L'Avventura (1960) : le test complet du Blu-ray

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Michelangelo Antonioni
Avec Gabriele Ferzetti, Monica Vitti et Lea Massari

Édité par Lobster Films

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Le 19/04/2022
Critique

Drame psychologique de Michelangelo Antonioni récompensé à Cannes pour avoir créé un nouveau langage cinématographique.

L'Avventura

Italie 1960 : au cours d’une croisière sur les îles Lipari, la jeune romaine Anna disparaît sans laisser de trace. Les recherches menées par ses amis, son père diplomate et la police ne donnent aucun résultat. Son amant Sandro et sa meilleure amie Claudia sillonnent alors la Sicile à sa recherche. Claudia et Sandro tombent amoureux l’un de l’autre. Leur amour demeure néanmoins hanté, à jamais, par le souvenir de la disparition d’Anna.

Tourné à Rome puis en Sicile de septembre 1959 à janvier 1960, L’Avventura (Ital.-Fr. 1960) de Michelangelo Antonioni fut un échec lors de sa présentation publique au Festival de Cannes mais le lendemain, une partie de la critique lui décerna un Prix spécial pour avoir créé « un nouveau langage cinématographique ». C’est cependant le succès populaire et financier de sa sortie parisienne commerciale (le 13 septembre 1960) qui sauva la carrière d’Antonioni et le fit accéder à une reconnaissance cette fois-ci mondiale. Son titre original - le fait demeure frappant - fut repris presque partout par les distributeurs des principaux pays tant il sonnait bien, tant il était beau et aisé à prononcer. L’Avventura avait été tourné dans des conditions matérielles serrées après l’échec italien de Le Cri (Ital. 1957) d’Antonioni, pourtant primé dans divers festivals par certains critiques clairvoyants. À un moment, L’Avventura changea de co-producteur français pour cause de faillite, faisant frôler le désastre à la production. Sans parler des légendaires difficultés physiques du tournage qui laissèrent les acteurs sans nourriture pendant une nuit puis une journée sur la petite île sauvage de la première partie du film, à cause d’une tempête inopinée, de l’électricité qu’il fallait y amener par voie maritime pour les éclairages, de bien d’autres défis encore.

C’est la rencontre avec Monica Vitti, alors au sommet de sa beauté plastique, qui détermina Antonioni à construire L’Avventura autour d’elle : elle devint célèbre du jour au lendemain, à juste titre tant son érotisme était puissant et tant son jeu était subtil et beau. Mais cette présence autant charnelle que spirituelle comblait, pour le cinéaste comme pour le spectateur, la peinture cruelle d’un manque, d’une absence, d’une angoisse de mort. Insidieusement, mais avec une évidente puissance dramaturgique, Antonioni rompt les codes établis : son film, il l’a souvent répété, était « un roman policier à l’envers ». On ne saura jamais la fin (en s’en tenant au film monté, sans tenir compte d’une ancienne version dactylographiée du scénario, depuis retrouvée mais que Antonioni ne suivit finalement pas : je pense qu’il a eu raison de ne pas la suivre). Sandro et Claudia ne sauront donc pas davantage que le spectateur ce qu’a pu devenir Anna. Et leur angoisse de mort, le deuil qu’ils tentent réciproquement (presque instinctivement) de rompre en s’éprenant l’un de l’autre, ne seront dès lors plus jamais levés. Ils pèsent sur eux, sur les espaces et sur les êtres qu’ils rencontrent, sur la temporalité même de leurs actes les plus quotidiens. Aucune rupture n’est plus possible : c’est tout le paradoxe de ce parcours long et tourmenté, riche et varié. À son terme, la vie elle-même semble avoir perdu toute signification, minée de l’intérieur par cette fracture de l’espace et du temps qui aura englouti Anna l’insatisfaite.

La communion spirituelle, sensuelle, charnelle de Sandro et de Claudia repose sur le fait qu’ils ont été témoins de cette étrange fracture, à ce mystère qu’ils ne peuvent ni expliquer ni dominer, qu’ils porteront désormais en eux à jamais. Aux confins du roman policier métaphysique ou fantastique, ce drame psychologique vire presque au fantastique à certains instants. Il reprend le thème philosophique de l’incommunicabilité cher à Ingmar Bergman en le traitant d’une manière assez proche, à la fois réaliste et charnelle, parfois poussé dans le sens d’un réalisme symbolique, halluciné et hallucinant. La longue durée de L’Avventura est conçue pour favoriser cette sympathie, cette compréhension intime d’un drame existentiel (au sens le plus heideggerien, le plus sartrien, le plus jasperien tout à la fois) mais peut-être bien aussi pour faire partager une vision au-delà de ce drame. Vision donnée par fragment esthétique au spectateur, émanant de sa narration à la manière d’une phénoménologie. C’est là ce qui fut le génie créateur d’Antonioni, ce qui constitue ce « nouveau langage cinématographique » qu’il avait, de l’avis des critiques les plus réceptifs des années 1960, contribué à créer.

En juillet et août 1960, alors que Paris n’a pas encore vu L’Avventura, Antonioni tourne à Milan par une chaleur étouffante La Notte (La nuit) (Ital.-Fr. 1960) avec Jeanne Moreau en vedette féminine. Monica Vitti y tient un rôle secondaire par rapport à ceux qu’elle tient dans la désormais classique trilogie Antonioni-Vitti : L’Avventura + L’Éclipse (Ital.-Fr. 1961) + Le Désert rouge (Ital.-Fr. 1964). La Notte (La nuit) reprend et poursuit cependant la même démarche scénaristique que L’Avventura, en partant cette fois-ci d’une mort non plus hypothétique et mystérieuse mais annoncée et confirmée : celle du personnage mourant à l’hôpital (joué par le grand cinéaste allemand Bernhard Wicki) puis son retentissement sur un autre couple, sur leur perception à tout jamais modifiée du monde. Ces deux titres constitue donc, dans la filmographie antonionienne, un authentique diptyque thématique.

L'Avventura

Présentation - 2,5 / 5

1 combo Blu-ray BD25 régions ABC + DVD9 dans boîtier Keepcase sous étui, édité par Lobster Films le 28 mars 2022. Durée cinéma du film (en Blu-ray à 24 images / secondes) : 138 min. Image restaurée au format 1.85 N&B compatible 16/9, Full HD 1080p AVC (sur Blu-ray). Son restauré et resynchronisé VF d’époque + VitalienneSTF en Dolby Audio 2.0 mono. Suppléments : présentation + ancienne version du scénario concernant la fin de l’histoire + bande-annonce de la reprise cinéma 2021 à l’occasion de la restauration 4K. Audiodescription, VFSTF pour sourds et malentendants. Photo N&B choisie pour l’illustration de couverture assez médiocre : pourquoi ne pas avoir, tout bonnement, repris la belle affiche française d’époque ?

Bonus - 2,5 / 5

« L’Avventura » par Federico Vitella et Daniela Curró (2021, 13’16”, VOSTF) : présentation qui revient succinctement mais clairement sur la genèse du film, sa production, son tournage (notamment à Messine), sa présentation à Cannes qui lui décerne un Prix pour avoir créé « un nouveau langage cinématographique », son exploitation commerciale, sa réception critique, sa place dans la filmographie d’Antonioni. Illustrée par quelques extraits et photos.

« La fin originale » par Federico Vitella (2021, 5’44”, VOSTF) : le titre est trompeur : il s’agit d’une version de la fin prévue par la première version dactylographiée du scénario mais, cette fin n’ayant pas été retenue par Antonioni au tournage, c’est désormais la fin visible actuellement qui constitue, de facto, la fin originale. En histoire du cinéma, si une version du scénario est abandonnée par le cinéaste au profit d’une fin effectivement filmée, c’est cette dernière qui mérite dorénavant ce qualificatif. Reste que la comparaison est précise, bien expliquée et demeure intéressante. Illustrée par quelques photos du scénario, quelques extraits.

Bande-Annonce 2021 : durée 1’28” en 16/9 N&B. Ce n’est pas la BA originale mais une BA montée à l’occasion de la reprise cinéma de 2021 : elle n’a donc aucune valeur historique. J’aurais préféré une BA originale italienne ou française des années 1960.

Ensemble modeste mais très suffisant pour une découverte cinéphile : je félicite l’éditeur de ne pas nous avoir inondé de bonus inutiles ou trop bavards. Il manque néanmoins une galerie affiches et photos françaises et italiennes d’exploitation des années 1960 : elle aurait été bienvenue.

L'Avventura

Image - 5,0 / 5

Format 1.85 enfin respecté, en N&B compatible16/9. De 2000 à 2015 environ, le film avait été recadré par diverses éditions DVD en 1.77 (édition Criterion de 1999 aux USA, éditions Montparnasse de 2004 en France). Criterion avait heureusement rétabli la donne correcte, concernant le format, dès son édition Blu-ray de 2014 à partir d’une restauration effectuée par l’Imagine Ritrovata. Les cinéphiles français ont dû patienter un peu plus longtemps mais le résultat en valait la peine tant sur le plan argentique que numérique. On peut à présent compter à l’oeil nu les aspérités des impressionnants rochers de l’île sicilienne de Panarea ! Les anciennes copies argentiques des veilles éditions DVD étaient sales, poussiéreuses, rayées : celle-ci est pratiquement impeccable. Sur le plan numérique, ces mêmes anciennes éditions étaient dotées d’un bruit vidéo prononcé, d’effets fantômes sur les contours : rien de tout cela ici ! Les laboratoires italiens et français sont repartis des négatifs image, de diverses copies positives et ils ont refait la synchronisation des pistes sonores. Cette édition est donc à marquer d’une pierre blanche : elle devient l’édition Full HD de référence française en attendant une édition UHD 4K.

L'Avventura

Son - 5,0 / 5

VOitalienneSTF et VF d’époque Dolby Audio Mono 2.0 restaurées : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. Les pistes sonores italiennes et françaises ont été re-synchronisées et nettoyées. Les anciennes éditions DVD françaises des éditions Montparnasse (2004 et 2008) ne proposaient pas la VF d’époque alors qu’elle existait ! On peut enfin la découvrir ici et il faut convenir qu’elle est, dramaturgiquement, à mon avis très bonne. Sur le plan technique, la VOitalienne est mieux équilibrée et ses effets sonores sont davantage dynamiques. Sur la VF d’époque, lorsque deux personnages se parlent sur l’île, on n’entend presque plus le ressac de la mer alors que dans la VOitalienne, on l’entend mieux en arrière-plan.

Crédits images : © Cino del Duca, Produzione Cinematografiche Europee, Robert & Raymond Hakim Company, Societé Cinématographique Lyre

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
Avis

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francis moury
Le 20 avril 2022
Drame psychologique de Michelangelo Antonioni, à juste titre récompensé par la critique au Festival de Cannes pour avoir créé "un nouveau langage cinématographique".

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