Réalisé par Brian De Palma
Avec
Michael J. Fox, Sean Penn et Don Harvey
Édité par Wild Side Video
San Francisco, début août 1974 : alors que le président Richard Nixon démissionne, l’ancien soldat Eriksson dort pendant un trajet en métro. Un cauchemar lui remémore de terribles souvenirs.
Viêt-Nam, novembre 1966 : le sergent Meserve, soldat expérimenté, sauve la vie du novice Eriksson durant une attaque nocturne au mortier. Leur section est excédée par les combats et, bientôt, par les refus de permission alors que certains hommes n’ont plus que trente jours à servir sous les drapeaux. Durant une mission dangereuse de reconnaissance, Le sergent et quelques soldats séquestrent, violent puis assassinent une jeune villageoise. Eriksson n’a pas pu la sauver mais il a refusé de s’associer au crime. En dépit de menaces puis d’une tentative de meurtre à son encontre, il provoque l’ouverture d’une enquête de la police militaire. Il témoigne enfin devant une cour martiale qui fait condamner les criminels à de très lourdes peines.
San Francisco, début août 1974 : réveillé par un brusque arrêt du wagon, Eriksson sympathise brièvement avec une jeune asiatique au physique étrangement similaire à celui de la villageoise.
Outrages (Casualties of War, USA 1989) de Brian De Palma est adapté d’un article de Daniel Lang paru en 1969, concernant des faits survenus en 1966. Il fut tourné aux USA et en Thaïlande, dans la région de Kanchanaburi concernant la scène de la rivière Kwai et un de ses ponts ferroviaires (pas le plus connu mais un autre tout aussi spectaculaire sinon même davantage), ainsi qu’à Phang Nga et à Phuket. Ce gros budget (environ 22 millions de US$ : une base militaire d’époque fut entièrement reconstituée pour quelques plans d’ensemble) s’inspire des mêmes événements que Les Visiteurs (USA 1972) d’Elia Kazan dont il constitue la « préquelle » filmographique. La menace de vengeance du sergent, chuchotée à l’oreille d’Eriksson à l’issue du procès vers la fin du film de De Palma, était montrée s’accomplissant dans le film de Kazan. La mise en scène du De Palma est, en 1989, aussi spectaculaire et baroque que celle de Kazan était, en 1972, sobre et dépouillée. Il faut savoir qu’avant ces titres de Kazan et de De Palma, un film underground indépendant, O.K. (RFA 1970) de Michael Verhoeven ― fils du cinéaste allemand Paul Verhoeven (1901-1975) qu’il ne faut pas confondre avec le cinéaste néerlandais Paul Verhoeven (né en 1938) ― avait représenté cet « Incident de la colline 192 », son nom officiel dans les archives militaires américaines. Sa projection au Festival de Berlin 1970 avait provoqué un scandale ainsi que la colère du grand cinéaste américain Georges Stevens qui le présidait cette année-là.
Magnifiquement photographié en Panavision couleurs 2.40 (certaines copies furent tirées en 70mm) par Stephen H. Burum (le directeur photo habituel des films mis en scène à cette époque par De Palma), doté d’une ample musique avec choeurs composée par Ennio Morricone et d’une bande-son dynamique, Outrages se divise en trois parties distinctes : présent-souvenir du passé-retour au présent. De Palma insista pour que le rôle féminin fût tenu par une authentique jeune fille viêtnamienne au casting : elle fut remarquablement interprétée par Thuy Tu Le, découverte à Paris par le cinéaste. La mort représentée de son personnage ne correspond cependant pas à la réalité : elle est plus spectaculaire dans le film. Ce n’est d’ailleurs pas la seule modification opérée par le scénario. En revanche, l’Opération Turner, brièvement montrée et dont le nom est inscrit à un moment sur l’écran, a effectivement bien eu lieu durant l’année 1966.
La section centrale (celle consacrée à la guerre du Viêt-Nam) occupe l’essentiel du métrage : ses combats sont d’une violence graphique remarquable. Historiquement, la mort diurne du jeune soldat dans un piège de bambous illustre la réalité statistique de la terrible efficacité de ces pièges ; le fusil lance-grenade M79 de Eriksson aurait effectivement atteint par chance une grenade ennemie durant sa course. En revanche, la version automatique XM177 à canon court du fusil M16, arborée par Meserve, est en réalité un Colt Sporter II semi-automatique (fabriqué en 1987 donc vingt ans après la date de l’action) tandis que la grenade à main M26, destinée à tuer Eriksson dans les toilettes de la base, n’a pas la capacité de destruction représentée. Les meilleures séquences de combat sont celle de l’attaque nocturne au mortier, admirablement montée et au suspense alors en partie inédit ― le thème des tunnels Viêt-Cong (important facteur stratégique et tactique durant la guerre du Viêt-Nam) ne deviendra que bien plus tard le sujet à part entière d’un film, à savoir le très impressionnant The Last Squad (1968 Tunnel Rats, Can.-All. 2007) de Uwe Boll ― et celle de l’attaque surprise diurne du champ de riz.
Le fait que, dans Outrages, toute la partie centrale soit à la fois un souvenir et un cauchemar d’Eriksson ainsi que sa rencontre finale avec une sorte de double de l’héroïne, témoignent du goût de De Palma pour le cinéma fantastique : le temps linéaire devient étrangement corrompu par cette décision narrative, produisant un effet au moins insolite. On se demande si Outrages ne pourrait pas, au fond, être considéré tout entier comme un cauchemar ? Un peu comme, autrefois, on pouvait se le demander à propos du film d’espionnage si admirablement imprégné de fantastique qu’était Le Rideau déchiré (USA 1966) d’Alfred Hitchcock, cinéaste à qui De Palma rendit, comme on sait, si souvent hommage. La réponse est évidemment négative puisque l’histoire de Outrages repose sur des faits réels mais il demeure tout de même quelque chose de cette intéressante ambivalence lorsqu’on visionne le film. La fin prévue par le scénariste (un ancien du Viêt-Nam à la différence de De Palma qui se fit réformer au moyen d’une ruse) était bien plus pessimiste puisqu’elle montrait le héros faire un second cauchemar dans lequel il subissait la vengeance du sergent. De Palma s’y opposa et préféra une fin plus optimiste que le même scénariste avait également écrite mais qu’il refusa de valider.
Au crédit de Outrages, il faut lui reconnaître un interprétation habitée et des qualités graphiques évidentes (ainsi qu’une excellente réalisation technique de seconde équipe dirigée par Eric Schwab) mais la structure du scénario remplace dans sa dernière partie l’action violente de la guerre ― celle qu’attendait en priorité le grand public ― par une action relevant d’un autre genre (le film policier et sa catégorie « procès filmé ») dont l’emprise fut d’ailleurs encore rallongée d’une dizaine de minutes dans la version longue remontée « extended cut » (= la director’s cut visible sur le Blu-ray de cette édition). Outrages vire du témoignage à la démonstration, certes puissante et stylée sur la forme mais assez pesante et attendue sur le fond. Outrages fut, à sa sortie, un relatif échec critique et financier. Sans doute, aussi, parce qu’il arrivait à la fin d’une vague cinématographique initiée par Apocalypse Now (USA 1979) de Francis Ford Coppola : pendant dix ans, de 1979 à 1989, les écrans américains avaient été inondés de superproductions sur la guerre du Viêt-Nam, traitant assez régulièrement le thème du crime de guerre.
Outrages demeure, certes, un film assez personnel de De Palma qui disposa d’une grande liberté créatrice pour le réaliser mais il arrivait en 1989 trop tard pour être considéré comme original : il produisait plutôt l’effet d’une assez pesante redite en dépit de sa perfection formelle. Aujourd’hui, cet effet s’est évidemment estompé avec le temps écoulé : on peut juger Outrages plus sereinement mais il n’en reste pas moins que c’est d’abord sur le plan esthétique qu’il mérite d’être revu, en raison, notamment, d’un montage très sophistiqué.
Coffret collector (format 22 x 22 x 3 cm) sous étui protecteur illustré, limité à 2500 exemplaires, édité par Wild Side Vidéo le 01 décembre 2021 : 1 Blu-ray 50 région B (film en director’s cut et suppléments complets) + 1 DVD-9 (film en version cinéma et moins de suppléments) + 1 livret illustré 200 pages couleurs et N&B. Durée du film : 119 min. env. (sur Blu-ray), 109 min. (sur DVD). Image couleurs au format 2.40 compatible 16/9, encodé AVC en 1080p (sur Blu-ray Full HD) et MPEG-2 (sur DVD-9). Son VOSTF à la norme DTS HD Master Audio 5.1. et 1.0. + VF d’époque 1.0 (sur Blu-ray), en Dolby Digital sur DVD. Durée du film : 124 min. sur Blu-ray, 119 mn sur DVD. Possibilité de changer de piste-son à la volée.
Livret relié 200 pages illustrées couleurs + N&B, Une obsession viêtnamienne de Nathan Réra.
Très richement illustré, principalement par des photos (récemment retrouvées) prises par Monica Goldstein, l’ancienne assistante du réalisateur, sans oublier celles du photographe de plateau Roland Neveu. Il y a même des « planches-contact » ayant servi à la sélection des photos de production et d’exploitation (les photos françaises d’exploitation sont absentes mais sont présentées à la fin d’un des bonus vidéo, durant son générique de fin). Réra brosse avec une grande précision la genèse (y compris les réactions de De Palma aux films de 1970 et 1972) du film, son tournage thaïlandais (une impressionnante feuille originale du plan de tournage dactylographié, celle de la journée du vendredi 8 avril 1988, est impeccablement reproduite sur une double page), sa post-production et, enfin, sa réception critique et financière, la place qu’il occupe dans la filmographie de De Palma.
Certains bonus (datés 2001 à leur générique de fin) sont repris de l’ancienne édition DVD Sony mais demeurent remarquables. Les bonus récents (datés 2021) les complètent.
The Making of Casualties of War (2001, 30’09”, VOSTF, sur Blu-ray et sur DVD) : signé Laurent Bouzereau, c’est le bonus vidéo majeur à visionner en priorité. Il est, comme d’habitude avec Bouzereau, riche en informations matérielles et en témoignages de première main. De Palma y dit par exemple avoir été sensible, concernant la séquence de combat nocturne, à l’absence de repères géométriques dans la jungle tropicale asiatique, absence que sa mise en scène a bien restituée. Il précise pourquoi il modifia la fin voulue par le scénariste et bien d’autres choses encore. Nombreuses images d’archives montrant le tournage en Thaïlande sans oublier les inévitables extraits du film de référence.
Eriksson’s War (exclusif Blu-ray, 2001, 17’59”, VOSTF): entretien avec l’acteur Michael J. Fox qui se souvient notamment de ses relations avec l’autre star du film, l’acteur Sean Penn, ainsi que des entraînements physiques et militaires assez rudes supportés par les acteurs, et qui affirme sa grande fierté d’avoir interprété le rôle d’Eriksson.
Des ténèbres à la lumière (exclusif Blu-ray, 2021, 41’, VOSTF) : remarquable entretien avec Eric Schwab, le réalisateur de seconde équipe, qui complète très bien les informations autrefois fournies par le documentaire de Bouzereau. Schwab retrace très précisément la préparation, la sélection des extérieurs (y compris ceux de San Francisco), les conditions du tournage, indique certains des plans dont il fut responsable (notamment celui, très beau, de la section vue de loin en train de gravir une colline), ses relations avec Brian De Palma, sans oublier la réception critique et financière du film. Illustré d’assez nombreuses photos et d’extraits du film.
Casualties of War : Journal (exclusif Blu-ray, 2021, 25’11”, VOST) : il s’agit de bobines super 8mm filmées par Monica Goldstein, l’assistante de De Palma, durant le tournage. Au moyen d’un écran divisé en plusieurs sections (« split screen »), on peut comparer en temps réel ce qu’elle montre avec le plan correspondant achevé du film. Quelques indications divisent l’ensemble en chapitres.
Bande-annonce (2’09”, VOSTF, recadrée 1.78) : en assez bon état argentique, très bien montée (à l’image du film de référence).
Ensemble remarquable couvrant tous les aspects du film.
Restauration Full HD 1080p au format original 2.40 compatible 16/9. Copie argentique parfaitement restaurée : quelques poussières blanches visibles sur le générique de fin (sur fond noir, ce qui permet de mieux les distinguer) et une petite brûlure argentique en bas à droite de l’image visible une fraction de secondes entre 2’26” et 2’27” (relevé sur minutage cinéma du Blu-ray) . Excellente définition vidéo qui en fait, sans difficulté, l’édition française de référence : le travail du directeur de la photographie Stephen H. Burum est admirablement restitué. Quelques effets spectaculaires : la prise de visée d’un objectif à travers l’oeilleton et le guidon du fusil M16, dans lequel le degré de profondeur de champ permet de visualiser les trois éléments avec une définition précise. Bon équilibrage entre grain et lissage : excellente restitution de la palette colorimétrique.
VOSTF en DTS Master Audio 5.1. et 2.0, VF d’époque en DTS Master Audio 5.1 (sur le Blu-ray), VOSTF en DTS Digital Surround 5.1., Dolby Digital 5.1. et VF en Dolby Digital 2.0 (sur le DVD) : offre riche, largement nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. La piste 5.1. VOSTF correspond historiquement à peu près au son entendu sur les copies positives 70mm. Comme d’habitude, la VO est bien mieux équilibrée et bien plus riche en nuances sonores que la VF d’époque qui souffre, en outre, de voix assez mal adaptées dramaturgiquement et trop mises en avant par rapport aux effets sonores. Musique signée Ennio Morricone, richement orchestrée, avec emploi de choeurs à certains moments.
Crédits images : © 1989 Columbia Pictures Industries, Inc. Tous droits réservés