Le Dernier Rivage (1959) : le test complet du Blu-ray

On the Beach

Combo Blu-ray + DVD - Édition Limitée

Réalisé par Stanley Kramer
Avec Gregory Peck, Ava Gardner et Fred Astaire

Édité par Rimini Editions

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Le 21/09/2022
Critique

Film de science-fiction dénonçant le péril de la guerre atomique, adapté d’un roman de Nevil Shute.

Le Dernier Rivage

Australie, janvier 1964 : à la suite d’une troisième guerre mondiale atomique survenue dans l’hémisphère Nord de la Terre, un sous-marin américain commandé par le capitaine Towers trouve refuge à Melbourne. Les habitants savent que les radiations mortelles se rapprochent d’eux et qu’il leur reste environ 5 mois à vivre : on leur distribue bientôt des pilules mortelles afin d’éviter une inutile agonie lorsque les premiers symptômes se déclareront. Towers, désormais veuf, tombe amoureux de l’australienne Moira. Il la quitte quelques jours afin d’accomplir une ultime mission de reconnaissance sous-marine au Pôle Nord puis à San Francisco et à San Diego (d’où des signaux avaient été détectés) : confirmera-t-elle la situation ? Toute vie humaine sur Terre est-elle prochainement vouée à disparaître ?

Le Dernier rivage (On the Beach, USA 1959) produit et mis en scène par Stanley Kramer avec un casting de stars, est adapté du roman homonyme de l’écrivain britannique Nevil Shute (1899-1960), alors émigré en Australie. Il imaginait sobrement, d’une manière à la fois intimiste et sociologique, les derniers instants de la vie sociale humaine sur Terre. Shute l’avait initialement publié dans un journal londonien, divisé en quatre épisodes d’une série intitulée Les derniers jours sur la Terre (1957) puis il développa l’intrigue afin d’en obtenir un roman unifié, plus ample, qui parut la même année. En exergue, il citait un fragment poétique du recueil de T. S. Eliot, Les Hommes creux (1925). Le titre original On the Beach (« Sur la plage ») renvoie d’une part à un extrait de Eliot : « In the last of meeting places / We grope together (…) / Gathered on this beach (…) », d’autre part à une expression de la marine anglaise signifiant « mis à la retraite », « mis hors-service ». Aujourd’hui ce titre fait aussi, rétrospectivement mais inévitablement et assez curieusement, écho au célèbre titre du livre de Jean-Louis Lebris de Kerouac dit Jack Kerouac, On the Road paru cette même année 1957.

Le Dernier Rivage

Shute avait daté l’action du livre en 1964 et le film reprend cette date. Sans doute s’est-il inspiré, par extrapolation, de l’histoire militaire du vingtième siècle : 1914 (début de la Première guerre mondiale) + 25 = 1939 (début de la Seconde guerre mondiale) + 25 = 1964 (début de cette fictive Troisième guerre mondiale). Il collabora initialement avec le cinéaste Stanley Kramer au scénario mais prit ensuite ses distances, considérant que l’adaptation édulcorait son roman, ce que l’acteur Gregory Peck déplorait mais jugeait inévitable, compte-tenu des conventions hollywoodiennes de l’époque. On raconte qu’il détesta particulièrement la fin du film par comparaison avec celle qu’il avait écrite. Il mourut d’une crise cardiaque environ un mois après la sortie de l’adaptation cinématographique de son livre. Pourtant Kramer a maintenu intacte l’angoisse de mort et le deuil (les deux authentiques sujets inextricablement imbriqués par l’intrigue) que Shute avait su maintenir lui aussi tout du long de l’action : il l’a notamment maintenu durant les scènes de vie quotidienne. Sur le plan esthétique, la direction photo de Giuseppe Rotunno constitue un compromis entre esthétique européenne raffinée et efficacité américaine : certains plans (le miroir dans lequel se reflètent brièvement le lieutenant et son épouse), certains angles (la promenade urbaine nocturne d’Ava Gardner et Gregory Peck au milieu de la foule de Melbourne) semblent même parfois un peu influencés par le dépouillement plastique d’un Ingmar Bergman, par l’ampleur inquiète d’un Michelangelo Antonioni sans parler de quelques effets tels que les décadrages. Allié à une direction attentive d’acteurs (une des premières qualités de Kramer), l’ensemble demeure impressionnant. Il serait facile de critiquer certaines longueurs, certaines conventions qui semblent datées et ce serait, à mon sens, une erreur : elles contribuent par leur traitement et leur insertion même dans la continuité, à cette terrible impression d’enlisement progressif, d’avancement inexorable qui broie progressivement individus et collectivités.

Le Dernier Rivage

Parmi les assez nombreuses différences entre livre et film, signalons que dans le livre, Shute désignait clairement le responsable du déclenchement de l’apocalypse alors que, dans le film, son origine est probablement accidentelle. Pour les deux ou trois plans très spectaculaires du Golden Gate désert de San Francisco, on chuchote que les producteurs offrirent quelques centaines de dollars aux gardiens afin qu’ils abaissent les barrières interdisant la circulation, le temps nécessaire aux prises de vue. Les plans d’ensemble de la gigantesque raffinerie ont peut-être (c’est une hypothèse que je tiens pour plausible en raison de la proximité des dates de production) été inspirés à Kramer par ceux si bien exploités, deux ans plus tôt, dans La Marque (Quatermass Two / Enemy From Space / Terre contre Satellite, GB 1957) de Val Guest, qui avait été distribué en décembre 1957 aux États-Unis.

Le tournage du Dernier rivage fut parfois compliqué pour une équipe américaine habituée aux moyens matériels des grands studios : en 1959, Melbourne n’était ni Los Angeles ni Hollywood. De plus, lorsque la star Ava Gardner apparaissait en maillot de bain dans les scènes filmées en extérieurs naturels, des centaines de nageurs australiens s’approchaient de près, au point qu’ils se retrouvaient dans le champ de la caméra, obligeant à modifier les angles et à retourner les prises. La marine américaine refusa aux producteurs l’accès à un sous-marin atomique mais le gouvernement australien leur accorda l’accès au sous-marin anglais HSM Andrew (environ 90 m de longueur, construit en 1946, retiré du service en 1977) et au porte-avions australien HMAS Melbourne (construit en 1955, retiré du service en 1982). Le Dernier rivage marqua une date dans la carrière d’Ava Gardner : elle venait de passer vingt ans sous contrat à la MGM ; désormais libérée de ses obligations, ce rôle de Moira fut son premier tourné en indépendante. Le film en marqua également dans celle de l’acteur Fred Astaire qui interprétait, pour la première fois et vraiment très bien, autre chose qu’un rôle dansé et chanté de comédie musicale. Présenté simultanément en exclusivité mondiale dans une vingtaine de capitales du monde entier le 17 décembre 1959, Le Dernier rivage fut projeté à Moscou en présence de plus d’un millier de dignitaires de l’URSS, de l’ambassadeur américain alors en poste et de l’acteur Gregory Peck et son épouse. Ce dernier était un opposant de longue date à la guerre froide et à la dissuasion atomique.

PS Le Dernier rivage inspira à Françoise de Paepe l’idée de nommer Cinérivage ce qui devait devenir, brièvement (de 2000 à 2003) mais brillamment, l’un des premiers grands sites internet cinéphiles en activité sur la toile francophone. Elle se plaisait à préciser qu’elle l’avait baptisé ainsi non seulement en hommage au livre de Shute et au film de Kramer mais encore parce que rivage rimait avec image et mirage.

Le Dernier Rivage

Présentation - 2,5 / 5

1 édition combo Blu-ray BD50 + DVD9 sous digipack par Rimini, collection SF, le 21 septembre 2022. Image N&B au format original 1.66 compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio 2.0 mono VF d’époque + VOSTF 5.1. Durée cinéma du film : 134 min environ (sur Blu-ray à 24 images / secondes). Suppléments : présentation du film par Vincent Nicolet et par Marie-Odile Probst.

Bonus - 3,0 / 5

Présentation par Vincent Nicolet (2022, 31’04”) : première partie consacrée à une bonne situation du cinéaste, du film, du genre et de la catégorie du genre auquel il appartient (une science-fiction apocalyptique au ton plus intimiste) dont l’ancêtre remonte plus haut que ce que mentionne Nicolet, en fait à 1951 ainsi que je l’avais établi autrefois dans ma critique de Les 5 survivants / Five de Arch Oboler), de son casting, de sa postérité dans l’histoire du cinéma ; seconde partie critique analysant d’une manière précise à la fois la thématique et l’esthétique, le scénario et la mise en scène. Illustré par des extraits du film et quelques affiches.

Le roman de Nevil Shute par sa traductrice Marie-Odile Probst (2022, 34’36”) : biographie de l’écrivain, analyse critique de sa bibliographie, situation du roman dans son oeuvre, remarque sur les traductions antérieures du roman (pas tout à fait complètes), bonne analyse critique générale du roman et repérage de quelques différences entre le livre et le film : précis voire même méticuleux.

Bonne édition spéciale qui délivre bien davantage d’informations que l’ancienne édition américaine Blu-ray de Kino Lorber en 2014 dont l’unique bonus était une bande-annonce de 1959 (en forme de reportage sur la première exclusivité : on aurait pu la reprendre ici en bonus, d’ailleurs car c’est un document d’histoire du cinéma de première main). Elle aurait été encore meilleure à mes yeux si elle avait présenté une galerie affiches et photos d’exploitation américaine et / ou française. Pour les cinéphiles anglophones, je signale qu’il existe un livre de Philip R. Davey, When Hollywood Came to Melbourne : the Story of the Making of Stanley Kramer 1959 Classic Film « On the Beach » in Australia (édité par l’auteur lui-même je pense car aucun éditeur n’est mentionné sur la couverture, en mars 2006, 250 pages illustrées) relatant en détails l’histoire du tournage et préfacé par Karen S. Kramer, la veuve du cinéaste Stanley Kramer.

Le Dernier Rivage

Image - 3,0 / 5

Full HD 1080p en N&B, au format large original 1.66 compatible 16/9. Copie argentique moyenne : poussières, petites déchirures, émulsion fatiguée voire endommagée de certains plans même si l’ensemble est d’une bonne tenue, surtout compte tenu de son assez longue durée. Bonne définition vidéo, gradation soignée des nuances de noir, de blanc et de gris. Un des premiers grands titres de la filmographie du directeur photo italien Giuseppe Rotunno, collaborateur de cinéastes tels que Luchino Visconti et Federico Fellini dans les années 1957-1970. Il faut aussi mentionner que Daniel L. Fapp (plus tard directeur photo pour certains des meilleurs titres mis en scène par John Sturges) est ici crédité pour la scène spectaculaire de la course automobile.

Son - 5,0 / 5

DTS-HD Master Audio 5.1 et Dolby Audio DD 2.0 en VOSTF + DTS-HD Master Audio 2.0 mono en VF d’époque : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. La VO 5.1 est évidemment une piste remastérisée : l’originale était simplement stéréo. La VF d’époque est dramaturgiquement soignée. Musique assez quelconque pourtant signée par Ernest Gold qui composera des partitions bien plus dynamiques par la suite.

Crédits images : © Lomitas Productions, Stanley Kramer

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 22 septembre 2022
Film de science-fiction dénonçant le péril de la guerre atomique, adapté d’un roman de Nevil Shute.

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