Justine ou les infortunes de la vertu (1969) : le test complet du Blu-ray

Marquis de Sade: Justine

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Jess Franco
Avec Klaus Kinski, Romina Power et Maria Rohm

Édité par Artus Films

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Le 16/05/2022
Critique

Première adaptation sadienne de Franco, oscillant entre érotisme et fantastique, richement dotée d’un savoureux casting international.

Justine ou les infortunes de la vertu

France, dix-huitième siècle : le marquis de Sade, incarcéré sur ordre royal, imagine dans sa cellule l’histoire de Justine et Juliette, deux soeurs d’une égale beauté mais moralement opposées. Justine est pure et vertueuse mais en butte aux persécutions et aux infortunes les plus étranges. Juliette est vicieuse et ses crimes, y compris le meurtre, lui permettent de devenir la maîtresse d’un ministre du roi. Séparées à la mort de leur père, elles sont finalement réunies après bien des vicissitudes. Juliette confesse la vanité du crime et promet à Justine de réparer les cruautés du destin.

Justine ou les infortunes de la vertu (Marquis de Sade : Justine / De Sade - Les Infortunes de la vertu, RFA-Ital.-GB 1968) de Jesus Franco appartient à sa seconde période, celle où il bénéficie enfin de budgets confortables, d’un casting international de classe, de décors luxueux, grâce au producteur Harry Alan Towers. Son titre original allemand (qui sert de référence aux filmographies) est le premier mentionné entre parenthèses ; le second est le titre français, si du moins on en croit la bande-annonce française d’époque. Sur le plan littéraire, Sade a écrit trois versions de l’histoire de Justine : la première est un conte assez long ou bien un court roman intitulé Les Infortunes de la vertu (1787) ; la seconde est le roman Justine ou les malheurs de la vertu (1791) ; la troisième et ultime est La Nouvelle Justine suivie de L’Histoire de Juliette ou les prospérités du vice (1799-1801).

Film d’aventures picaresques, film érotique mais aussi, film fantastique, Justine ou les infortunes de la vertu ne s’embarrasse pas d’une excessive fidélité : son schématisme fournit à Franco l’occasion d’une série de vignettes portées par une mise en scène constamment dynamique. Certaines sauvegardent aujourd’hui la valeur du film : l’arrivée de Sade en prison puis ses instants d’inspiration fantasmatique, la révélation de la folie du débauché joué par Jack Palance, les supplices infligés dans la prison du couvent à Rosalba Neri et Romina Power sont autant de séquences baroques, inspirées, authentiquement fantastiques. Les Fantômes de Hurlevent (Nella stretta morsa del ragno / Venite l’alba ma tinta di rosso, Ital. 1970) d’Antonio Margheriti reprendra l’idée de l’introduction en faisant interpréter à Klaus Kinski non plus le marquis de Sade mais un Edgar Poe halluciné, prélude à cette variation en scope-couleurs du si beau Danse macabre (Ital.-Fr. 1963) d’Antonio Margheriti.

Sur le plan érotique, Justine ou les infortunes de la vertu vaut d’être vu pour Sylva Koscina (la marquise de Bressac) et pour Rosalba Neri (Florette) : les plans où elles apparaissent dénudées méritent à eux seuls la vision du titre. Pour autant, la performance de Romina Power (fille de l’acteur Tyrone Power) n’est pas indigne du rôle-titre : elle est ici un peu l’équivalent pour Franco de ce qu’est, à la même époque, Sandra Julien pour des cinéastes tels que Max Pécas et Jean Rollin, à savoir une ingénue poétique à la fois innocente et sexy. D’autres actrices ici présentes sont non moins emblématiques du Franco de cette époque, à commencer par Mercedes McCambridge et Maria Rohm.

Sur le plan de l’histoire du cinéma, signalons que, quelques mois plus tard, sortira une production Roger Corman d’esprit assez semblable, tout aussi baroque et curieuse, presque complémentaire sur le plan du scénario puisqu’elle représentait la vie de l’écrivain : Le Divin marquis de Sade (De Sade, USA-RFA 1969) de Cyril R. Enfield et quelques autres cinéastes non crédités, d’après un scénario de Richard Matheson qui peignait une jeunesse mi-réelle, mi-imaginaire du marquis jusqu’à son incarcération. Qu’on n’aille pas croire cependant que Jesus Franco et Roger Corman aient été des précurseurs : la figure et les oeuvres du marquis de Sade étaient depuis longtemps des sujets cinématographiques, relevant de genres très divers. Qu’on se souvienne par exemple de la fin du film expérimental surréaliste L’Âge d’Or (Fr. 1930) de Luis Bunuel et Salvador Dali ou de la séquence mettant en scène Sade lui-même dans La Voie lactée (Fr.-Ital. 1968) de Luis Bunuel ! Reste que les succès commerciaux relatifs du Franco et du Enfield auront pour conséquence une certaine vogue du marquis et de son oeuvre dans l’histoire du cinéma-bis populaires des années 1970-1975 : la filmographie de Jesus Franco lui-même en témoigne puisqu’il signera peu de temps après, parmi d’autres titres de cette veine, Les Inassouvies (De Sade 70, Esp.-RFA 1970, scope-couleurs), adaptation transposée en 1970 du court roman (ou de la longue nouvelle, au choix) de Sade, Les Instituteurs immoraux ou La Philosophie dans le boudoir(1795).

Justine ou les infortunes de la vertu

Présentation - 3,0 / 5

1 BRD Full HD 1080p région B + 1 DVD zone 2 PAL édité par Artus Films le 17 mai 2022, sous étui. Image couleurs au format original 1.66 respecté compatible 16/9. Son Linear PCM 2.0 Mono VF + VASTF. Durée du film sur BRD : 123 min 34 sec., sur DVD : 118 min. 38 sec. Suppléments : Diaporama (galerie photos et affiches), présentation du film par Stéphane du Mesnildot (environ 25 min), films-annonces. Le menu général s’ouvre par la vision des différentes jaquettes des éditions de films de Jesus Franco disponibles chez Artus. Beau menu général, sobre et dépouillé, sonorisé par la musique de Bruno Nicolai. Deux affiches reproduites sur les faces du boîtier : l’allemande et l’italienne. Attention à une erreur de résumé de scénario : le marquis ne se « remémore » pas les « souvenirs de Justine et de Juliette » (ce qui constituerait un souvenir au deuxième degré, comme si Justine et Juliette lui avaient raconté autrefois leurs histoires) ; il écrit en cellule l’histoire inventée, imaginaire, de Justine et de Juliette. Nuance de taille. Le copyright indiqué au générique de fin est 1968 et non pas 1969 comme mentionné au verso du boîtier.

Justine ou les infortunes de la vertu

Bonus - 4,0 / 5

Bandes-Annonces : d’abord la BA française du film de référence, à l’époque titré non pas Justine ou les infortunes de la vertu mais De Sade - Les Infortunes de la vertu qui est en bon état argentique, au format large respecté. Elle est très bien montée et donne une excellente idée du film et de son esprit. Elle mentionne en outre à la fin l’interdiction administrative officielle (interdit aux moins de 18 ans) depuis ramenée à une interdiction aux moins de 16 ans. Suivent les bande-annonce américaines de 99 femmes et de Le Trône de feu sous son absurde titre d’exploitation américain. Etats argentiques médiocres (et format recadré pour la seconde) mais savoureux documents.

Diaporama : une vingtaine de documents parmi lesquels une dizaine de belles photos couleurs italiennes d’exploitation sont les plus belles ; elles sont entourées par quelques affiches (y compris l’affiche japonaise) et quelques photos N&B de plateau. Un peu maigre par rapport à d’autres diaporama Artus mais les documents italiens sont très beaux.

Présentation du film par Stéphane du Mesnildot (durée environ 25 min.,16/9) : elle présente l’oeuvre littéraire de Sade mais incomplètement : Mesnildot néglige de signaler qu’il existe trois versions différentes, dotées de trois titres distincts, des aventures de Justine. Suivent quelques remarques sur les adaptations de Sade par Franco, sur le casting, sur le producteur Harry Alan Towers (trop brèves remarques mais qui sont heureusement développées dans son autre présentation de 99 femmes), sur la situation filmographique du titre dans l’oeuvre de Franco. Ce sont celles d’ordre esthétiques qui sont les plus intéressantes (influence possible d’Orson Welles dont Franco fut l’assistant à propos de son emploi des objectifs de grand angle, montage des séquences avec Klaus Kinski et avec Jack Palance).

Au total honorable édition spéciale : le cinéphile souhaitant aller plus loin pourra consulter les suppléments de l’édition collector américaine Blue Underground de 2015 qui contient notamment un entretien avec le réalisateur Jesus Franco et le producteur Harry Alan Towers.

Justine ou les infortunes de la vertu

Image - 4,0 / 5

Format original 1.66 respecté, en couleurs et compatible 16/9, en 2K Full HD 1080p sur le Blu-ray, en définition standard sur le DVD. Image identique concernant les deux versions sonores, parfaitement restaurée sur le plan argentique sauf un ou deux plans (par exemple une émulsion un peu fatiguée sur un plan avec la belle Sylva Koscina). Belle performance technique compte tenu de l’assez longue durée de l’ensemble : c’est le master édité par Blue Underground aux USA en 2015. Bel effort privilégiant la netteté par rapport au respect du grain. Si on aime ce dernier, il faut visionner la bande-annonce française d’époque qui en montre davantage.

Justine ou les infortunes de la vertu

Son - 4,0 / 5

VF d’époque et VASTF en LPCM 2.0. mono. Je recommande la VF d’époque dont les voix correspondent mieux dramaturgiquement aux personnages, en dépit de quelques variations occasionnelles de niveau. Autre avantage : on entend la véritable voix d’Howard Vernon qui se double lui-même. Musique symphonique ample, baroque de générique d’ouverture puis de la première longue séquence avec Klaus Kinski : elle est célèbre et demeure une des plus belles signées par le compositeur Bruno Nicolai. L’éditeur l’a reprise sur le menu principal.

Crédits images : © Aica Cinematografica, Corona Filmproduktion, Etablissement Sargon, AIP

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 17 mai 2022
Première adaptation sadienne de Franco, oscillant entre érotisme et fantastique, richement dotée d’un savoureux casting international.

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