Billie (2019) : le test complet du Blu-ray

Édition Prestige

Réalisé par James Erskine
Avec et Billie Holiday

Édité par L'Atelier d'Images

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Le 21/09/2021
Critique

Une émouvante relation de la vie exaltante et douloureuse d’une des plus grandes chanteuses de jazz.

Billie

À partir de sources restées pour la plupart inédites, James Erskine a réussi à rendre présente comme jamais Billie Holiday. Alors que les conditions de sa naissance la destinaient à rester dans l’anonymat de la misère, elle a réussi, dans une lutte perpétuelle contre ses démons, grâce à son acharnement et à son talent, à devenir et rester encore aujourd’hui, une des plus grandes voix du jazz.

Billie, réalisé par le documentariste britannique James Erskine, sélectionné au Festival de Deauville en 2020, puise une grande partie de ses sources dans les écrits de Linda Lipnack Khuel, une journaliste qui s’était lancée, à la fin des années 60, dans l’écriture d’une biographie de la chanteuse. Elle n’avait pas terminé son ouvrage à l’heure de sa mort en 1978, dans des conditions restées mystérieuses : la version officielle d’un suicide par défenestration est encore mise en doute par ses proches. Elle avait, pour l’écriture de son livre, enregistré sur cassettes audio près de 200 heures de souvenirs glanés auprès des nombreuses personnes qui avaient connu la chanteuse. Ces propos, encore jamais écoutés, s’ajoutent à des archives filmées inédites, pour la plupart d’entre elles.

Billie, qu’on appellera Lady Day, Eleanora Fagan pour l’état civil de Baltimore, naquit en 1915 sans être reconnue par son père, un guitariste de jazz. Délaissée par sa mère, elle est placée dans une maison de redressement où elle est violée à 13 ans. Elle suit sa mère à Harlem en 1928, fait des ménages, se prostitue à l’occasion, fait un court séjour en prison et commence à chanter dans des speakeasies. Elle s’investissait dans ses interprétations à tel point que le pianiste Jimmy Rowles disait qu’elle « chantait avec son bas-ventre ». Remarquée en 1933 par John H. Hammond, producteur pour Columbia, elle reçoit, pour son premier enregistrement avec le jeune clarinettiste Benny Goodman… 35 dollars ! C’est le début d’une ascension qui l’amènera en bonne compagnie, celle des plus grands, Lester Young, Fletcher Henderson, Louis Armstrong, Duke Ellington, Charlie Parker, Miles Davis, Count Basie, Artie Shaw…

Billie

Elle fera, avec ces deux derniers, une tournée dans le Sud qui l’incitera à ajouter à son répertoire Strange Fruit : Southern trees bear a strange fruit / Blood on the leaves and blood at the root / Black bodies swingin’ in the Southern breeze / Strange fruit hangin’ from the poplar trees. Image effrayante : ces étranges fruits, que la brise du sud fait se balancer aux branches des peupliers, ce sont les corps de noirs lynchés par des racistes ! Cette chanson sera sa marque mais lui vaudra aussi des inimitiés, une surveillance constante par le Bureau des narcotiques, deux arrestations et un séjour de douze mois en prison pour usage de drogue. L’abus d’alcool, d’héroïne et de cocaïne l’a amenée à un hôpital de Manhattan où elle mourut, le 17 juillet 1959, à l’âge de 44 ans.

Billie n’est, bien sûr, pas la seule vidéo disponible sur Billie Holiday. On a pu, à défaut de la voir, l’entendre chanter dans près de 250 films ou séries, récemment dans l’étrange Lovecraft Country, la voir en 1972, sous les traits de Diana Ross, dans le biopic Lady Sings the Blues, réalisé par Sidney J. Furie en 1972, et, tout récemment, interprétée par Andra Day, dans Billie Holiday, une affaire d’État (The United States vs. Billie Holiday, Lee Daniels, 2021), sorti dans nos salles le 2 juin 2021. Mais aussi la voir et l’entendre dans des éditions épuisées, mais encore dénichables : Jazz Classics : L’âge d’or du Jazz, Billie Holiday - The Ultimate Collection et Jazz Masters - Vintage Collection 1958 - 1961.

Billie permet de ressentir à quel point la vie personnelle de Billie Holiday imprégnait sa façon de chanter si particulière qui fit d’elle une des plus grandes chanteuses de jazz, avec Bessie Smith, Ella Fitzgerald et Nina Simone. On la voit ici interpréter treize chansons dont la version intégrale peut être réécoutée sur le CD joint à ce remarquable coffret coédité par L’Atelier d’Images et AB Vidéo.

Billie

Présentation - 4,0 / 5

Billie (98 minutes) et ses suppléments (75 minutes) tiennent, dans cette édition combo, sur un Blu-ray BD-50 et un DVD-9 logés dans les couvertures d’un mediabook, en compagnie d’un CD Audio avec l’enregistrement intégral des 13 chansons interprétées dans le film.

Le tout est glissé dans un épais cartonnage.

Le menu fixe et musical propose le film dans sa version originale, en anglais, avec sous-titres optionnels, et le choix entre deux formats audio, DTS-HD Master Audio 5.1 ou 2.0 stéréo.

Une édition DVD sortie au Royaume Uni en novembre 2020. L’édition française est la première en haute définition.

Un livret de 44 pages, abondamment illustré, contient un article de Franck Bergerot, rédacteur en chef de Jazz Magazine, intitulé Strange Fruit -Après, le silence, paru dans le numéro de février 2015, une relation détaillée de la genèse de la chanson qu’elle interpréta pour la première fois en 1939 au Café Society. Suit une note d’intention du réalisateur. Après avoir lu la biographie commencée par Linda Lipnack Khuel, il a retrouvé les cassettes audio que sa famille avait vendues à un collectionneur et est parti à la « chasse aux images », photographies et films 35 et 16 mm. Le scénario est construit avec l’idée que « l’histoire de Billie est racontée à travers les chansons qu’elle a chantées (…) l’histoire d’un génie qui s’est battu avec acharnement contre ceux qui voulait l’écraser pour avoir osé chanter la vérité. » Et il lui a paru important d’explorer parallèlement « l’histoire incroyable et émouvante » de Linda Lipnack Khuel. Après une playlist proposée par Franck Bergerot, un article rappelle la place prise par Strange Fruit dans la lutte contre la ségrégation raciale. Le livret se referme sur une courte biographie de Billie Holiday.

Billie

Bonus - 4,0 / 5

Le jazz selon Billie par David Koperhant, programmateur musical radio TSF Jazz (16’). Quand Billie Holiday arrive à New York, les orchestres sont mis en vedette, pas les chanteurs. Mais elle réussira à sortir au milieu des années 30 ses premiers disques, étiquetés Billie Holiday and her orchestra. Elle enregistra une cinquantaine de titres avec Lester Young et, dans l’immédiat après-guerre, avec de grands orchestres, plusieurs chansons pour Decca, dont Lover Man. Puis les sessions de Jazz at the Philharmonic produites par Norman Granz relanceront durablement sa popularité. Un style plus personnel, plus « à fleur de peau » que celui, musicalement irréprochable, d’Ella Fitzgerald. Un style qui a inspiré Nina Simone.

Interview du réalisateur James Erskine (28’). Il dit aimer communiquer l’émotion dans ses documentaires et l’histoire de Billie Holiday est particulièrement émouvante, avec des résonnances politiques, notamment dans la chanson Strange Fruit, la plus grande chanson du XXème siècle selon le Time Magazine. Une des sources du film a été la biographie de Linda Lipnack Khuel et les entretiens qu’elle avait enregistrés. Il fallait que la relation soit authentique, fasse ressentir la souffrance qu’elle exprime en chantant. Elle a eu une vie extraordinaire, mais aussi très difficile. Ce n’était pas une sainte, mais une femme très combattive, attirée par des hommes qui abusaient d’elle.

Interview des productrices Michele Smith et Sophia Dilley (16’). Michele Smith, représentante du Billie Holiday Estate, chargé de protéger l’héritage et l’image de la chanteuse, voit en Billie Holiday la survivante d’une enfance très douloureuse, une rebelle, une des premières personnes en vue à dénoncer le racisme, à protester contre la ségrégation. Le film de James Erskine est important à l’heure où les défis restent encore à relever pour l’égalité des droits. Il révèle, depuis différents points de vue, en marge des stéréotypes, la vraie nature de Billie Holiday.

Interview de Tom Wollaert sur la restauration de la bande-son (7’). Enthousiasmé par la perspective de découvrir des cassettes que personne n’avait encore écoutées, il a dû relever plusieurs défis : rendre compréhensibles des enregistrements faits avec amateurisme, identifier les voix, réduire les bruits parasites à l’aide des outils numériques les plus récents.

Interview de Marina Amaral sur la colorisation (6’). Elle s’est imprégnée des chansons de Billie Holiday et s’est documentée sur sa vie, avant de se lancer dans un travail délicat, faute de références disponibles pour guider le choix des couleurs à appliquer à des photos et à quelques plans d’une qualité technique variable, certains très sombres, d’autres trop pâles, certains très contrastés, d’autres surexposés. Fallait-il coloriser les archives en noir et blanc ? La question reste posée. Heureusement, elle n’a été appliquée, avec soin, qu’à un nombre limité de documents.

Bande-annonce.

Billie

Image - 4,0 / 5

L’image (1.78:1, 1080p, AVC), à l’exception de quelques magnétophones en gros plans, est faite d’archives filmées et de photographies assez soigneusement nettoyées, mais d’une résolution variable, la qualité technique moyenne de certains documents étant compensée par leur intérêt et leur rareté. La plupart ont été conservés dans leur état d’origine, en noir et blanc, certains colorisés, surtout des photos de la chanteuse ou quelques séquences de ses performances.

Son - 4,5 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 5 (avec une alternative DTS-HD MA 2.0 stéréo) est d’une qualité d’ensemble attestant de l’attention portée au choix et à la restauration des témoignages recueillis et des séquence musicales, légèrement aérées par le format multicanal.

Crédits images : © 2019 Reliance Entertainment Productions Documentary LTD. Tous droits réservés.

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 22 septembre 2021
Cet excellent documentaire permet de ressentir à quel point la vie personnelle de Billie Holiday imprégnait sa façon de chanter, si particulière, qui fit d’elle une des plus grandes chanteuses de jazz, avec Bessie Smith, Ella Fitzgerald et Nina Simone. On la voit ici interpréter treize chansons dont la version intégrale peut être réécoutée sur le CD joint à ce remarquable coffret coédité par L’Atelier d’Images et AB Vidéo.

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