Réalisé par Federico Fellini
Avec
Franco Interlenghi, Alberto Sordi et Franco Fabrizi
Édité par Tamasa Diffusion
Dans une petite ville balnéaire animée par le seul carnaval et la période des vacances, cinq jeunes gens mènent une vie désoeuvrée, d’inutiles, qui leur vaut d’être appelés les vitelloni, « les gros veaux ».
I Vitelloni, le troisième film de Federico Fellini, après Les Feux du music-hall (Luci del varietà, dans lequel Giulietta Masina tenait son premier rôle important), coréalisé en 1950 avec Alberto Lattuada, puis Le Cheik blanc (Lo Sceicco bianco), fut sélectionné pour l’Oscar du meilleur scénario original et salué par le Lion d’argent à Venise en 1953.
Le scénario, un des dix qu’Ennio Flaiano coécrira pour Federico Fellini, contient des références à la vie du réalisateur. Le lieu de tournage, Ostie, la station balnéaire proche de Rome, ressemble à celle de sa jeunesse, Rimini, et son frère, Riccardo Fellini, est un des vitelloni. Romaldo, personnage au regard distant, pourrait être le narrateur et le double de Federico Fellini. Dans le dernier plan, il quitte Ostie/Rimini pour Rome. On le verra, vingt ans plus tard, descendre du train à la Stazione Termini dans la séquence d’ouverture de Fellini Roma (Roma, 1972).
I Vitelloni annonce la suite du cinéma de Federico Fellini. Dans une succession de saynètes, en réalité organisées suivant une trame rigoureuse, il jette un regard, parfois cruel, parfois indulgent, sur les personnages. Ici des oisifs sans ambition, immatures, plutôt veules, mais capables de sursauts altruistes… pas vraiment de mauvais bougres. Ce qui deviendra un événement récurrent dans son oeuvre, la fête, ici le bal masqué, lui donne l’occasion d’une mise en scène brillamment étourdissante, soutenue par la musique de Nino Rota qui accompagna quinze de ses films.
I Vitelloni rassemble Alberto Sordi, dont la carrière était déjà bien lancée, pathétique dans la scène du bal, et Leopoldo Trieste. Federico Fellini venait de les employer tous les deux dans Le Cheik blanc. Dans le rôle de Romaldo, on retrouve Franco Interlenghi, le garçonnet de Sciuscià réalisé par Vittorio De Sica en 1946. Et Franco Fabrizi incarne avec justesse Fausto, coureur impénitent, le plus immature des vitelloni.
Cette belle réédition, après une restauration opérée en 2019, vient combler un vide : l’édition Opening de 2008 étant épuisée, le film était depuis longtemps introuvable.
I Vitelloni (109 minutes) et ses suppléments (50 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 et un DVD-9 logés dans la couverture d’un mediabook.
Le menu fixe et musical propose le film dans sa version originale, en italien, avec sous-titres optionnels, au format audio Dolby Digital 2.0 mono et dans un doublage en français au format Linear PCM 2.0 mono.
Un livret de 48 pages, Federico Fellini par Aldo Tassone (auteur de Fellini 23 1/2. Tutti i film, 2020), s’ouvre sur un rappel de l’enfance du cinéaste, pendant laquelle son attrait pour les saltimbanques et la caricature résistera à une éducation stricte, de ses débuts d’écrivain et journaliste à 19 ans (évoqués dans un texte écrit en 1941), de ses premiers films, Luci del variétà, Lo Sciecco bianco, puis de I Vitelloni, bien reçu par la critique et le public. Avec cette chronique sur « les jeux oisifs, les déambulations nonchalantes, les plaisanteries, les amours et les rêves d’un groupe de jeunes gens, cocchi di mamma (chéris à leur maman), condamnés à rester immatures (…), il brosse un tableau de la vie de province d’une rare authenticité mêlant à l’ironie de son regard une tendresse et une mélancolie jamais dissimulées. » Le livret évoque les films suivants, La Strada, Il Bidone, Le Notti di Cabiria, puis Amarcord, dans lequel Fellini racontera, en 1973, l’enfance des vitelloni, puis passe en revue une partie des films de la maturité, La Dolce vita, Otto e mezzo, Giulietta degli spiriti, Toby Dammit, le sketch d’Histoires extraordinaires, Satyricon, le documentaire I Clowns, Casanova, Prova d’orchestra, jusqu’à La Città delle donne. Le livret se referme sur un facsimile du dossier de presse italien.
I Vitelloni par Jean-Christophe Ferrari, historien et critique de cinéma à Transfuge et France Culture (44’, 2020, Les Productions du Désordre). Il souligne la dimension biographique du film, évocateur des années passées à Rimini par Fellini qui double Franco Interlenghi pour les deux dernières paroles du film, « Ciao Guido ! ». Plus qu’une histoire, I Vitelloni, propose « entre chronique réaliste et rêverie mélancolique (…) quelques « tranches de vie (…) de personnages spectateurs de leur destin, dépassés ». Le regard de Fellini sur ces personnages fragiles n’est jamais totalement négatif. Dans la scène du bal masqué, emblématique du cinéma de Federico Fellini, l’exaltation finit par céder à la mélancolie. L’entretien apporte un éclairage utile sur le film et sur l’oeuvre de Fellini, mais aurait gagné à être plus structuré.
Bandes-annonces de 1953 et de 2020 (4’).
Bande-annonce de Les Nuits de Cabiria (1’41”), édité simultanément.
L’image (1.33:1, 1080p, AVC), a été restaurée en 2019 à partir d’un positif lavande, le négatif original étant devenu inutilisable. La comparaison avec l’édition Opening de 2008 révèle un net gain en stabilité et en fermeté des contrastes obtenu par un étalonnage rigoureux. Certains plans manquent de piqué, probablement ceux récupérés sur une copie d’exploitation.
Le son standard Dolby Digital 2.0 mono de la version originale, restauré à partir d’un positif, est propre, mais souvent étouffé, et la composition de Nino Rota est affectée par une bande passante étroite et quelques saturations.
Le doublage en français, non restauré, cependant assez propre, place trop en avant, en déséquilibre avec l’ambiance et l’accompagnement musical, des dialogues peu convaincants.
Crédits images : © Cité Films, Peg-Film