Mutant (1982) : le test complet du Blu-ray

Forbidden World

Réalisé par Allan Holzman
Avec Jesse Vint, Dawn Dunlap et June Chadwick

Édité par BQHL Éditions

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Le 16/11/2021
Critique

Film de science-fiction au scénario intelligent, graphiquement soigné, produit par Corman.

Mutant

Sur une planète lointaine, des recherches scientifiques croisant génétique humaine et extraterrestre, doivent permettre de trouver une solution au problème de la faim sur la Terre. Mais l’expérience n°20 accouche d’un « métamorphe », créature suffisamment inquiétante pour justifier l’envoi d’un équipe d’enquêteurs militaires. De fait, elle se révèle bientôt meurtrière, intelligente et dominatrice.

Mutant (Forbidden World, USA 1982) de Allan Holzman appartient à une remarquable série de trois films fantastiques de science-fiction, produite par la société New World Pictures de Roger Corman au début des années 1980 : dans l’ordre chronologique de leur production et de leur distribution, il s’agit de La Galaxie de la terreur (USA 1981) de Bruce Clark, Mutant (USA 1982) d’Allan Holzman, Androïd (USA 1982) de Aaron Lipstadt. Certains éléments de décors futuristes d’intérieurs (bases spatiales, corridors, couloirs, salles des machines, laboratoires) furent repris d’un film à l’autre, évidemment assez modifiés à chaque fois pour que chaque titre maintienne son individualité plastique. Les scénarios sont indépendants et sans rapport l’un avec l’autre mis à part le fait commun que l’action se déroule dans le futur, sur des planètes hostiles colonisées par l’homme. Dans les trois titres, les histoires (à partir de thèmes classiques de SF) sont intelligentes ; le suspense est constant ; la mise en scène est soignée ; le niveau de violence graphique est élevé (ici parfois « gore » à plusieurs reprises) et l’érotisme comporte du nu intégral.

Si on compare ces films de SF produits au début des années 1980 par Corman à ceux qu’il produisait en 1955-1960, on voit immédiatement la différence majeure qui les sépare : ces séries B ne sont pas moins intelligentes ni moins soignées dans leur conception en 1955-1960 qu’en 1980-1982 mais elles sont devenues relativement luxueuses en 1980-1982. Exemple : le budget de L’Attaque des crabes géants (USA 1957) produit et réalisé par Roger Corman ― dont on dit que le scénario aurait influencé la structure de celui de Mutant ― était de 70 000 US$ alors que celui de La Galaxie de la terreur, produit et supervisé par Corman, est dix fois plus élevé : presque 700 000 US$. Cela change la donne sur le plan visuel et même sur le plan dramaturgique : plus de décors, plus d’acteurs, plus d’effets spéciaux, un suspense davantage nourri en rebondissements visuels. Reste que Corman savait économiser lorsqu’il le pouvait : les plans d’attaques du vaisseau spatial, au début de Mutant, sont empruntés à des chutes non utilisées de sa production Les Mercenaires de l’espace (Battle Beyond the Stars, USA 1980) de Jimmy Murakami. Cette séquence d’ouverture fut la première conçue par Hollzman à la demande de Corman qui en fut si satisfait qu’il lui donna carte blanche pour la suite du métrage qu’il supervisa, selon son habitude, étroitement (y compris concernant le scénario).

Deux thèmes accessoires sont utilisés par le script de Mutant : la faim dans le monde et le cancer. Ils sont intelligemment et ironiquement (mais d’une ironie noire et inquiétante) intervertis par le scénario, nerveux et dynamique, qui s’inspire peut-être, concernant le second thème, d’une idée (la division cellulaire spectaculaire car agrandie à des dimensions supérieures) déjà exploitée par le remarquable film de science-fiction L’Île de la terreur (GB 1966) de Terence Fisher. Quelques autres idées sont empruntées par Hollzman à des classiques plus récents tels que la désinfection du corps humain par une lumière antiseptique, procédé déjà vu dans Le Mystère Andromède (The Andromeda Strain, USA 1971) de Robert Wise, ou bien encore le réveil automatique après une période de congélation, déjà montré assez en détails dans les classiques SF de Stanley Kubrick (1968) et de Ridley Scott (1979). Mais elles sont intégrées (j’allais écrire « digérées ») avec efficacité à l’intrigue et n’apparaissent jamais artificiellement plaquées. Mutant avait obtenu le Grand prix du public et le Prix des effets spéciaux au Festival du film fantastique de Paris de 1982 lors de sa présentation : il les méritait.

Mutant

Présentation - 4,0 / 5

1 Blu-ray-50 région B. Image Full HD 1080p édité par BQHL le 27 juillet 2021. Durée du film : 77 min. environ. Image au format 1.85 nominal compatible 16/9. Son Linear PCM 1.0 mono (VF d’époque) et 2.0. mono (VOSTF). Suppléments : Director’s Cut (16/9, 82’, VOSTF) + Entretien avec Roger Corman (6’27”, VOSTF)+ Making of rétrospectif (34’15”, VOSTF) + Présentation des effets spéciaux (14’21”, VOSTF) + Bande-annonce (16/9, 2’30”, VOSTF) + Livret. Mignonne sérigraphie reprenant une affiche américaine qui illustre aussi la jaquette et le surétui.

Livret 24 pages illustrées de Marc Toullec intitulé « À perdre Alien » : il est illustré notamment par une reproduction de l’affiche française, plusieurs photos de plateau et d’exploitation (détourées, dans ce dernier cas). Nombreuses anecdotes précises, empruntées à des entretiens (notamment avec le cinéaste Allan Holzman, quelques techniciens et l’acteur principal Jesse Vint) parus dans diverses sources américaines soigneusement répertoriées dans une bibliographie sommaire. On y trouve notamment un intéressant témoignage de Hollzman sur la manière dont Corman travaillait comme producteur et comme distributeur. À noter que l’affiche française de 1982 demeure l’affiche préférée de Holzman : je la préfère aussi aux affiches américaines.

Mutant

Bonus - 4,0 / 5

Ils proviennent de l’édition Blu-ray américaine Shout Factory de 2010 ; on leur a simplement rajouté des sous-titres français.

Director’s cut (16/9, 82’, VOSTF) : image argentique assez bonne et format large respecté mais elle est malheureusement amputée d’un commentaire audio du réalisateur Allan Holzman interrogé par Nathaniel Thompson, qu’on trouvait sur l’édition américaine et qui constituait un document de première main sur la genèse du titre, sa production, son tournage, ses effets spéciaux, sa distribution et sa réception critique. Pourquoi ne pas l’avoir conservé ? Pour le reste, peu de différence, quelques plans d’effets spéciaux rajoutés (par exemple vers la fin) et la voix modifiée du robot (électronique dans un cas, humainement enfantine dans l’autre ainsi que certains plans que Corman avait fait couper avant l’exploitation). Rien qui modifie l’histoire ni son sens.

Entretien avec Roger Corman (6’27”, VOSTF) : Corman revient brièvement mais clairement sur la genèse du film, son changement de titre ― de Mutant qui était le titre initialement prévu (et qui fut conservé pour l’exploitation en France) au définitif Forbidden World qui rend évidemment hommage (mais Corman préfère éluder l’allusion en s’en remettant aux enquêtes statistiques effectuées au moment du choix d’un titre) au Planète interdite (Forbidden Planet, USA 1956) de Fred McLeod Wilcox au sujet duquel je renvoie le lecteur à ma critique archivée en ligne sur Stalker-dissection du cadavre de la littérature―, sur la manière dont James Cameron fut impliqué (on sait que Cameron avait été remarqué peu de temps auparavant par Corman lors de sa collaboration technique sur La Galaxie de la terreur), sur le casting, la post-production et quelques autres aspects du film.

Making of rétrospectif (34’15”, VOSTF) : le réalisateur et monteur Allan Holzman, le responsable des effets spéciaux Robert Skotak et le directeur photo Dennis Skotak, le maquilleur Christopher Bigg, le réalisateur de seconde équipe Aaron Lipstadt (qui rappelle précisément comment fut produite la première séquence et qui réalisera bientôt pour Corman l’année suivante le très bon Androïd), le responsable des effets optiques Tony Randl, l’acteur principal Jesse Vint sans oublier celle qui composa la musique, à savoir Susan Justin, reviennent sur la genèse, la production, le tournage, les décors, les trucages et les effets spéciaux, la composition musicale. Certaines informations (construction des décors, utilisation d’un produit chimique particulier pour simuler tel élément du scénario) font inévitablement double-emploi avec celles du livret.

Présentation des effets spéciaux (14’21”, VOSTF) : l’un des responsables des effets spéciaux, John Carl Beuchler, revient sur les conditions dans lesquelles il rencontra le producteur Roger Corman puis détaille de manière précise la création des trucages et des effets spéciaux les plus spectaculaires de Mutant.

Bande-annonce originale (16/9, durée 2’33”, VOSTF) : elle est munie du titre original américain Mutant avant que ce titre soit abandonné, remplacé par Forbidden Zone. Bon état argentique. Son montage est sophistiqué, reprenant notamment les « images mentales » des scènes-chocs du film.

Édition spéciale BQHL remarquable mais qui ne comporte cependant pas la totalité des suppléments de l’édition collector américaine Shout Factory de 2010 : il manque le commentaire audio de la director’s cut par le réalisateur, la galerie des dessins de Skotak, la galerie affiches et photos, quelques bandes-annonces de productions contemporaines de Roger Corman dont celle de La Galaxie de la terreur et de Les Mercenaires de l’espace. En revanche, le livret français de 24 pages de cette édition BQHL est quantitativement supérieur au livret américain.

Mutant

Image - 5,0 / 5

Format 1.85 nominal compatible 16/9 sur BD50 Full HD en 1080p. Très bonne restauration argentique et numérique : les « images mentales » de Jess Vint sont, par exemple, impeccablement définies et nettes en dépit de la vitesse de défilement de leur surimpression graphique. Leurs riches nuances de couleurs sont parfaitement bien restituées. Notez que les filtres utilisés pour la séquence d’extérieur sont une vieille idée déjà utilisée par le classique 24 heures chez les martiens (Rocketship X-M, USA 1950) de Kurt Neumann. On aura attendu longtemps une édition rendant justice à ce savoureux titre produit par Corman : elle est arrivée.

Son - 4,0 / 5

Linear PCM 2.0 (VF d’époque + VOSTF)  : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. La VF d’époque, savoureuse, est bien conservée mais sonne un peu plate par rapport à la VO, comme souvent. Musique électronique composée par Susan Justin (elle joue presque dans le film puisque la photo d’Annie à un moment montrée et dont on parle comme d’un cobaye décédé est, en réalité, une photo d’elle) et parfois inspirée, notamment celle qui prend son envol durant la torride scène érotique avec June Chadwick. Excellent sous-titrage, traduisant soigneusement les dialogues américains, mais aux lettres un peu trop petites et qui s’incrustent à l’écran un peu trop vite pour avoir parfois le temps d’être lues, surtout lorsqu’elles sont sur un fond occasionnellement blanc, ce qui est heureusement rare.

Crédits images : © New World Pictures, Jupiter Film Productions

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 17 novembre 2021
Film de science-fiction au scénario intelligent, graphiquement soigné, produit par Roger Corman.

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