Caltiki - Le monstre immortel (1959) : le test complet du Blu-ray

Caltiki, il mostro immortale

Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre

Réalisé par Riccardo Freda
Avec John Merivale, Didi Perego et Daniela Rocca

Édité par Artus Films

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Le 19/04/2022
Critique

Film fantastique de Riccardo Freda au savoureux scénario et aux effets spéciaux réalisés par Mario Bava.

Caltiki, le monstre immortel

En 607 de notre ère, la civilisation Maya (au Sud de Mexico) émigre brusquement sans qu’on puisse en connaître la cause. En 1960, des archéologues découvrent là-bas un site remarquable mais ils sont décimés par la faute d’un monstre vivant dans le lac d’une grotte. Elle recèle le temple caché d’une déesse légendaire par sa soif de sang : Caltiki ! Une étrange radioactivité y est relevée. De retour à Mexico, le professeur Fielding ne va pas tarder à découvrir la nature cosmique d’un étrange péril qui nous menace tous les 1353 ans, risquant de fournir une nouvelle puissance à Caltiki afin de détruire le monde entier.

Caltiki le monstre immortel (Ital. 1959) de Riccardo Freda (1909-1999) débute comme un film d’aventure, se poursuit comme un film fantastique et s’achève comme un film de science-fiction.

Certes, aux yeux du connaisseur cinéphile de 1959, son monstre inhumain ne manque pas de ressembler plastiquement à ceux de titres réalisés par Val Guest en 1957, par Irving S. Yeaworth Jr. en 1958 mais il faut noter que c’est le matériel publicitaire américain qui insista sur la ressemblance avec le film de 1958 tandis que les matériels publicitaires français, italien et belge ne le soulignaient absolument pas. Quant au personnage de Max Gunther joué par Gérard Herter - ce monstre humain au bras dévoré par une substance inconnue, devenu fou criminel puis fugitif - il rappelle évidemment (y compris par une ressemblance de visage entre les deux comédiens) le personnage joué par Richard Wordsworth dans Le Monstre (Quatermass Xperiment, GB 1955) de Val Guest. On peut encore noter l’emprunt d’une idée au film de Guest de 1955 : la vision d’un film Super8mm muet (ici tourné par l’explorateur assassiné et son assistant) de facture cependant plus classique que l’étrange document expérimental (au sens strict) visible dans celui de Guest. Et signaler que Freda prend le contrepied du titre de 1955 concernant la rencontre du monstre avec une petite fille, rencontre ici avortée : l’origine lointaine de l’idée d’une telle rencontre entre un monstre et une petite fille remonte certainement à une séquence (parfois censurée) du Frankenstein (USA 1931) de James Whale.

Pourtant, en dépit de ces évidents emprunts (ou « contre-emprunts »), l’originalité de Caltiki le monstre immortel est sauvé par plusieurs éléments :

D’abord un scénario assez riche dont la ligne narrative demeure dynamique et très serrée. Son alliance d’un argument terrifiant d’histoire des religions et d’un argument de science-fiction permet de l’inscrire dans une noble lignée de films fantastiques : sur le plan littéraire, on peut même y relever une possible influence lovecraftienne.

Ensuite, une beauté plastique procurée par une magnifique photographie en N&B très nuancée, dotée d’effets spéciaux économiques mais souvent raffinés dus à Mario Bava (les miniatures de la jungle, l’éruption volcanique qui servent de toile de fond au magnifique pré-générique), riche en très beaux mouvements d’appareils (la découverte du lac souterrain par un demi-panoramique). A contrario, certains effets souffrent d’une évidente rapidité et d’une grande pauvreté : l’explosion du camion destiné à couvrir la fuite des explorateurs, les chars de l’assaut final sont de visibles petites maquettes, au demeurant mignonnes. Les jeux visuels sur l’échelle des grandeurs sont inégalement réussis mais lorsqu’ils le sont, ils devaient être impressionnants sur grand écran cinéma.

Enfin sa puissance dramaturgique : Caltiki le monstre immortel s’inscrit en effet dans la veine sombre de la filmographie de Freda en raison de la peinture de Max, devenu ivre de puissance et agissant souterrainement, une fois contaminé par le monstre, puis rattrapé par le destin. Max Gunther est bien un personnage typique de cette veine sombre : personnage maudit, détenteur d’une puissance occulte qui le dévore au propre comme au figuré. Les dialogues et la direction d’acteurs demeurent naturels, sans aucune faille ni temps mort. Les personnages sont si bien dessinés qu’on peut se les remémorer, bien des années plus tard, bien que leur schématisme soit celui d’une bande-dessinée.

Les historiens et cinéphiles se sont longtemps posé la question de savoir quelle était la part exacte du cinéaste Mario Bava dans la réalisation de Caltiki le monstre immortel : les progrès de l’histoire du cinéma, le recoupement des témoignages, la publication de livres documentés permettent aujourd’hui de dire que Freda dirigea la majorité des scènes dramatiques et que son ami Bava fut chargé de l’ensemble des plans munis d’effets spéciaux.

Caltiki, le monstre immortel

Présentation - 5,0 / 5

1 mediabook collector Artus, édité le 19 avril 2022, contenant 1 DVD-9 PAL zone 2 + 1 Blu-ray 25 région B + 1 livret illustré de 64 pages. Durée du film (version intégrale) : 76 min. environ (sur Blu-ray). Format 1.66 original respecté N&B compatible 16/9. Son Linear PCM VOitalienneSTF 2.0 mono + VF d’époque mono sur Blu-ray, Dolby Digital mono sur DVD. Suppléments : livret 62 pages illustrées par Christian Lucas + présentation par Stéphane Derdérian & Christian Lucas (19 min. env.) + + diaporama affiches et photos (3 min. 30 sec. env.) + bande-annonce allemande (VO, 3 min. env.). Beau coffret bien présenté dans un élégant digipack (seul le système de fixation des disques est peu intuitif et me semble en outre un peu fragile), disques munis d’élégantes sérigraphies. Deux erreurs à signaler au verso de l’étui : le film n’est pas présenté par Christian Lucas mais par Stéphane Derdérian ; son format n’est pas « CinémaScope 1.66 » mais 1.66 tout court.

Livret 64 pages illustrées couleurs + N&Bpar Christian Lucas.

La première partie (pages 3 à 26) est consacrée au film, à sa genèse, sa production, son tournage, son exploitation. Elle est très précise, riches en informations et en témoignages, notamment en déclarations des cinéastes Riccardo Freda et Mario Bava. La seconde partie (pages 27 à 59) s’attache à sa situation dans l’histoire du cinéma fantastique en le comparant thématiquement avec des films antérieurs (on remonte jusqu’en 1951) et postérieurs, en le situant dans l’oeuvre de Bava sur le plan générique. Cette seconde partie est parsemée de notations parfois savoureuses ou précises d’histoire du cinéma mais elle est très inégale car, globalement, elle pêche par excès : dans certains cas, la « liste des points communs » (qui ponctue la fin de chaque fiche technique mentionnée) est constituée par la présence d’un savant ou au fait que deux hommes aiment la même femme. De la sorte, on pourrait extrapoler et même, éventuellement, indiquer dans une telle liste l’ensemble des films de l’histoire du cinéma puisque des hommes et des femmes apparaissent dans leurs titres. Le titre de Don Siegel de 1955 est mentionné mais le rédacteur du livret reconnaît qu’il n’a aucun rapport avec le film de Freda : il s’en excuse en expliquant que son importance dans l’histoire du cinéma méritait une mention : le lecteur appréciera à sa mesure cette naïve excuse. Bref, cette seconde partie, à défaut d’être sérieuse, est parfois drôle. Certaines notations critiques sont très discutables : on peut, par exemple, ne pas être d’accord avec le jugement porté sur le film de science-fiction japonais d’Inoshiro Honda de 1958. Un défaut très gênant dépareille assez régulièrement le texte : l’emploi de tournures familières (p.16 : « le grand Mario »), argotiques et populaires (p.55 : « malgré ce fourre-tout cheap »), ou franchement vulgaires (p.11. : « son épouse, une bombasse aux tenues sexy », « le salopard en rut »). Les émotions ne sont pas, du moins dans les manuels universitaires de psychologie qui les étudient couramment, des « parasites mentaux » (sic, p. 32). L’histoire du cinéma est parfois elle-même prise en défaut : on nous assure qu’un film réalisé en 1959 par Ib Melchior est « original » (p.40) car les séquences filmées sur la planète Mars sont teintées en monochrome rouge : c’est pourtant une simple reprise de l’idée déjà visible dans le classique 24 heures chez les martiens (Rocketship X-M, USA 1950) de Kurt Neumann. L’iconographie n’est pas vraiment à la hauteur car la plupart des affiches sont petites voire même très petites : seulement deux (p.20 et p.50) sont présentées pleine page (sans tenir compte de la marge blanche). Quant aux mignonnes lobby cards américaines du film de Freda, rassemblées sur deux ou trois pages, elles font doublon avec celles, bien mieux reproduites, du diaporama. La bibliographie finale ne mentionne pas l’édition de l’autobiographie de Riccardo Freda alors qu’un extrait en est cité aux pp. 4-5 ni les éditeurs des textes mentionnés, parfois cités, de H.P. Lovecraft et de Richard Matheson.

Caltiki, le monstre immortel

Bonus - 5,0 / 5

Ces bonus sont visibles aussi bien sur le Blu-ray que sur le DVD. Ils présentent d’utiles informations et des documents rares.

Présentation par Stéphane Derderian (2022, 19’) : elle constitue une méticuleuse introduction historique au titre, parfois noyée sous les références filmographiques. Le thème du Mexique fut peut-être choisi par les producteurs, selon Stéphane, en raison des sorties italiennes des films de Fernando Mendez : hypothèse intéressante qui lui donne matière à nous montrer les affiches italiennes des deux films de Mendez également distribués en France à la même époque. Documents rares qu’on prend plaisir à contempler. Digression relative mais qu’importe : on est en bonne compagnie et c’est l’occasion d’observer de bien belles affiches ! Sans oublier, à propos de la constitution de la notion française de « cinéma-bis » dont il brosse à un moment l’histoire, celle d’observer les pages d’un numéro rare de la petite mais si mignonne revue Cinéma 63 !

« Bava & Freda » : par Christian Lucas (2022, 10’24”) : Pour le connaisseur de l’histoire du cinéma fantastique, un intéressant problème s’est longtemps posé : celui des débuts de Bava à la mise en scène durant la période 1956-1959. On se souvient que Pascal Martinet affirmait (dans son livre de 1984) que Freda avait quitté le film dès les premiers jours de tournage alors que Gérard Lenne (dans son entretien filmé annexé au bonus de l’édition DVD Seven 7 en 2008) situait ce remplacement plus tardivement puisqu’il affirmait que Bava « termine le film » à la place de Freda. En réalite, in medio stat virtus : Freda ne débutait pas un film sans l’avoir préparé, et bien des éléments du scénario, voire de la mise en scène, portent la marque de sa filmographie fantastique sélective. On en sait aujourd’hui, grâce à l’histoire du cinéma, bien davantage sur la division du travail entre Bava et Freda sur ce titre. Globalement, Freda a dirigé les scènes dramatiques et Bava les effets spéciaux. Lucas s’attache ici à présenter les diverses collaborations de Bava avec Freda (ce qui illustre les pages 3 à 5 du livret, également consacrées à ce sujet).

Générique français (1’21”) : on le trouvait déjà sur l’ancien DVD Seven 7 : heureusement qu’il a été ici repris. Tout comme le générique italien, il est composé en partie de pseudonymes. On se souvient que dans le générique de la copie américaine, Bava figurait même sous un nom masculin puis féminin selon qu’il était crédité comme directeur de la photographie ou comme directeur des effets spéciaux ! Concernant le pseudonyme de Freda, orthographié « Robert Hampton » sur le générique italien et « Robert Hamton » sur le générique français, Jean-Pierre Bouyxou pensait que l’erreur était imputable au distributeur français Cosmopolis-Films Marboeuf. Pour sa part, Freda avait bien signé « Hampton » (avec un p) sur les affiches italiennes. C’est très probable et le diaporama confirme en tout cas la présence du p sur le matériel publicitaire italien, son absence sur les autres. Ajoutons que cette erreur française fut reprise par les affiches et photos américaines d’exploitation.

Diaporama d’affiches et photos (5’12”) : l’exemple de ce qu’il faut faire ! Environ 5 affiches, une dizaine de photos américaines coloriées d’exploitation (« lobby cards » : l’avant-dernière est curieusement anamorphosée) , une dizaine de photos américaines de production (« production stills »), et presque 25 photos de plateau (munies d’une mention circulaire inscrite au tampon en haut à droite de chaque photo). L’ensemble est en parfait état, très bien numérisé (sauf une photo américaine d’exploitation « lobby card » qui est anamorphosée) et très bien adapté à la taille d’un écran large UHD.

Bande-annonce (2’01”, VO sans STF, format 1.37) : en très mauvais état argentique et numérique, recadré de 1.66 en 1.37, c’est une bande-annonce américaine. J’aurais préféré une bande-annonce italienne ou française.

Caltiki, le monstre immortel

Image - 5,0 / 5

Format 1. 66 respecté, N&B compatible 16/9, en Full HD sur Blu-ray. Cette nouvelle édition numérique en Full HD permet de remiser au placard l’ancien DVD édité par Seven 7 en 2008. La copie argentique (au générique italien) est restaurée, la numérisation sacrifie un peu le grain mais son contraste et ses noirs sont parfaits. On est en présence de l’édition de référence numérique attendue depuis si longtemps. Le plan de la voiture américaine chutant d’un chemin de montagne ne provient pas de la continuité mais a été prélevé d’un épisode d’un serial américain, identifié et daté dans le livret. Ce qui explique que son grainage et que sa lumière soient légèrement différents de ceux de la continuité italienne. Cette édition Artus devient l’édition de référence française en Full HD.

Caltiki, le monstre immortel

Son - 4,0 / 5

VOSTF italienne et VF d’époque en Linear PCM 2.0 Mono : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. Pistes dans les deux cas en bon état même si la VF est un peu moins bien conservée (le niveau d’enregistrement varie assez d’une séquence à l’autre). C’est décidément Roberto Nicolosi (et non pas Roman Vlad, comme certaines sources, y compris américaines, le créditaient autrefois) qui a composé la musique.

Crédits images : © Galatea Film, Climax Pictures

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 20 avril 2022
Film fantastique de Riccardo Freda au scénario alliant science-fiction et histoire des religions, aux effets spéciaux réalisés par Mario Bava.

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