L'Extravagant Mr Deeds (1936) : le test complet du Blu-ray

Mr Deeds Goes to Town

Édition Digibook Collector - Blu-ray + DVD + Livret

Réalisé par Frank Capra
Avec Gary Cooper, Jean Arthur et George Bancroft

Édité par Wild Side Video

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Le 19/04/2022
Critique

Une nouvelle bouleverse la vie tranquille de Longfellow Deeds : la mort d’un oncle qu’il n’a jamais vu vient de faire de lui un millionnaire.

L'Extravagant Mr. Deeds

Longfellow Deeds, jeune homme tranquille et naïf, se rend à New York pour percevoir un héritage. Un avocat véreux et une journaliste à sensation mettent à profit sa candeur à des fins personnelles…

Frank Capra avait mis très haut la barre avec Lady for a Day, nommé pour quatre Oscars en 1933 et, surtout, avec New York - Miami (It Happened One Night), triomphalement salué en 1935 par cinq Oscars, dont celui du Meilleur film, du Meilleur réalisateur et du Meilleur scénario. Les deux autres, les Prix d’interprétation allèrent à Clark Gable et Claudette Colbert. L’appréhension de faire moins bien l’avait conduit à un état dépressif.

L’Extravagant Mr Deeds (Mr. Deeds Goes to Town), sorti en 1936, est l’adaptation d’une histoire de Clarence Budington Kelland, auteur aujourd’hui oublié d’une soixantaine de romans et de deux cents nouvelles ayant, pourtant, inspiré près de trente films. L’adaptation est due au scénariste progressiste Robert Riskin qui avait déjà signé le scénario de six films de Frank Capra, dont celui de New York-Miami, et allait en écrire six autres.

L’Extravagant Mr Deeds se range dans la catégorie des comédies loufoques, screwball comedies, inaugurée par New-York-Miami, avec une dimension sociale et une tonalité douce-amère tenant à la fragilité de son personnage principal. Longfellow Deeds est un citoyen paisible d’une petite ville sans histoires du Vermont, Mandrake Falls. Ses passions : le tuba qu’il pratique seul et dans l’orphéon local et la poésie qu’il compose pour des cartes de voeux, plutôt facile à en juger par ce qu’on peut en lire sur un panonceau de bienvenue accroché au-dessus du quai de la petite gare locale :

Welcome to Mandrake Falls
Where the scenery enthralls
Where no hardships e’er befalls
Welcome to Mandrake Falls.

L'Extravagant Mr. Deeds

L’Extravagant Mr Deeds, dès les premières scènes, laisse penser que John Cedar, l’avocat sans scrupules du cabinet Cedar, Cedar, Cedar & Budington ne fera qu’une bouchée de Longfellow, un naïf prêt à tout avaler. Pourtant, et c’est là le principal ressort dramatique du scénario, il va, les deux pieds sur terre, leur donner du fil à retordre.

L’Extravagant Mr Deeds, s’il se distingue par le sel des dialogues, bénéficie aussi d’une distribution magique avec le tandem formé par Gary Cooper et Jean Arthur. Gary Cooper, après être apparu dans une trentaine de films muets, s’était hissé en haut de l’affiche dès l’arrivée du parlant et était devenu une star avec Coeurs brûlés (Morocco, Josef von Sternberg, 1930). Frank Capra le réemploiera dans L’Homme de la rue (Meet John Doe, 1941). Jean Arthur fit ses débuts d’actrice en 1923 dans Cameo Kirby de John Ford qui la mettra en avant en 1935 dans Toute la ville en parle (The Whole Town’s Talking), curieusement toujours absent de nos catalogues. Frank Capra aura offert à Jean Arthur trois de ses plus beaux rôles, avec Vous ne l’emporterez pas avec vous (You Can’t Take It with You, 1938) et Mr. Smith au Sénat (Mr. Smith Goes to Washington, 1939), face à James Stewart.

Le remake de 2002, Les Aventures de Mister Deeds (Mr. Deeds, Steven Brill) donne une mesure de l’inflation : le magot de Longfellow est passé de 20 à 40 millions de dollars. C’est à peu près son seul intérêt.

Wild Side nous propose une édition attendue de L’Extravagant Mr Deeds, la première en haute définition, avec l’excellente restauration opérée après numérisation 4K en 2016 par Sony Pictures pour l’édition du 80e anniversaire, et des compléments que méritait ce chef-d’oeuvre de la comédie américaine.

L'Extravagant Mr. Deeds

Présentation - 4,0 / 5

L’Extravagant Mr Deeds (116 minutes) et ses suppléments (70 minutes, sans compter le commentaire audio du film) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé, en compagnie d’un DVD-9, dans les couvertures d’un digibook non fourni pour le test, effectué sur un check disc du seul Blu-ray.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, en anglais, et dans un doublage en français, les deux au format audio DTS-HD Master Audio 2.0 mono.

Un livre de 76 pages, intitulé Sous le signe du Capracorn, écrit par Frédéric Albert Lévy, cite l’autobiographie de Frank Capra, Name Above the Title, Hollywood Story, éditée en France en 2006 sous le titre Hollywood Story (Ramsay Poche Cinéma, 597 pages), révélatrice de sa volonté de construire un cinéma d’auteur. Le chroniqueur voit dans L’Extravagant Mr. Deeds le premier volet d’un ensemble formé avec Mr. Smith au sénat, L’Homme de la rue et La Vie est belle dans laquelle « le héros est à un moment donné en proie, au moins symboliquement, à la tentation du suicide ». L’Extravagant Mr. Deeds est la première comédie véritablement « capraesque » pour laquelle le réalisateur a eu « l’ambition de dire quelque chose au public ». Il faut souligner l’ambiguïté des films de Capra : ils abordent les questions sociales et politiques, non pas d’un point de vue sociologique et politique, mais sous l’angle poétique de la morale, comme l’a expliqué Leland A. Poague dans son livre Another Frank Capra (Cambridge University Press, 2008), et ils « continuent, près d’un siècle plus tard, à susciter cette chose qui se nomme l’émotion ». Suivent deux annexes. La première, To be perfectly Frank, creuse les relations entre Frank Capra et le seul acteur qu’il voulait pour le rôle de Longfellow Deeds, Gary Cooper, qui a immédiatement accepté l’offre, sans avoir lu le scénario. Deux personnalités complémentaires, selon Jeffrey Meyers, biographe de Gary Cooper : « Cooper est rapide quand Capra traîne, subtil quand Capra enfonce des portes ouvertes ». La deuxième annexe, Vanitas vanitatum, vise les rapports entre Frank Capra et son scénariste Robert Riskin. Frank Capra martelait la maxime « one man, one film » pour souligner que le film était l’affaire du seul réalisateur, ce qui n’a pas suffi à clore la polémique sur l’apport à son oeuvre du signataire de douze de ses scénarios.

L'Extravagant Mr. Deeds

Bonus - 4,5 / 5

Sur le DVD et le Blu-ray :

Commentaire audio par Frank Capra Jr.. Grand connaisseur de l’oeuvre de son père, il a, dans la série documentaire Frank Capra Jr. Remembers, analysé ses films les plus connus ; il a même été son réalisateur assistant pour son dernier film, Milliardaire pour un jour (Pocketful of Miracles, 1961). Il rappelle une contrainte imposée par le producteur, aujourd’hui oubliée : le réalisateur pouvait décider de plusieurs prises, mais n’avait droit qu’à un seul tirage pour le visionnage des rushes ! Une règle que Frank Capra réussit à contourner par la ruse. Le commentaire, sans intervenir sur certaines scènes, fournit d’utiles informations sur Frank Capra et sur ses méthodes de travail.

Émission Cinéma Cinémas (15’). Claude Ventura et Philippe Garnier sont partis en mai 1982 à La Quinta, Californie, pour un entretien avec Frank Capra, « à 86 ans, le dernier des géants de Hollywood », retiré en 1961 après son dernier film Milliardaire d’un jour. C’est à La Quinta qu’il a travaillé avec Robert Riskin à l’élaboration de nombreux scénarios. Il se souvient de ses débuts avec Columbia, alors un studio fauché qu’on appelait Poverty Row, fondé par Harry Cohn à qui il a dit que peu importait son salaire s’il conservait l’entier contrôle de la réalisation de ses films. Il évoque ses débuts de réalisateur : pas de répétitions ; les acteurs, assis autour d’une table, lisaient les dialogues et, si ça n’allait pas, on les réécrivait. La première prise est en général la meilleure. Il surveillait de près le montage, un stade important de la réalisation. Il n’aimait pas les gros plans qui « clouent les acteurs » en les privant de tout mouvement, et prenait beaucoup de scènes avec trois caméras placées plus ou moins près des acteurs pour choisir la meilleure prise, jusqu’à ce qu’il sache mieux comment composer les cadres. Il veillait à maintenir un rythme soutenu, sans ralentissement.

Bande-annonce (1’29”). D’époque, elle permet de réaliser l’apport de la restauration.

Sur le seul Blu-ray :

Frank Capra, une Amérique aux 2 visages (24’, Wild Bunch, 2022), par Christian Viviani, notamment auteur de Frank Capra (Éditions des Quatre-Vents, 1988, 142 pages). Il rapproche de Leo McCarey Frank Capra « à cause de la composante sentimentale très importante dans ses comédies » alors qu’Ernst Lubitsch, l’autre créateur des screwball comedies est « plus sophistiqué, plus allusif ». Frank Capra forgera un style de comédie immédiatement identifiable, servi par son aisance technique, par son sens du burlesque acquis auprès de Mack Sennett et Harry Langdon, par un basculement fréquent de la comédie « vers quelque chose de plus grave ». Il va « prendre ses distances » avec le cinéma après l’échec financier de La Vie est belle (It’s a Wonderful Life, 1946), mais retrouvera tout son talent pour Un trou dans la tête (A Hole in the Head, 1959) et pour Milliardaire d’un jour, le remake de son film de 1933, Lady for a Day. Issu d’une famille d’immigrés siciliens, avec une farouche volonté de s’intégrer, il a, pendant la guerre, contribué à la série documentaire Why We Fight et est devenu « un des cerveaux des USA », un « accoucheur » de talents avec Harry Langdon, Barbara Stanwyck, James Stewart. Conservateur, il collabore avec Sidney Buchman, communiste affiché, auteur du scénario de Mr. Smith Goes to Washington, et contribuera au succès de Columbia. Il conjuguera sensibilité et technique avec la collaboration du chef-opérateur Joseph Walker avec lequel il tournera 20 films. Il invente, avec Longfellow Deeds, le prototype du naïf auquel il donne, une « dimension christique ».

Deeds ou le faux candide, par Christian Viviani (30’, Wild Bunch, 2022). L’Extravagant Mr Deeds, derrière un mélange de comédie loufoque, un genre très construit, et de parenthèses dramatiques, porte un message humanitaire, probablement dû à l’influence du scénariste Robert Riskin, déjà perceptible dans The Miracle Woman (1931) et The Bitter Tea of General Yen (1932), propose « une vision contrastée, mais très juste, de l’Amérique ». Frank Capra, pour qui le langage corporel des acteurs était fondamental, savait tirer parti de leurs forces et faiblesses, du trac de Jean Arthur et de la décontraction naturelle et de l’apparente fragilité de Gary Cooper. Il surveillait aussi la qualité de la distribution des plus petits rôles, voire le choix des figurants.

Deux beaux entretiens, conduits par Giordano Guillem, Wild Side, en charge des films de patrimoine.

L'Extravagant Mr. Deeds

Image - 5,0 / 5

L’image (1080p, AVC), au ratio original 1.37:1 (il semble que l’étui mentionne 1.33:1), débarrassée de toute marque de dégradation de la pellicule, stabilisée, avec un contrôle du grain respectueux de la texture du 35 mm et des contrastes raffermis sans excès, assure un fin dégradé de gris, soigneusement étalonné.

Une restauration parfaite !

L'Extravagant Mr. Deeds

Son - 4,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 2.0 mono, très propre lui aussi, avec un souffle résiduel assez faible et régulier pour se faire facilement oublier, reste nécessairement contenu dans une bande passante étroite dans laquelle réussissent à s’imposer les notes graves du tuba de Longfellow Deeds.

Le doublage en français, dont on nous dit qu’il a été fait ultérieurement, propose une bande passante plus ouverte pour les dialogues, mais les place trop en avant, au détriment de l’ambiance qu’ils étouffent.

Crédits images : © Columbia Pictures Corporation

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 20 avril 2022
Wild Side nous propose une édition très attendue de L’Extravagant Mr Deeds, la première en haute définition, après l’excellente restauration opérée après numérisation 4K en 2016 par Sony Pictures pour l’édition du 80e anniversaire, enrichie de compléments que méritait ce chef-d’œuvre de la comédie américaine.

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L'Extravagant Mr Deeds
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