Réalisé par Kiyoshi Kurosawa
Avec
Yu Aoi, Issey Takahashi et Masahiro Higashide
Édité par ARTE ÉDITIONS
Kobe, 1941. Yusaku et sa femme Satoko vivent comme un couple moderne et épanoui, loin de la tension grandissante entre le Japon et l’Occident. Mais après un voyage en Mandchourie, Yusaku commence à agir étrangement… Au point d’attirer les soupçons de sa femme et des autorités. Que leur cache-t-il ? Et jusqu’où Satoko est-elle prête à aller pour le savoir ?
Les Amants sacrifiés (Supai no tsuma), produit par la chaine publique NHK, réalisé en 2020 par Kiyoshi Kurosawa, récompensé à Venise en 2021 par le Lion d’argent de la mise en scène, développe une histoire originale écrite par deux de ses anciens élèves à l’Université des Arts de Tokyo, Ryûsuke Hamaguchi, scénariste et réalisateur de Drive My Car (Doraibu mai kâ), salué en 2021 à Cannes par le Prix du meilleur scénario, et Tadashi Nohara, réalisateur de trois longs métrages non distribués en France et coscénariste de Senses (Happî awâ, Ryûsuke Hamaguchi, 2015). Une bonne occasion de rappeler la sortie par Arte Éditions en 2019 de l’excellent coffret 3 films de Ryûsuke Hamaguchi : Senses + Asako I & II + Passion, accompagné d’un long entretien de 64’ pages avec le réalisateur, conduit par Dimitri Ianni.
Les Amants sacrifiés rappelle des faits historiques. L’Unité 731 de l’armée impériale, créée en 1932, dont l’existence n’a été officiellement reconnue par le Japon qu’en 2002, était officiellement dédiée « à la prévention des épidémies et à la purification de l’eau ». En réalité, pour appuyer l’expansion japonaise en Asie, elle mettait au point des armes biologiques en se livrant à des expérimentations humaines qui firent en Mandchourie, une province chinoise occupée depuis 1931, de 300 000 à 480 000 victimes. Elle est, aujourd’hui, reconnue responsable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
Les Amants sacrifiés peine à soulever l’émotion, à susciter l’empathie du spectateur envers le couple, probablement un choix de mise en scène de Kiyoshi Kurosawa, dont l’oeuvre n’est pas orientée vers le cinéma romantique. Cette option, qui pourra décevoir certains, met en avant l’affrontement entre l’individu et la société, un thème récurrent de sa filmographie, qu’il avait par exemple exploité, sur le registre de l’horreur, en 1987 avec Cure (Kyua). La tension dramatique, dans une ambiance hitchcockienne, est solidement soutenue sur les doutes que fait naître chez Satoko, donc chez le spectateur, l’étrange comportement de Yusaku.
Le film relève un défi en filmant à Kobe, devenue une ville industrielle et moderne, une histoire censée se dérouler 80 ans en arrière, en situant le domicile de Yusaku et Satoko dans une des rares villas de style occidental, un choix qui, avec le soin porté aux costumes et aux accessoires, contribue efficacement à l’esthétique de l’oeuvre.
Les Amants sacrifiés bénéficie également de la performance des deux acteurs. Issey Takahashi célèbre au Japon pour plus d’une centaine de rôles, surtout à la télévision, peu connu ailleurs bien que Quentin Tarantino lui ait attribué le personnage de Crazy 88 dans Kill Bill Vol. 1 et Kill Bill Vol. 2, incarne Yusaku. Yû Aoi, également connue au Japon avec près d’une centaine de contributions à la télévision et au cinéma, donne au personnage principal de Satoko, avec un jeu retenu, toute l’épaisseur autorisée par le scénario.
Les Amants sacrifiés (117 minutes) tient sur un Blu-ray BD-50 logé dans le traditionnel boîtier bleu, glissé dans un étui.
Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, en japonais, avec sous-titres optionnels, avec le choix entre deux formats audio, DTS-HD Master Audio 5.1 ou 2.0 stéréo.
On peut s’étonner qu’aucune édition 4K UHD d’un film tourné avec caméra 8K ne soit pas encore disponible, pas même au Japon.
Un livret de 20 pages, contient des Notes du réalisateur qui rappelle avoir été approché par Ryûsuke Hamaguchi et Tadashi Nohara pour la réalisation, filmée avec une caméra 8K, de son premier film en costumes. Il y reprend les thèmes récurrents de son cinéma, « la façon dont la société est structurée et comment l’individu y adhère ou se bat contre le système ». Le film, situé en des temps où « le peuple tout entier avait fait le choix de la guerre et de l’orgueil (…) s’intéresse plus aux enjeux psychologiques et moraux de la guerre qu’à sa représentation ». Suit un Entretien avec Kiyoshi Kurosawa dans lequel le réalisateur évoque sa collaboration avec les deux acteurs principaux, Yû Aoi et Issey Takahashi, puis avec Ryûsuke Hamaguchi et Tadashi Nohara, auteurs d’un scénario « romantique (…) en hommage au cinéma japonais des années 40 (…), à Sadao Yamanaka, mobilisé en Mandchourie où il décéda à l’âge de 29 ans (…), mais aussi à Mizoguchi ». L’image en résolution du 8K est si détaillée qu’elle a nécessité un travail en postproduction. La situation actuelle et celle de la seconde guerre mondiale sont incomparables, mais « la société vous surveille pour détecter d’éventuels signes de déviation ». Le livret se referme sur des repères historiques, un rapide survol de l’expansion japonaise en Asie, de la guerre du Pacifique, de Pearl Harbor à la reddition du 2 septembre 1945, sur de courtes biographies du réalisateur, des scénaristes, des deux acteurs et sur les fiches technique et artistique du film.
Une édition DVD est disponible avec le même contenu.
Aucun supplément vidéo.
L’image numérique (1.85:1, 1080p, AVC), avec une résolution pointue, déploie une palette de couleurs soigneusement étalonnées. D’une fine texture, lumineuse, agréablement contrastée, avec des noirs denses, toujours modelés, jamais bouchée, elle assure une parfaite lisibilité de tous les plans, y compris pour les prises en très basse lumière.
Le son DTS-HD Master Audio 5.1, d’une irréprochable qualité, garantit une restitution limpide des dialogues et fine de l’accompagnement musical. La répartition du signal sur les cinq canaux génère une efficace impression d’immersion dans l’action.
Le format DTS-HD Master Audio 7.1 aurait justifié la note maximale.
Crédits images : © C&I Entertainment, ENBU Seminar, Incline, Kirinzi, NHK, Weroll