Orfeu Negro (1959) : le test complet du Blu-ray

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Marcel Camus
Avec Breno Mello, Marpessa Dawn et Lourdes de Oliveira

Édité par Potemkine Films

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Le 23/11/2021
Critique

Une belle réédition d’un film qui contribua largement, il y a plus de 60 ans, à la diffusion d’un nouveau genre musical, la bossa nova.

Orfeu Negro

Pour échapper à un homme qui veut la tuer, une jeune fille de la campagne, Eurydice, se réfugie à Rio, la veille du carnaval. Elle y rencontre Orphée, conducteur de tramway adulé par le peuple pour ses talents de danseur et guitariste. Mais la nouvelle venue s’attire les foudres de Mira, la fiancée d’Orphée…

Orfeu Negro, sorti en 1959, est une adaptation de la pièce de Vinicius de Moraes, Orfeu da Conceição, montée en 1956, transposant à Rio de Janeiro un conte de la mythologie grecque. Orphée, fils de la muse Calliope, fut l’élève d’Apollon qui lui donna une lyre avec laquelle il calmait les bêtes féroces et faisait tomber les résistances des femmes les plus chastes. Il épousa Eurydice, une dryade, qui mourut de la morsure d’un serpent. Inconsolable, Orphée supplia Hadès, gardien de l’Enfer, de faire sortir Eurydice du Royaume des morts. Hadès, envoûté par la mélodie qu’Orphée tira de sa lyre, y consentit, à condition qu’il ne regarde pas sa bien-aimée avant qu’elle n’ait regagné le monde des vivants.

Le mythe d’Orphée inspira plusieurs oeuvres, par exemple à Christoph Willibald Gluck Che farò senza Euridice, une des plus belles arias de l’opéra baroque, et à Jean Cocteau sa trilogie, Le Sang d’un poète en 1932, Orphée en 1950 et Le Testament d’Orphée en 1959, son dernier film.

Orfeu Negro est le deuxième des dix films pour le grand écran de Marcel Camus (1912-1982), après Mort en fraude (1957), un honnête thriller dialogué par Michel Audiard. Il reviendra au Brésil pour réaliser Os Bandeirantes (1960), un film d’aventure, puis Otalia de Bahia (1976), un autre drame musical, son dernier film. Il a, à partir de 1973, presque exclusivement oeuvré pour la télévision, en réalisant particulièrement deux séries, La Porteuse de pain, en 1973, une excellente adaptation du feuilleton du prolixe Xavier de Montépin et Les Faucheurs de marguerites - Vol. 1 : Le temps des as, en 1974, un imposant documentaire-fiction sur l’histoire de l’aviation, en 35 épisodes.

Orfeu Negro

Orfeu Negro, présenté par la France (le Brésil estimant qu’il donnait une mauvaise image du pays) à Cannes et aux Academy Awards, remporta le grand chelem, la Palme d’or et l’Oscar du meilleur film étranger, l’ouverture à un succès planétaire, en dépit des réserves de certains critiques et des bouderies de la Nouvelle Vague qui lui ont reproché sa vision idéalisée de la réalité des favelas. Elles étaient encore une attraction touristique avant de devenir le territoire sans lois que décriront Fernando Meirelles dans La Cité de Dieu (Cidade de Deus, 2002) et Paulo Morelli dans la série La Cité des hommes (Cidade dos homens, 2003-2004), ou encore José Padilha dans deux films, Troupe d’élite - Dans l’enfer des favelas (Tropa de elite, 2007) et Troupe d’élite - L’ennemi intérieur (Tropa de Elite 2: O Inimigo agora é outro, 2011).

Marcel Camus ne cherche pourtant pas à tromper son monde : il a choisi de raconter une histoire d’amour fantastique. En dépit du réalisme des scènes de carnaval pour lesquelles il avait recruté des musiciens et danseurs de plusieurs écoles de samba, du tournage en extérieur et en décors réels (avant que la statue du Christ du Corcovado ne domine Rio) et de la scène du candomblé, un culte afro-brésilien, avec une femme en transes, Orfeu Negro n’est pas un documentaire. Simplement une invitation à un rêve qui jette aux yeux paillettes et plumes multicolores, envoûte par la poésie et la mélodie de ses chansons, au rythme syncopé de la bossa nova, encore une nouveauté en 1958. Une des chansons, Manhã de carnaval, le thème principal, fut l’une des premières à attirer l’attention sur la bossa nova hors du Brésil avant de devenir un inusable tube international, mis à toutes les sauces.

S’ajoutent à cela, le charme des deux acteurs principaux, Breno Mello, un footballer professionnel, et de Marpessa Dawn, une jeune danseuse américaine (tous deux vites délaissés par le cinéma), les vues de la baie de Rio des haut des collines où s’agrippent les favelas et l’éclat des couleurs des incroyables costumes des danseurs.

Orfeu Negro nous est proposé par Potemkine Films après une nouvelle restauration opérée en 2020 et, pour la première fois, en haute définition, avec deux nouveaux bonus exclusifs.

Orfeu Negro

Présentation - 2,5 / 5

Orfeu Negro (108 minutes) et ses généreux suppléments (134 minutes) tiennent, dans cette édition combo, sur Blu-ray BD-50 et sur un DVD-9 logés dans un boîtier non fourni pour le test, effectué sur le seul Blu-ray.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, en portugais, avec sous-titres optionnels, et dans un doublage en français, les deux au format audio DTS-HD Master Audio 2.0 mono (Dolby Digital 2.0 mono sur le DVD).

Bonus - 3,5 / 5

Sur le Blu-ray et le DVD :

Entretien avec Estelle-Sarah Bulle (16’, La Bête Lumineuse, 2021), autrice de Les Étoiles les plus filantes, une histoire imaginaire du film Orfeu Negro (Éditions Liana Levi, 2021). Marcel Camus, « produit de son temps », concerné par l’existentialisme, le colonialisme, Sartre, Cocteau…, souhaitait des débutants. L’action se situe dans un contexte heureux, sous la présidence de Juscelino Kubitschek, quand le Brésil venait de gagner la coupe du monde de football. Le carnaval a été reconstitué, presque grandeur nature, pour le tournage. L’attribution de la Palme d’or à un film humaniste est peut-être une réponse aux critiques adressées à la France pour la guerre d’Algérie et l’Oscar, une réponse à celles faites aux USA au moment de la lutte pour les droits civiques. Lea Garcia, la seule actrice professionnelle, fera une longue carrière au Brésil et Lourdes de Oliveira épousera Marcel Camus. Les autres acteurs vont vite disparaître de la scène.

Entretien avec Anaïs Fléchet (33’, La Bête Lumineuse, 2021), maître de conférences en histoire contemporaine, spécialiste des relations culturelles entre la France et le Brésil. Dans le « continent musical (…) et son mélange des cultures », la bossa nova, une sorte de synthèse entre samba et jazz, apparaît en 1958, avec Vinicius de Moraes pour les paroles, Antônio Carlos Jobim pour l’harmonie et João Gilberto pour le rythme. C’est à Paris, en 1958, que Vinicius de Moraes confie l’adaptation de sa pièce à Marcel Camus. Dénigré par l’élite brésilienne, le film a été présenté à Cannes dans la sélection française. Des cinéastes brésiliens, notamment Glauber Rocha, porte-drapeau du Cinema novo, ont estimé que Marcel Camus n’avait rien compris au Brésil… ni au cinéma. Il a pourtant donné l’image d’une « modernité culturelle et ouvert le reste du monde à découvrir le cinéma brésilien ». Il a suscité, en France, plusieurs films sur le Brésil, dont L’Homme de Rio (Philippe de Broca, 1964). Pendant la dictature, de la fin des années 60 au milieu des années 70, « les années de plomb », de nombreux artistes brésiliens sont venus en France.

Sur le seul Blu-ray :

À la recherche d’Orfeu Negro (85’, documentaire de René Letzgus et Bernard Tournois, Star Production, 2005, pour Arte). En 1959, l’année du décès de Gérard Philipe, du mariage de Brigitte Bardot et Jacques Charrier, des fiançailles d’Alain Delon et Romy Schneider, Orfeu Negro reçoit Palme d’or et Oscar. Quarante-six ans plus tard, Silvio Autuori, assistant-réalisateur de Camus, revisite les lieux du tournage. Le film fut peu regardé au Brésil à l’époque où 80% de la population vivait à la campagne. Marcel Camus a pu enregistrer la naissance de la bossa nova qui révolutionna la musique du Brésil où la moitié de la population est métissée, où la culture africaine est solidement implantée, par tradition orale. Les femmes jouent un rôle primordial dans la préparation du carnaval qui occupe les écoles de samba tout au long de l’année.

Orfeu Negro

Image - 5,0 / 5

L’image (1.37:1, 1080p, AVC), restaurée en 2020, très propre à d’infimes exceptions près, finement résolue, agréablement contrastée, de blancs lumineux à des noirs denses, projette des couleurs éclatantes, soigneusement étalonnées, avec un contrôle du grain respectueux du 35 mm.

Une restauration exemplaire !

Son - 4,5 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 2.0 mono de la version originale (Dolby Digital 2.0 mono sur le DVD), débarrassé des bruits parasites dus à la dégradation de la pellicule par une restauration qui n’a laissé subsister qu’un léger souffle résiduel, offre, plus de soixante ans après le tournage, une bonne dynamique et une ouverture de la bande passante qui donnent à la musique et à l’ambiance une belle présence.

La version originale surpasse sans discussion le doublage d’époque, étriqué par un déficit des registres grave et medium, et affecté par des dialogues manquant terriblement de naturel. Il n’a pas été pris en compte pour l’attribution de la note.

Crédits images : © Dispat Films, Gemma, Tupan

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 24 novembre 2021
Orfeo Negro, couronné par la Palme d’or, reste, soixante ans après son tournage, une belle invitation à un rêve qui jette aux yeux paillettes et plumes multicolores, envoûte par la poésie et la mélodie de ses chansons, au rythme syncopé de la bossa nova.
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eric
Le 11 février 2004
un chef d'oeuvre malheuresement introuvable en DVD

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Orfeu Negro
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