léopard (USA 1943) de Jacques Tourneur, également adapté de Woolrich, avait déjà donné lieu à une même fondamentale contamination du genre film noir par le genre film fantastique, au bénéfice du second. Le cas se produira plusieurs fois dans la filmographie des adaptations de Woolrich lorsqu’il fut servi par des cinéastes aussi divers que Jacques Tourneur, Robert Siodmak, Umberto Lenzi. Dans le cas de Les Mains qui tuent, c’est Joan Harrison qui avait adapté le roman de Woolrich. Elle le proposa à Universal qui accepta qu’elle soit productrice associée : le scénariste crédité au générique s’occupa, en réalité, surtout des dialogues. Joan Harrison était déjà à cette époque une collaboratrice du cinéaste Alfred Hitchcock sur certains longs métrages : elle le demeurera par la suite, y compris de 1955 à 1965 concernant sa célèbre série TV Alfred Hitchcock présente. Robert Siodmak reviendra, pour sa part, au moins trois fois à cette thématique de la criminalité psychopathologique, la traitant d’une manière non seulement fantastique mais encore, à l’occasion, franchement expressionniste dans Deux mains, la nuit (The Spiral Staircase, USA 1945), La Double énigme (The Dark Mirror, USA 1946) et, enfin, dans Les SS frappent la nuit (Nachts, wenn der Teufel kam, RFA 1957).

Les Mains qui tuent

Un autre aspect séduisant de Les Mains qui tuent est son caractère régulièrement insolite qu’il suffirait de peu pour faire basculer dans le fantastique : l’inconnue mystérieuse et dépressive jouée par la mignonne Fay Helm ; le musicien probablement drogué joué par Elisha Cook Jr. ; la chanteuse brésilienne jouée par Aurora Miranda (soeur de l’actrice-chanteuse Carmen Miranda) refusant d’innocenter le héros par jalousie. Autant de figures baroques et bizarres qui subvertissent le réalisme du genre, y introduisant une inquiétude qui prélude à l’authentique épouvante de la grande scène finale dans l’atelier d’artiste. Certains cinéastes s’en sont parfois tenus à cet aspect insolite en adaptant Woolrich : on pourrait citer Arthur Ripley (1946), Alfred Hitchcok (1954) ou bien encore François Truffaut (1968 et 1969) comme exemples à l’appui de cette assertion, ce qui ne les empêche d’ailleurs nullement de signer des oeuvres honorables. Robert Siodmak fait, en revanche, avec Les Mains qui tuent, franchement partie de la liste des réalisateurs qui illustrent magistralement la veine authentiquement fantastique de Woolrich, lui faisant rendre son maximum d’efficacité.

Les Mains qui tuent

Présentation - 3,0 / 5

1 Blu-ray BD50 Full HD 1080p AVC édité par Eléphant Films, collection Cinéma Master Class, le 25 mai 2021. Durée du film : 87 min. environ sur Blu-ray et 84 min. env. sur DVD. Image au format original 1.37 respecté en N&B, compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio 1.0 Mono en VOSTF. Suppléments : présentation par Eddy Moine + analyse de séquences par Stéphane Du Mesnildot + bande-annonce originale et bandes-annonces de titres édités dans la même collection.

Bonus - 2,5 / 5

Présentation par Eddy Moine (durée 10 min. environ) : au débit rapide mais plus riche en informations que celle d’Hervé Dumont autrefois filmée pour l’édition DVD du coffret Robert Siodmak édité par Carlotta en 2007 bien qu’elle emprunte évidemment certaines de ses informations au livre de Dumont sur Robert Siodmak. Elle est illustrée par quelques affiches et photos qui défilent rapidement mais sur lesquels on peut à l’occasion faire un arrêt sur image, lorsque le document en vaut la peine.

Analyse de séquences par Stéphane du Mesnildot (durée 10 min. env.) : ce cinéaste, historien et critique de cinéma (auteur d’intéressantes études sur l’histoire du cinéma fantastique) s’intéresse ici surtout à la célèbre séquence du club de Jazz dans laquelle la jolie Kansas est entraînée par le batteur joué par Elisha Cook Jr. Cette séquence est pourtant atypique. Elle est certes intéressante et, assurément, un peu expérimentale, mais elle me semble ici nettement sur-interprétée. J’aurais préféré que Mesnildot commentât des séquences bien plus importantes à mes yeux telles que celle, finale, de la séquestration de Kansas dans l’atelier de l’artiste ou bien encore celle, si intéressante pour l’historien du cinéma, de la tentative avortée de meurtre dans le métro, directement héritée de l’expressionnisme allemand muet. Quant à la remarque concernant le fait que le personnage joué par Ella Raines pourrait être, lui aussi, assimilé à une « phantom lady », je ne la crois pas exacte : il n’y a que deux « phantom ladies » dans le film de Siodmak, la vivante et manifeste jouée par Fay Helm d’une part, la morte et latente représentée plastiquement à partir du corps et du visage de Hillary Brooke, d’autre part. Le fait que la secrétaire jouée par Ella Raines joue à son tour un rôle l’espace d’une nuit, se faisant passer pour une fille facile et vulgaire afin de mieux piéger un témoin, n’en fait pas pour autant une « femme fantôme » à la personnalité mystérieuse : au contraire, Ella Raines est le seul personnage féminin dont la personnalité ne soulève aucune question et à la compréhension de laquelle aucun éclaircissement n’ait nul besoin d’être apporté. Elle est, au féminin, la stricte contrepartie du héros (très bien, contrairement à ce qu’on lit ou entend ici ou là) joué par Alan Curtis.

Bandes-annonces : La Clé de verre (USA 1942) de Stuart Heisler, Les Mains qui tuent (Phantom Lady, USA 1944) de Robert Siodmak, La Grande horloge (USA 1948) de John Farrow, Les Yeux de la nuit (Night Has a Thousand Eyes, USA 1948) de John Farrow. Ce sont les bandes-annonces des films noirs policiers américains Universal les plus récemment distribués par Eléphant Films dans sa belle collection Cinéma Master Class. Leur durée varie de 2 à 3 minutes : état argentique variable, inférieur au master restauré en haute définition du long métrage de référence, ainsi que le précise à chaque fois un petit avertissement. La meilleure, sur le plan du montage comme sur le plan visuel, est celle du film de Robert Siodmak qui a, en outre, l’avantage cinéphilique de présenter les acteurs sous leur véritable nom tout en les faisant immédiatement correspondre à celui du personnage qu’ils interprètent.

Au total, honnête édition spéciale, mais sans plus. Une galerie affiche et photos aurait été appréciée : les quelques documents qui illustrent la présentation sont en nombre insuffisant pour rendre hommage à la beauté plastique de ce titre.

Les Mains qui tuent

Image - 3,0 / 5

Format original 1.37 respecté en N&B, compatible 16/9, Full HD 1080p AVC. C’est, sans surprise, le même master que celui fourni par Universal à l’éditeur américain Arrow en 2019 : il est honorable sur le plan vidéo mais décevant sur le plan argentique. Bonne définition et bonne gestion des noirs mais copie argentique assez sale : poussières négatives et positives, brûlures, rayures occasionnelles certes très fines mais tout de même parfois visibles sur plusieurs séquences. Universal ne s’est pas donné la peine de retirer une copie neuve à partir du négatif de ce titre pourtant classique de son catalogue ou bien ne possède plus de négatif utilisable (hypothèse pouvant l’excuser). Cela dit, l’image est mécaniquement évidemment bien meilleure, en raison du nouveau standard Full HD, que celle de l’ancienne édition DVD Carlotta qu’on trouvait dans le coffret Robert Siodmak édité en 2007 chez nous.

Son - 5,0 / 5

Son VOSTF en DTS-HD Master Audio 2.0 mono. Piste son américaine bien nettoyée, nette, dotée d’un bon rapport dialogues-effets sonores. Hans J. Salter est crédité à la musique mais on l’entend uniquement sur les génériques d’ouverture et de fin car le film en est par ailleurs dénué mis à part deux célèbres séquences de cabaret, celle avec Aurora Miranda et celle avec Ellla Raines et Elisha Cook Jr. dans laquelle ce dernier est doublé par le batteur Dave Coleman (et non pas par Buddy Rich comme on l’a parfois supposé). Les compositeurs de la chanson d’Aurora Miranda n’ayant pas été crédités au générique, ils intentèrent un procès à Universal mais j’ignore s’ils le gagnèrent : ils lui réclamaient 20.000 US$. Aucune VF d’époque : on ne la trouvait pas davantage sur l’ancienne édition DVD Carlotta de 2007 et il est probable qu’elle n’exista jamais car un certain nombre de titres (notamment de titres Universal) produits pendant ou peu après la Seconde guerre mondiale ne sortirent après-guerre en France qu’en VOSTF.

Crédits images : © Universal Pictures

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 16 juin 2021
Film noir policier signé en 1944 par Robert Siodmak sur le thème de la criminalité psychopathologique, à l’esthétique parfois fantastique, oscillant pour le reste entre solide réalisme et curiosité insolite.

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