Les Liaisons dangereuses (1959) : le test complet du Blu-ray

Édition Mediabook limitée et numérotée - Blu-ray + DVD + Livret -

Réalisé par Roger Vadim
Avec Jeanne Moreau, Gérard Philipe et Annette Stroyberg

Édité par Coin de Mire Cinéma

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Le 04/04/2022
Critique

Adaptation contemporaine du roman de Choderlos de Laclos, à la mise en scène plastiquement belle, au casting de stars.

Les Liaisons dangereuses

France, Paris, Mégève et Deauville 1959 : Valmont et sa femme Juliette forment un couple de libertins. Ils n’ont de loi que leur plaisir et sont de parfaits complices : choisissant de concert leurs victimes, imaginant les conquêtes et les abandons de leurs maîtresses et amants respectifs. À Mégève, Valmont entreprend de conquérir la jeune Cécile, sur les instigations de Juliette qui exige qu’il la souille avant son mariage. Mais Valmont tombe alors amoureux de Marianne, la vertu incarnée, mariée et heureuse ; en somme le gibier le plus savoureux pour un libertin. Bientôt des liens ambigus se nouent : Valmont ne désire-t-il Marianne que pour mieux la perdre, ou découvre-t-il enfin, le véritable amour, celui qui n’aurait plus d’arrière-pensées ?

Les Liaisons dangereuses 1960 (Fr. 1959) de Roger Vadim (1928-2000), sorti au cinéma à Paris le 09 septembre 1959, est une adaptation à l’époque contemporaine du roman homonyme de Pierre Choderlos de Laclos (1741-1803). A sa parution en 1782, les lecteurs de Laclos le considéraient pour partie comme un « roman à clefs » et pour partie comme une imitation du Clarisse Harlowe de Richardson mais tous saluaient néanmoins l’originalité de sa composition (absente de l’oeuvre anglaise) et celle du personnage de Mme de Merteuil. Sa première édition de poche en France avait été préfacée par André Malraux.

La sortie du film provoqua une protestation de Francis Didelot, président de la Société des Gens de Lettres et auteur de scénarios - citons par exemple Bouboule 1er, roi nègre (Fr. 1934) de Léon Mathot sans oublier la savoureuse comédie érotique Adam est Eve (Fr. 1954) de René Gaveau - contre la trahison de l’esprit du livre. Peut-être la présentation de Vadim, en pré-générique, y était-elle pour quelque chose ? Elle apparaît, avec le recul du temps, franchement ironique et décalée mais la sulfureuse et noire sincérité du film la compense amplement. Au demeurant, concernant cette question de la fidélité de l’adaptation, le critique cinématographique Marcel Martin avait sagement rappelé que c’était un éternel problème ; il ajoutait, en homme cultivé : « Après tout, Roger Vailland passe pour le meilleur connaisseur actuel de Laclos : sa petite monographie, publiée au Seuil (*) est à ce jour ce qu’on a écrit de plus pertinent sur l’auteur des Liaisons ». (in revue Cinéma 59, N°41, page 78). Ajoutons que Vailland - dont le réalisme stendhalien fut parfois proche de celui du dix-huitième siècle - avait, quelques années plus tôt, publié une Esquisse pour le portrait du vrai libertin (1948). Les critiques de la presse généraliste de l’époque, toujours avides de respectabilité littéraire (Laclos et Vailland), de film à tendance sociale contemporaine et sociologique mais aussi d’érotisme à condition qu’il soit bien enrobé dans un emballage de luxe, furent inévitablement élogieuses et Jean de Baroncelli pouvait même écrire que Les Liaisons dangereuses 1960 était « le meilleur film que Vadim ait réalisé à ce jour ».

Pendant des années, sa télédiffusion fut systématiquement assortie d’un petit rectangle blanc incrusté en bas du télécinéma, signe absolu d’un film de qualité durant les années 1960-1970 aux yeux des cinéphiles de 7 à 77 ans. Le fait est que cette version 1960 demeure la première mais aussi, et de loin, la meilleure adaptation de ce classique des lettres françaises du dix-huitième siècle : elle est plus rigoureuse et plus belle plastiquement que les racoleuses adaptations cinématographiques postérieures signées Milos Forman et consorts au cours des années 1990. On sait que Vadim s’intéressait au vampirisme, à l’érotisme et à la psychologie : il y a des trois (même si le vampirisme est ici purement psychologique) dans son adaptation comme dans le roman original. Le jeu d’échecs du générique (soit dit en passant, l’un des plus beaux du cinéma français sur le plan graphique) impose immédiatement l’assurance qu’il a profondément compris Laclos, contrairement à ce que sa lamentable présentation pouvait laisser supposer. Ne voyait-on pas, d’ailleurs, le jeune Vadim jouer aux échecs contre l’écrivain Gide, dans Avec André Gide (Fr. 1952) de Marc Allégret dont Vadim était alors l’assistant-réalisateur ? Certaines idées plastique de mise en scène sont parfois presque dignes d’Orson Welles : le travelling avant qui rattrape le dos de Jeanne Moreau marchant dans le parc, après son entretien avec Danceny, annonce presque, mutatis mutandis, la fureur des mouvements de Steadycam du Evil Dead (USA 1981) de Sam Raimi. Quant à la profondeur de champ, elle n’est parfois pas moins bien utilisée que chez le cinéaste William Wyler.

Sur le plan de l’érotisme, les notations sadomasochistes (culminant dans l’autodestruction), fétichistes (Gérard Philipe embrassant les pieds d’Annette Stroyberg sur la plage), lesbiennes (Cécile, demie-nue sur son lit, pervertie par Juliette qui lui caresse négligemment la cuisse), orgiaques (La surprise-partie finale paroxystique), voyeuristes (celui du spectateur en premier lieu, constamment avivé, rarement mais sûrement assouvi : tout le secret du « suspense ») sont les ressorts dynamiques du film les plus évidents. La défiguration finale de Juliette (oscillant tout du long avec une indicible classe entre nymphomanie et frigidité : sa perversion la situe rétrospectivement entre une héroïne de Laclos et l’héroïne homonyme du marquis de Sade, Juliette ou Les prospérités du vice) lui permet de prendre place au rang des grandes défigurées de l’histoire du cinéma, parmi lesquelles on peut au moins citer : Gloria Grahame dans Règlement de comptes (The Big Heat, USA 1953) de Fritz Lang, Susan Denberg dans Frankenstein créa la femme (GB 1966) de Terence Fisher, Barbara Steele dans une série de classiques du cinéma fantastique à partir de Le Masque du démon (Ital. 1960) de Mario Bava. Le casting de la belle Annette Stroyberg (Annette Vadim) établit, de son côté, un lien plastique, charnel avec Et mourir de plaisir (Fr.-Ital. 1960) de Roger Vadim, illustration de son amour de la littérature et du cinéma fantastiques qu’il faudrait rééditer.

Les Liaisons dangereuses

Présentation - 5,0 / 5

1 digibook combo édition limitée à 3000 exemplaires, contenant 1 Blu-ray BD50 + 1 DVD9 + 1 livret, 1 affiche et des photos d’exploitation, édité par Coin de Mire et TF1 le 18 mars 2022. Image du film sur Blu-ray en Full HD 1080p au format original 1.66 respecté compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio 2.0 mono sur Blu-ray et Dolby 2.0 mono sur DVD en VF d’époque + VFSTF sourds et malentendants. Durée du film sur Blu-ray: 114 min., sur DVD : 109 min. environ. Suppléments : une dizaine de photos françaises N&B d’exploitation réparties dans deux étuis, une affiche française imprimée, un livret reproduisant des fragments du dossier presse 1959 (textes et illustrations), des affiches diverses (italienne et belge), un roman-photo N&B Mon Film, filmographie du cinéaste Roger Vadim, actualités Gaumont Pathé d’époque, publicités Jean Mineur d’époque, 5 bandes-annonces de la collection. Audiodescription + VFSTF pour sourds et malentendants toutes deux disponibles. Possibilité de voir le film dans le cadre d’une séance 1959 avec actualités et publicités ou bien directement.

Les Liaisons dangereuses

Bonus - 5,0 / 5

L’exemple de ce qu’il faut faire concernant les suppléments. Pas de présentation orale, pas de bavardage redondant : à la place, des documents d’histoire du cinéma et des documents sociologiques (publicités, actualités de 1959) sans oublier des bandes-annonces de films de la collection, y compris celle du film de référence.

Documents imprimés : le dossier presse 1959 intégralement reproduit en miniature, avec ses textes et ses illustrations complètes, une bio-filmographie du cinéaste Roger Vadim, une dizaine de reproductions de photos françaises d’exploitation N&B (14,5 x 11,5 cm) réparties en deux fois 6 photos rangées dans deux étuis (dans mon exemplaire n°0718, je signale qu’il y a un doublon concernant l’une d’entre elles), la reproduction d’une affiche française d’époque (23 x 29 cm) et, dans le corps du livret, quelques reproductions d’affiches italiennes et belges, d’un roman-photos paru dans la revue Mon Film de 1961, d’un article sur Annette Stroyberg-Vadim, de photographies d’exploitation italienne (photobusta) en couleurs, une filmographie de la collection Coin de mire, mentionnant les titres édités et ceux prévus.

Bonus vidéo sur Blu-ray et DVD : une séance cinéma de 1959 (optionnelle : on peut aussi visionner le film directement si on le souhaite) avec actualités Pathé et publicités Jean Mineur + quelques bandes-annonces originales de certains titres de la collection et celle du film de référence de 1959. Elles sont en état argentique variant de l’assez bon au très bon, format bien respecté, naturellement toutes en VF puisqu’il s’agit de films français, y compris celle du film de référence.

Les Liaisons dangereuses

Image - 5,0 / 5

Format original 1.66 N.&B. respecté, compatible 16/9 sur Blu-ray BD50 en Full HD (1920x1080p 24 images / secondes) ou sur DVD9 (en 720x576p 25 images / secondes). Image argentique très bien restaurée en 2017 par les Laboratoires Eclair à partir d’un scan 4K établi à partir du négatif original, image et son. Sur les 114 minutes que dure le titre en Blu-ray (sa durée cinéma réelle étant donnée la vitesse du défilement de l’image en Blu-ray), ensemble impeccable mis à part deux ou trois plans à l’émulsion instable (par exemple lorsque Valmont raconte sa vie licencieuse à Mariannne, pendant une promenade en ski à Mégève). Excellente gestion des noirs, des dégradés de gris et du contraste notamment concernant les plans nocturnes d’ensemble, les plus beaux du film,signés par le directeur de la photo Marcel Grignon. Parfait équilibre entre préservation du grain et lissage numérique. Dorénavant l’édition de référence en Full HD.

Les Liaisons dangereuses

Son - 5,0 / 5

VF d’époque en DTS-HD Master Audio 2.0. mono (sur Blu-ray) et Dolby mono (sur DVD) + VFSTF sous-titrage français pour sourd et malentendants, Audiodescription. Offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. Son net, piste techniquement bien nettoyée à partir du négatif en 2017 par le Laboratoire Eclair, sans effet de souffle particulier. Musique de Jazz signée Thelonious Monk et Jack Marray.

Crédits images : © Les Films Marceau-Cocinor

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 6 avril 2022
Adaptation du roman de Choderlos de Laclos à la France de 1960 : mise en scène plastiquement belle, au casting de stars, signée par un cinéaste qui s'intéressait au fantastique et à l'érotisme. Roger Vadim fut l'autre grand slave du cinéma français avec Robert Hossein.

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