Boulevard du crépuscule (1950) : le test complet du Blu-ray

Sunset Blvd.

Réalisé par Billy Wilder
Avec William Holden, Gloria Swanson et Erich von Stroheim

Édité par Paramount Pictures France

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Le 05/07/2022
Critique

À partir d’un argument de film noir policier, un étrange portrait d’Hollywood aux portes de la mort et de la folie.

Boulevard du crépuscule

USA, Los Angeles 1950 : le cadavre de Joe Gillis tué de plusieurs balles et noyé dans une piscine nous raconte, d’outre-tombe, son histoire. Norma Desmond, grande actrice du muet qui méprise le cinéma sonore, vit recluse dans sa luxueuse villa de Beverly Hills en compagnie de son majordome Max von Meyerling. Elle s’éprend de Joe, alors un scénariste sans le sou, qui fuyait les huissiers et s’était réfugié par erreur dans son garage. Joe, touché par la tentative de suicide qu’elle commet, accepte de travailler au scénario d’un film qui, selon Norma, serait produit par la Paramount, réalisé par Cecil B. De Mille et qui marquerait son retour à l’écran…

Boulevard du crépuscule (Sunset Boulevard, USA 1950) de Billy Wilder est au carrefour de plusieurs genres. Il se rattache d’abord au film noir policier puisqu’il y a un crime et que le mort raconte au spectateur, en voix-off, comment et pourquoi il fut tué. C’est ensuite un cruel drame psychologique qui s’achève par la folie et c’est, enfin et surtout, un étrange portrait d’Hollywood par lui-même auquel participa, dans son propre rôle, le cinéaste Cecil B. De Mille. Ce n’est nullement le premier titre important de l’histoire du cinéma à avoir pris pour sujet Hollywood - Eve (All About Eve, USA 1950) de Joseph L. Mankiewicz critique par exemple, la même année, Hollywood sous la forme d’une comédie acide bien moins dramatique - mais Boulevard du crépuscule est le premier qui, par sa virulence inédite et son insistance sur le rapport presque vampirique de la représentation à la réalité, s’avère le digne précurseur d’autres mises en abîme similaires, à la virulence équivalente, par exemple celles de Robert Aldrich (1955, 1962 et 1968), de John Schlesinger (1975) et John Byrum (1975 aussi) ou bien encore, plus récemment, de George Huang (1994). Signe qui ne trompe pas et qui manifeste l’importance que lui accorda la critique française : c’est une photo de l’actrice Gloria Swanson dans le rôle de Norma Desmond, fascinée par son image projetée sur un écran, que choisit la revue Les Cahiers du cinéma pour illustrer son numéro 1 d’avril 1951.

Boulevard du crépuscule

La première partie du Boulevard du crépuscule, celle où le héros passe sa première nuit puis s’installe dans la demeure de Norma, est la meilleure en raison de ses instants baroques ou insolites parfois presque fantastiques (la piscine vide envahie la nuit par des rats, les immenses salons fantomatiques, le majordome au physique inquiétant et au comportement inexplicable). L’acteur et cinéaste Eric von Stroheim fut utilisé par Wilder exactement comme on l’utilisait alors à Hollywood depuis la fin du cinéma muet : comme un acteur de série B de films fantastiques. La seconde partie est davantage conventionnelle et attendue mais elle est intéressante par son réalisme pointilliste et, surtout, rachetée par une fin éblouissante qui fait à nouveau basculer le film dans le fantastique le plus pur : la représentation y dévore cette fois-ci totalement la réalité, la folie et la mort revenant en force clore l’intrigue.

Sur le plan de l’histoire du cinéma, le film muet visionné par l’actrice dans sa salle de projection privée est un extrait de La Reine Kelly (Queen Kelly, USA 1928) d’Eric von Stroheim avec Gloria Swanson ; le péplum tourné sur le plateau n°18 de la Paramount est Samson et Dalila (USA 1949) de Cecil B. De Mille qui tient son propre rôle d’une manière remarquable ; les invités jouant au bridge avec Norma sont d’anciennes stars du cinéma muet, à commencer par le cinéaste et acteur Buster Keaton dans son propre rôle (d’ailleurs muet) ; enfin la chroniqueuse Hedda Hopper interprète à la fin du film son propre rôle. Boulevard du crépuscule provoqua, à l’issue d’une de ses projections privées organisée par la Paramount, la colère du producteur Louis B. Mayer de la MGM concurrente, furieux de l’image négative d’Hollywood donnée dans le film. Il menaça Wilder de l’empêcher de travailler : menace qui ne fut jamais suivie d’effets concrets.

Boulevard du crépuscule

Présentation - 4,5 / 5

1 Blu-ray BD50 multirégions ABC édité par Paramount le 23 février 2022. Image 1.37 N&B compatible 16/9 en 1080p AVC. Son Dolby True HD en VOSTF et Dolby Digital en VF d’époque + V espagnole et portugaise audio et STE, STP disponibles aussi. Édition collector dotée de nombreux bonus vidéo, amples et détaillés mais elle est dénuée du livret illustré de l’édition Blu-ray française antérieure.

Bonus - 4,5 / 5

Les bonus datés 2000 et 2002 ont été utilisés dans les anciennes éditions collector DVD de Paramount. Ceux datés 2008 proviennent de l’édition Paramount collector américaine Blu-ray de 2012. L’ensemble est riche en informations et témoignages de première main et aurait mérité la note maximale si le commentaire audio de Sikov avait été sous-titré.

Commentaire audio de Ed Sikov (VO) : il débute par une lecture de la séquence initialement prévue puis couvre tous les aspects du film : détails biographiques, informations filmographiques, histoire et genèse de la production, déroulement du tournage, caractéristiques de la partition musicale, interprétation des acteurs, aspects thématiques du scénario, réception commerciale et critique au moment de son exploitation en exclusivité. Malheureusement , il n’est pas sous-titré.

« Sunset Boulevard: The Beginning » (Sunset Boulevard : au commencement, 2008’, 22’47”, VOST) : l’actrice Nancy Olson, le producteur A.C. Lyles, le cinéaste Nicholas Meyer, l’historien Ed Sikov, reviennent sur la vie et l’oeuvre du cinéaste Billy Wilder, sa technique narrative et sa mise en scène dans ce film de 1950. Ils discutent la signification du titre, son casting et les relations entretenues par les quatre personnages principaux, sans oublier la contribution du cinéaste Cecil B. DeMille.

« Sunset Boulevard: A Look Back » (Souvenirs de Sunset Boulevard, 2002, 25’52”, VOSTF) : les actrices Nancy Olson et Glenn Close, le producteur A.C. Lyles, les historiens et critiques Ed Sikow et Andrew Sarris se penchent sur l’ouverture du film, ses lieux de tournage. Ils examinent la vie et l’oeuvre de Billy Wilder, les réactions suscitées par le titre de 1950, son interprétation dramaturgique, l’implication de DeMille, sa réception critique et commerciale, ses diverses récompenses et nominations aux Oscars, sa vie posthume à travers les titres ultérierus qu’il a inspirés et ses adaptations au théâtre. Celui qui n’a pas le temps de visionner l’ensemble des bonus pourra se contenter de celui-là, très riche en informations et en témoignages.

« The Noir Side of Sunset Boulevard » (Sunset Boulevard en tant que film noir, 14’19”, VOSTF) : l’écrivain et scénariste Joseph Wambaugh - ancien policier de Los Angeles dont les oeuvres furent notamment adaptées durant les années 1970 par des cinéastes du calibre de Robert Aldrich, Harold Becker et Richard Fleischer - se souvient de ses réactions à la découverte du film de 1950, de l’interprétation de Gloria Swanson et de bien d’autres choses encore. Il examine les aspects par lesquels ce titre de Wilder se rattache au film noir policier classique, ceux par lesquels il s’en écarte.

« Sunset Boulevard Becomes a Classic » (Sunset Boulevard devient un classique, 2008, 14’29”, VOSTF) : les actrices Gloria Swanson, Stefanie Powers et Glenn Close, les critiques Andrew Sarris et Ed Sikov, le cinéaste Nicholas Meyer discutent de la réception commerciale et critique du film, de sa thématique, de sa critique d’Hollywood, de ses récompenses et de ses nominations, de la version adaptée pour la scène à Broadway en 2006 avec Glenn Close, et de quelques autres aspects du film.

Boulevard du crépuscule

« Two Sides of Ms. Swanson » (Les deux visages de mademoiselle Swanson, 2008, 10’37”, VOSTF) : la petite fille de Gloria Swanson et l’actrice Linda Harrison (jolie brune qui avait été sa partenaire sur Airport 75 : 747 en péril) évoquent la vie et la carrière de l’actrice Gloria Swanson, l’importance du titre de 1950 dans sa filmographie. Très nombreuses photos d’archives et quelques extraits d’entretien TV avec l’actrice.

« Stories of Sunset Boulevard » (Anecdotes sur Sunset Boulevard, 2008, 11’22”, VOSTF) : Nancy Olson, Nicholas Meyer, Andrew Sarris et Ed Sikov échangent quelques anecdotes sur le premier plan du film et son ultime séquence, sur son tournage en général. Nancy Olson se souvient précisément de la manière dont Wilder la dirigea dans telle ou telle séquence, de sa scène d’amour nocturne avec Holden.

« Mad About the Boy: A Portrait of William Holden » (On était folle de lui : portrait de William Holden, 2008, 11’13”, VOSTF) : une évocation synthétique de la vie et de la carrière filmographique de l’acteur William Holden par les actrices Nancy Olson (qui fut sa partenaire sur plusieurs titres) et Stefanie Powers qui vécut avec lui jusqu’à sa mort, par le policier et écrivain Joseph Wambaugh qui rapporte une savoureuse anecdote et par A.C. Lyles qui raconte d’une manière très vivante ses débuts au théâtre puis au cinéma. Quelques extraits de film (Les Ponts de Toko-Ri, le film préféré de Holden parmi ceux qu’il avait tournés, nous dit-on), nombreuses photos en illustrations. Le titre de ce bonus est une allusion à la formule amoureuse inscrite dans l’étui à cigarettes en or massif que Norma a offert à Joe.

« Recording Sunset Boulevard » (Enregistrer Sunset Boulevard, 2008, 5’51”, VOSTF) : le critique Andrew Sarris et le producteur d’un réenregistrement effectué en 2002 de la musique du film de 1950 reviennent sur les caractéristiques de la partition composée par Franz Waxman.

« The City of Sunset Boulevard » (La ville de Sunset Boulevard, 2008, 5’36”, VOSTF) : Nancy Olson, Ed Sikov et Borislav Stanic examinent les divers extérieurs filmés en 1950 et leur histoire urbaine et architecturale. Bien monté et riche en anecdotes sans oublier une précision biographique sur l’actrice Lana Turner.

« Franz Waxman and the Music of Sunset Boulevard » (Franz Waxman et la musique de Sunset Boulevard, 2002, 14’27”, VOSTF) : le fils de John Waxman raconte la vie (des USA à Berlin et retour) et les techniques de composition de son père. Les compositeurs Elmer Berstein et John Mauceri expliquent la manière dont les compositeurs travaillaient à l’époque et la manière dont Waxman composa sa partition. C’est Mauceri qui résume le mieux les thèmes du film, de tous ceux convoqués dans ces bonus.

Boulevard du crépuscule

Pages du script des deux versions du prologue à la morgue (VO) : comparaison visuelle du prologue original et de sa version revue dans les scénarios originaux. Wilder abandonna son idée initiale (faire discuter des cadavres à la morgue) qui avait provoqué l’hilarité des spectateurs lors d’une projection privée à la Paramount. Il la remplaça par la scène visible au début du film, qui fut techniquement complexe à réaliser car les prises de vue sous-marine étaient plus difficiles à réaliser en 1950 qu’aujourd’hui.

Scène coupée : « The Paramount Don’t Want Me Blues » (1.37 N&B, durée 1’26”, VOSTF). Chanson coupée de la continuité dans laquelle les figurants se moquent des différents studios (Paramount, MGM, Fox, RKO) sans méchanceté.

Carte interactive de 5 lieux d’Hollywood (VOSTF) : carte interactive de la géographie de l’action du film, munie d’icônes cliquables permettant d’ouvrir de petits documentaires sur chaque lieu important de l’action et sur un accessoire : la voiture italienne.

« Behind the Gates: The Lot » (Derrière les grilles de la Paramount, 2008, 5’05”, VOSTF) :le producteur A.C. Lyles et l’historien du cinéma Rudy Behlmer résument clairement l’histoire du studio Paramount, de sa fondation à New York à partir de la réunion de trois sociétés distinctes jusqu’à son installation à Los Angeles et son extension par le rachat des studios RKO et Desilu.

« Edith Head: The Paramount Years » (Les années Paramount de Edith Head, 2002, 13’43”, VOSTF) : la vie et la carrière de cette célèbre dessinatrice de costumes dont on examine ici la période durant laquelle elle collabora à des titres classiques de la Paramount.

« Paramount in the 50’s » (Paramount dans les années 50, 2000, 9’33”, VOSTF) : une sélection des titres classiques produits durant les années 1950 par la Paramount. Pesant et sans grand intérêt pour le cinéphile car la sélection des titres (et de leurs extraits) n’a pas été opérée selon des critères critiques : des films très bons ou bons y voisinent avec des titres insipides (en dépit de leur budget).

3 galeries photos (production, film, promotion) : riche et comportant plusieurs dizaines de documents N&B, parfaitement reproduits. la première section comporte de nombreuses photos de tournage, les deux suivantes de nombreuses photos de plateau et, probablement, celles d’exploitation mais pas sous leur forme finale de « lobby cards », sous leur forme native de photos N&B prises en vue d’être utilisées ultérieurement comme lobby cards. Comme le nom de cette section l’indique, aucune affiche reproduite.

Bande-annonce originale de 1950 (1.37 N&B, durée 3’16”, VO) : en assez bon état argentique, elle rappelle que Le Poison (The Lost Week-End, USA 1945) de Billy Wilder avait obtenu quatre nominations aux Oscars et rajoute au titre Boulevard du crépuscule un sous-titre : A Hollywood Story.

Boulevard du crépuscule

Image - 5,0 / 5

Format 1.37 N&B compatible 16/9 en 1080p AVC sur Blu-ray : copie argentique impeccablement nettoyée, transfert numérique restituant la moindre nuance du dégradé noir-gris-blanc de certains plans. Le grain est assez bien préservé, lui aussi : voir la célèbre séquence de la projection privée : la moindre poussière volant dans le rayon du projecteur y semble en relief tant la définition est précise. La meilleure image vue en Full HD.

Son - 5,0 / 5

VOSTF Dolby Audio True HD + VF d’époque Dolby Audio DD (+ Vespagnole et portuguaise Dolby Audio DD) : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. La VF d’époque est sympathique et soignée mais il faut tout de même préférer, à la fois techniquement et dramaturgiquement, la VOSTF qui permet de mesurer les dictions plus nuancées de William Holden. Musique signé Franz Waxman (un des grands compositeurs de la Paramount) qui avait connu le cinéaste Billy Wilder à Berlin.

Crédits images : © 2008 Paramount Pictures. All rights reserved.

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
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francis moury
Le 6 juillet 2022
À partir d’un argument de film noir policier, un étrange portrait d’Hollywood aux portes de la mort et de la folie qui inspira par la suite plusieurs autres cinéastes américains. La Paramount contribua d'une manière presque documentaire à la réalisation de certaines séquences de la seconde partie.
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P. de Melun
Le 23 février 2021
Un film plaisant construit sous la forme d'une enquête policière menée, par un petit scénariste d'Hollywood sans grand talent et fauché qui rencontre une ancienne star du film muet vivant dans la déchéance de sa gloire passée. La construction sous forme d'enquête est agréable. Les personnages sont psychologiquement tordus et la tension est présente tout au long du film, un peu lent à certains moments. Bon film sur le cinéma, sur les stars, la passion, sur la gloire et ses dérives.
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Franck Brissard
Le 7 novembre 2014
Pas de commentaire.

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