Rashomon (1950) : le test complet du Blu-ray

Rashômon

Exclusivité FNAC - Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre

Réalisé par Akira Kurosawa
Avec Toshirô Mifune, Machiko Kyô et Masayuki Mori

Édité par Potemkine Films

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Le 08/12/2022
Critique

Cette réédition d’un des chefs-d’oeuvre du cinéma universel comble toutes les attentes, restaurée et enrichie de précieux bonus exclusifs.

Rashomon

Pour se protéger d’une pluie diluvienne, trois hommes, un bûcheron, un bonze, un domestique se réfugient sous les ruines d’un vieux portique mal famé, Rash-O-Mon, dans l’antique Kyoto. Le bonze et le bûcheron font tour à tour le récit d’une « horrible histoire » entre un homme, son épouse et un brigand, pour laquelle ils avaient été cités comme témoins. Mais que s’est-il vraiment passé ? Impossible de le savoir : quatre versions des faits ont été rapportées !

Rashômon, sorti au Japon en 1950, dans nos salles en 1952, le douzième long métrage d’Akira Kurosawa et le deuxième qu’il réalise pour Daiei après s’être provisoirement séparé de Tōhō, a été adapté d’une nouvelle de Ryunosûke Akutagawa (1892-1927, une vie brève interrompue par un suicide) par le scénariste Shinobu Hashimoto qui deviendra célèbre pour avoir écrit le scénario de huit autres films majeurs d’Akira Kurosawa, dont Vivre (Ikiru, 1954), Les 7 samouraïs (Shichinin no samurai, 1954) et Dodes’kaden (Dodesukaden, 1970), mais aussi le scénario de plusieurs films de Mikio Naruse, dont Nuages d’été (Iwashigumo, 1958), et de Masaki Kobayashi, dont Harakiri (Seppuku, 1962).

Rashômon, récompensé à Venise en 1951 par le Lion d’or, puis en 1952 par l’Oscar d’honneur du meilleur film étranger et nommé, en 1953, à l’Oscar de la meilleure direction artistique, assura la renommée internationale d’Akira Kurosawa et contribua à la découverte du cinéma japonais par l’Occident.

Rashômon, insolite avec son scénario qui brouille les cartes du récit renvoyant le spectateur à ses propres spéculations pour démêler le vrai du faux sur le drame qui s’est déroulé dans la forêt, a d’autres atouts. À commencer par la photographie de Kazuo Miyagawa, chef-opérateur de 138 films, parmi lesquels plusieurs chefs-d’oeuvre : huit films de Kenji Mizoguchi, dont Les Contes de la lune vague après la pluie (Ugetsu monogatari, 1953) et Les Amants sacrifiés (Chikamatsu monogatari, 1954), et aussi Herbes flottantes (Ukigusa, Yasujiro Ozu, 1959), Silence (Chinmoku, Masahiro Shinoda, 1971)… La combinaison de son talent et de l’inventivité d’Akira Kurosawa dans la composition des cadres, la virtuosité des mouvements de caméra et, surtout, les jeux avec les ombres et la lumière aboutissent à un spectacle envoûtant, du jamais vu à l’époque de la sortie du film.

Rashomon

La distribution bénéficie de la contribution de trois grands acteurs. Toshirô Mifune tient ici le cinquième des 17 rôles qu’il tint sous la direction d’Akira Kurosawa, celui du brigand Tajômaru, une des meilleures occasions qui lui furent offertes de démontrer l’étendue de son registre… jusqu’à à l’exubérance ! Le mari est interprété par Masayuki Mori, célèbre au Japon pour avoir tenu une centaine de rôles, notamment avec d’autres grands réalisateurs, Kenji Mizoguchi, Mikio Naruse, Kon Ichikawa, Takeshi Kitano… La femme, Machiko Kyô, donne à son personnage une sensualité peu coutumière du cinéma japonais de cette époque, qui attira l’attention de Daniel Mann : son nom apparaît sur l’affiche de La Petite maison de thé (The Teahouse of the August Moon, 1956) où elle donne la réplique à Marlon Brando et Glenn Ford.

N’oublions pas l’apport de Fumio Hayasaka, un des grands compositeurs japonais de musique de film des années 40 et 50 pour sa partition originale (un peu moins originale pourtant dans les pages où s’imposent le rythme et la mélodie du Boléro de Ravel).

La ressortie de Rashômon comble un vide important. Ce chef d’oeuvre du cinéma universel était depuis des années introuvable dans nos catalogues après l’épuisement de la dernière édition sortie en France par MK2 en 2007. Il nous revient, pour la première fois en haute définition, avec une remarquable amélioration de la qualité d’image obtenue après une soigneuse restauration 4K opérée au Japon en 2008, et dans une édition limitée d’une exceptionnelle qualité, un véritable objet de collection, coédité par Potemkine Films et MK2.

À l’occasion de cette importante ressortie, je rappelle aux cinéphiles la fabuleuse collection Akira Kurosawa - Les années Tōhō. Éditée de 2016 à 2018 par Wild Side Vidéo, elle rassemble, dans quinze mediabooks, les dix-sept films réalisés par Kurosawa pour les Studios Tōhō de 1944 à 1970.

Rashomon

Présentation - 5,0 / 5

Rashômon (89 minutes) et ses généreux suppléments (3 heures !) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé, en compagnie d’un DVD-9 supportant le film et le supplément principal (86 minutes), dans un digipack à trois volets, enfermé, pour cette édition spéciale FNAC, dans un boîtier en bois dont le couvercle coulissant est décoré d’une estampe originale représentant les trois personnages principaux, la femme, le mari et le brigand et contient un livre exclusif édité par Potemkine Films.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, en japonais, avec sous-titres optionnels, au format audio DTS-HD Master Audio 2.0 mono.

Le livre de 126 pages propose une traduction des deux nouvelles de Ryunosûke Akutagawa, Dans le fourré et Rashômon, puis un extrait (publié par les Cahiers du cinéma en 1977) du chapitre de l’autobiographie d’Akira Kurosawa consacré à Rashômon dans lequel le réalisateur souligne l’enjeu du film : « Rashômon serait mon banc d’essai, l’endroit où je pourrais appliquer les idées nées de ses recherches sur le cinéma muet (…), avec seulement huit personnages, dans une histoire à la fois profonde et complexe ». Suivent deux notes de Kurosawa sur la création du film, puis le chapitre 3 du livre En attendant ma météo de la scripte Teruyo Nogami, un journal détaillé sur la genèse, le tournage et l’accueil du film. Ensuite, Vincent Texeira donne ses vues sur la musique du film, « boléro japonais ou gagaku hybride », alors en complet décalage avec l’accompagnement traditionnel d’un film japonais en costumes. Ce passionnant recueil d’informations est abondamment illustré de facsimiles de notes, d’extraits du storyboard et de la partition, de photos de plateau et d’une impressionnante collection des affiches du film à travers le monde.

Une autre édition combo Blu-ray + DVD est disponible, avec les mêmes bonus vidéo, dans un coffret en carton, sans le livre.

Rashomon

Bonus - 5,0 / 5

Testimony as an image, documentaire de Toshirô Enomoto (2012, 85’). Autour de Teruyo Nogami, qui fut la scripte d’Akira Kurosawa, des membres de l’équipe du film, réunis par groupe ou interrogés individuellement, racontent la genèse du film et son tournage. Shinobu Hashimoto, poussé par Mansaku Itami, le scénariste de L’Homme au pousse-pousse (1943 + 1958) (Muhomatsu no issho, Hiroshi Inagaki, 1943 et 1958), à commencer d’écrire des adaptations de romans, choisit une nouvelle publiée en 1922 par Ryunosûke Akutagawa, Dans le fourré (Yabu no naka). L’équipe du film évoque le décor, construit à l’extérieur des studios, la pluie « fabriquée » par des camions de pompiers, la simulation des éclairs de l’orage, les miroirs pour l’éclairage des prises en forêt, déplacés avec les mouvements du soleil, les costumes, la musique avec le fameux boléro (vu par l’éditeur français de Ravel comme un plagiat), la prise de son, les storyboards, l’incendie qui a failli détruire les négatifs en celluloïd, le comportement de Kurosawa sur le plateau, la « purge rouge » qui, sous l’impulsion de MacArthur, a exclu les communistes de tous les studios. Riche en détails sur le tournage, intéressant malgré quelques redites.

Rashômon par Pascal-Alex Vincent et Stéphane Du Mesnildot (26’, 2022, La Bête lumineuse). Après un rappel de la source, la nouvelle de Ryunosûke Akutagawa située à l’ère Heian, du VIIIème au XIIème siècle, les critiques soulignent que Rashômon deviendra un des grands films des studios Daiei, dirigé par l’entreprenant Masaichi Nagata qui eut l’ambition d’assurer la réputation internationale du cinéma japonais. C’est lui qui a choisi, pour le rôle féminin, Machiko Kyô, une actrice dont l’attitude rompait avec la réserve des actrices japonaises. Elle est confrontée à Toshirô Mifune, « le pôle érotique du film ». Masayuki Mori, acteur de premier plan dans le cinéma japonais, a moins bénéficié du film dans lequel il tient le rôle passif du mari. Ils soulignent l’universalité de Kurosawa : intéressé par l’occident, il adapta, notamment, des oeuvres russes, et la remarquable utilisation de la lumière par le chef-opérateur Kazuo Miyagawa.

Rashomon

Entretien avec Cécile Sakai sur les origines littéraires du film (22’, 2022, La Bête lumineuse). Surnommé « l’étoile filante de l’ère Taishō » (1912-1926, un période d’ouverture d’esprit), Ryunosûke Akutagawa, adopté par une famille alliée en raison de la démence de sa mère, imprégné des classiques japonais et chinois, passionné par la littérature occidentale, formé à l’université impériale où il rencontre Natsume Sōseki, un écrivain majeur du début du XXème siècle, qui l’encouragea à écrire. Rashômon, publiée en 1915, est une des premières des 150 nouvelles qu’il écrivit, souvent inspirées de récits anciens. Dans le fourré, sortie en 1922, est inspirée d’un recueil médiéval. Cécile Sakai évoque les modifications apportées à la nouvelle par le scénario de Shinobu Hashimoto, remanié par Kurosawa, notamment avec une fin optimiste. Dans le fourré, archétype de récit énigmatique, camoufle au lecteur la vérité sur le drame qui s’est déroulé dans la forêt. (un intéressant entretien, conduit par Natacha Missoffe).

Masago aux enfers (13’, Potemkine Films, 2022), par Frédéric Mercier, lu par Sarah-Lou Duriez. Frédéric Mercier analyse la composition des cadres, surtout les lignes courbes ou droites qui « délimitent une frontière naturelle entre le monde et des époux trahis (…) que Kurosawa outrepasse » en montrant « la descente aux enfers » de Masago, l’épouse méprisée et la femme abusée, « exclue du monde des hommes (…) morte aux yeux de Takehiro », son mari.

Entretien avec Arthur Harari (29’, 2022, La Bête lumineuse). Rashômon est, pour le réalisateur de Onoda - 10 000 nuits dans la jungle, un « film expérimental (…) déstabilisant (…) un questionnement théorique avec une dimension moderniste qui lui fait penser au dernier film de Josef von Sternberg, Fièvre sur Anatahan (Anatahan, 1953). La puissance et la virtuosité des images rend le film fascinant, hypnotique, bien qu’on ne puisse percer les motivations des personnages. (un entretien un peu longuet qui, surtout, aurait gagné à être mieux préparé).

Bande-annonce d’époque (3’28”).

Bande-annonce pour la ressortie (1’15”).

Rashomon

Image - 4,0 / 5

L’image (1.37:1, 1080p, AVC), parfaitement nettoyée et stabilisée par la restauration 4K opérée en 2008, lumineuse, fermement contrastée avec des noirs denses, met parfaitement en valeur le travail sur les jeux d’ombre et de lumière du réalisateur et du chef-opérateur Kazuo Miyagawa. Un net gain de piqué a été obtenu sans altérer la texture du 35 mm.

Son - 5,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 2.0 mono laisse une bonne impression de propreté. On oublie vite quelques bruits parasites occasionnels et un souffle discret pour retenir une dynamique exemplaire pour un film qui a déjà fêté son soixante-dixième anniversaire. Les dialogues sont très clairement restitués, dans un bon équilibre avec le crépitement des trombes d’eau s’abattant sur les ruines de la porte sous lesquelles s’abritent les trois témoins, et l’accompagnement musical, finement délivré, sans saturations, avec une surprenante largeur de la bande passante.

Crédits images : © 1950 - Kadokawa Pictures

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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Aliocha
Le 25 avril 2021
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