Au coeur de la nuit (1945) : le test complet du Blu-ray

Dead of Night

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Alberto Cavalcanti
Avec Michael Redgrave, Googie Withers et Mervyn Johns

Édité par Tamasa Diffusion

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Le 04/04/2022
Critique

Cette anthologie fantastique, dans la liste des 10 fims préférés de Martin Scorsese, nous revient en HD, avec de précieux compléments.

Au coeur de la nuit

L’architecte Walter Craig, invité le temps d’un weekend à discuter de l’aménagement du cottage d’Elliot Foley, est surpris d’y rencontrer plusieurs personnes qui ne se connaissent pas, mais qu’il lui semble avoir déjà vues. Les lieux, aussi, lui paraissent familiers. Chaque invité va raconter son histoire…

Au coeur de la nuit (Dead of Night) est un film sorti en 1945 pour la réalisation duquel Michael Balcon, le patron des Ealing Studios, a désigné quatre cinéastes, Basil Dearden, Alberto Cavalcanti, Charles Crichton et Robert Hamer et deux scénaristes, John Baines et Angus McPhail, avec mission d’assembler six histoires, deux lointainement inspirées par H.G. Wells et E.F. Benson.

Les six épisodes sont The Linking Narrative, le récit de Walter Craig reliant cinq contes les uns aux autres, The Hearse Driver, tous deux réalisés par Basil Dearden, The Christmas Story par Alberto Cavalcanti, The Haunted Mirror par Robert Hamer, The Golfing Story par Charles Crichton et The Ventriloquist’s Dummy par Alberto Cavalcanti.

Au coeur de la nuit diffère d’un film à sketches, ses histoires s’enchaînant dans une apparente continuité tout le temps que dure le conte de Walter Craig, de la première séquence au mot « fin ». Il forme une anthologie du genre fantastique psychologique, sans monstre, sans passage sanglant, sans effets spéciaux.

Au coeur de la nuit fait, pour la première fois, apparaitre sur un écran une marionnette qui échappe au contrôle du ventriloque, interprété avec une si rare intensité par Michael Redgrave qu’on en arrive à se demander s’il n’est pas réellement devenu fou pendant le tournage. The Golfing Story, où deux hommes s’accordent à jouer sur un parcours de golf les beaux yeux d’une femme, amorce un virage vers un comique… qui se révèle horrifique.

Au coeur de la nuit, avec des visions prémonitoires, réveille aussi les fantômes du passé, celui de cet enfant de quatre ans tué par sa soeur, une évocation du meurtre réel commis par Constance Kent en 1860, dans l’épisode The Christmas Story, marquant pour la sidérante beauté des ombres et des lumières dans lesquelles baigne la jeune actrice Sally Ann Howes. Ces éclairages, contribuant à la cohérence esthétique de l’oeuvre, furent créés par Douglas Slocombe qui deviendra le chef opérateur d’Alexander Mackendrick pour L’Homme au complet blanc (The Man in the White Suit, 1951), de Joseph Losey pour The Servant en 1963, des trois premiers volets de la saga Indiana Jones

Comment rester insensible à l’inventivité de l’épisode The Haunted Mirror, dans lequel un miroir transporte ailleurs celui qui s’y regarde en interrogeant le spectateur : le reflet dans le miroir est-il réel ou le seul fruit de l’imagination du personnage ? Dans The Hearse Driver, quand les rideaux s’ouvrent, ce qui apparaît n’a rien à voir avec la réalité attendue.

Au coeur de la nuit, plus de trois quarts de siècle après sa réalisation, a conservé le pouvoir d’envoûtement des grands classiques du cinéma fantastique britannique, comme Les Innocents (The Innocents, Jack Clayton, 1961), également accompagné par une partition originale de Georges Auric.

Au coeur de la nuit

Présentation - 3,5 / 5

Au coeur de la nuit (104 minutes) et ses généreux suppléments (103 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 et sur deux DVD-9, un double couche pour le film, un simple couche pour les bonus, logés dans un digipack à trois volets.

Le menu fixe et musical propose le film dans sa version originale, en anglais, avec sous-titres optionnels, et dans un doublage en français, les deux au format audio Linear PCM 2.0 mono.

À l’intérieur du boîtier, un livret de 16 pages intitulé Autour de Dead of Night et de Georges Auric, donne une courte analyse du film et un aperçu de la filmographie de ses quatre réalisateurs par Stéphane Treguer (DVDClassik). Puis, Georges Auric, musicien novateur rappelle son apprentissage de la composition auprès de Vincent d’Indy, ses rencontres avec Picasso, Matisse et Jean Cocteau qui l’attirera vers la composition de musique de film avec Le Sang d’un poète en 1932, puis La Belle et la bête en 1946. La reconnaissance universelle de la finesse et l’inventivité de ses partitions, confortée en 1952 par la Prix de la meilleure composition à Venise pour La P… respectueuse (Charles Brabant, Marcello Pagliero, 1952), l’amena à signer 130 accompagnements de films. Il fut l’administrateur de l’Opéra de Paris de 1962 à 1967.

Au coeur de la nuit

Bonus - 5,0 / 5

Dead of Night, à bien y regarder…, par Erwan Le Gac (28’), un spécialiste du cinéma fantastique, associé à Nicolas Stanzick pour la réédition par Rouge Profond de Midi-Minuit Fantastique. Les Ealing Studios s’étant consacrés aux films de propagande pendant la guerre, le genre fantastique n’avait pas été exploité en Angleterre, à deux exceptions notables près, The Ghoul (T. Hayes Hunter, 1933), avec Boris Karloff, et The Mystery of the Mary Celeste (Denison Clift), avec Bela Lugosi (une des premières productions de Hammer Film). Dead of Night apparaît comme une anthologie autour du « thème de la peur de la relation amoureuse ». Parmi les six histoires, celle de la partie de golfe vient apporter un ton plus léger, comme le faisaient les intermèdes du Grand Guignol, avec les deux comédiens fans de cricket du film d’Alfred Hitchcock Une femme disparaît (The Lady Vanishes, 1938). Le meilleur est pour la fin, l’histoire de la marionnette qui prend vie, un concept inventé au cinéma par ce film. Il faudra attendre une dizaine d’années pour que le flambeau du fantastique soit repris par Hammer Film Production avec The Quatermass Xperiment (Val Guest, 1955), puis par Amicus, fondée en 1962 en Grande-Bretagne par deux Américains, Milton Subotsky et Max J. Rosenberg.

Retour aux sources (75’, 2014). Dans les années 1944-45, les Ealing Studios, surtout connus pour des films de guerre, voulaient montrer leur volonté de diversification vers un cinéma fantastique, un genre qui avait été exploité aux USA. Dead of Night a entraîné la production d’autres anthologies fantastiques, notamment par Amicus, mais reste unique avec le thème du déjà-vu soudant six histoires mêlant surnaturel et sexualité, avec les incertitudes qu’il laisse planer, avec l’étrange présence du psychanalyste Van Straaten dans le rôle de l’avocat du diable pour le spectateur, avec ses surprenants changements de ton, avec la brillante histoire du ventriloque et de sa marionnette. L’originalité du film est accentuée par une fin curieuse où toute l’histoire est mise en miettes en se terminant là où elle avait commencé. Cette excellente analyse du film par plusieurs critiques et par le cinéaste John Landis est la reprise du supplément au Blu-ray édité au Royaume Uni par Studiocanal en 2014.

Une restauration respectueuse (3’30”). La comparaison de l’image avant et après restauration permet de vérifier l’effacement, après numérisation 2K, des marques de dégradation du contretype utilisé, d’apprécier un gain de stabilité et, surtout, un raffermissement des contrastes.

Au coeur de la nuit

Image - 4,0 / 5

L’image (1.37:1, 1080p, AVC), restaurée par le British Film Institute pour l’édition Studiocanal de 2014, répond aux attentes pour cette oeuvre exceptionnelle : la bonne impression d’ensemble n’est pas ternie par la subsistance de taches ou griffures à peine discernables, ni par une très légère et occasionnelle instabilité lumineuse. Les contrastes ont été affermis, sans excès, pour obtenir un fin dégradé de gris respectant la texture du 35 mm.

Au coeur de la nuit

Son - 3,5 / 5

Le son Linear PCM 2.0 mono de la version originale (Dolby Digital 2.0 sur le DVD) a été, lui aussi, soigneusement nettoyé, le souffle subsistant étant peu perceptible. Le défaut majeur, certainement imputable à l’usure de la source utilisée, tient à des crachotements occasionnels au milieu des dialogues et à leur timbre étouffé qui ne compromettent jamais leur intelligibilité. La musique de Georges Auric, dans un spectre étroit, est affectée par quelques saturations.

Les dialogues du doublage, trop en avant, ont un timbre plus équilibré.

Crédits images : © Eagle Lion Films, Ealing Studios

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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Philippe Gautreau
Le 5 avril 2022
Au cœur de la nuit, avec des visions prémonitoires, réveille aussi les fantômes du passé. Il a conservé, plus de trois quarts de siècle après sa réalisation, le pouvoir d’envoûtement des grands classiques du cinéma fantastique britannique. Il nous revient enfin dans une édition exceptionnelle.

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