Limbo (2020) : le test complet du Blu-ray

Des migrants réfugiés en Écosse, retenus dans les « limbes », attendent une hypothétique ouverture des portes du paradis rêvé, l’Angleterre.

Sur une petite île de pêcheurs en Écosse, un groupe de demandeurs d’asile attend de connaître son sort. Face à des habitants loufoques et des situations ubuesques, chacun s’accroche au rêve d’une vie meilleure. Omar, un jeune musicien syrien, transporte où qu’il aille le luth légué par son grand-père.

Limbo, sorti dans nos salles de mai à juillet 2022, vu par près de 16 000 spectateurs, sélectionné à Cannes avant l’annulation du festival en 2020, lauréat de nombreuses récompenses, notamment du Grand prix du Festival international du film de Bruxelles, est le deuxième long métrage du Britannique Ben Sharrock (né en 1985), après Pikadero, sorti en 2015, sur la vie difficile d’un jeune couple désargenté en Espagne, salué par neuf prix, dont le Prix de la critique à Zurich et le Prix du meilleur film européen à Bruxelles.

Limbo est une comédie dramatique dont le ton ironique est donné dès l’intrigante scène d’ouverture : une quadragénaire, immobile devant un large tableau noir, fait un signe de la tête pour déclencher la lecture de It Happened with a Kiss de Hot Chocolate, au rythme duquel elle commence à onduler, les pieds joints, avant d’inviter un partenaire à danser avec elle. En contrechamp, deux douzaines d’hommes, en majorité des Africains, figés sur des chaises. La danse est brutalement interrompue par un « no! » et une claque retentissants quand l’homme lui met la main aux fesses. La musique s’arrête et Helga s’adresse alors à l’audience : « What Boris did wrong ? » (Quelle faute Boris a-t-il commise ?). Les migrants assistaient à une séance de formation sur les bonnes manières destinée à faciliter leur insertion… s’ils étaient, un jour, autorisés à rester au Royaume Uni.

Limbo a été filmé avec très peu de moyens, à l’approche de l’hiver, sur l’île de Rum, battue par les vents dans l’archipel des Hébrides au nord-ouest de l’Écosse. La caméra suit, plan après plan, Omar, un Syrien d’une vingtaine d’années. C’est sous la pression de sa famille, attendant de lui de l’argent, qu’il a quitté la Syrie, où il était apprécié comme chanteur s’accompagnant au luth (oud).

Omar est interprété sobrement par le jeune Amir El-Masry, originaire d’Égypte, installé depuis 2013 en Angleterre où il a enchaîné une trentaine de rôles, principalement dans des séries télévisées. Il a, notamment, été l’interprète d’Ibrahim, personnage récurrent de 7 des 16 épisodes de la trépidante série Jack Ryan de Tom Clancy, créée par Carlton Cuse en 2018.

Limbo, en évitant tout pathos, avec des touches comiques, voire farfelues, réussit à faire ressentir le drame vécu par les migrants, plongés dans un autre environnement culturel, soumis aux rudesses climatiques et confrontés à la bêtise raciste, épinglée par un dialogue entre Omar et un Hébridien qui lui demande ses origines : « - Paki ? - C’est quoi ? - Bronzé, tu sais… mais pas Espagnol ! ». Le pire, c’est l’incertitude des hommes sur leur sort, au terme d’une attente qui peut durer des mois et les pousser à renoncer à leur rêve et à demander d’être renvoyés dans le pays qu’ils ont quitté.

La sortie en vidéo, sur Blu-ray et DVD, devrait donner à Limbo la chance de toucher le public plus large qu’il mérite, principalement pour l’originalité de son approche d’un grave problème et pour la beauté de la photographie de Nick Cooke, chef opérateur expérimenté, distingué par le Prix de la meilleure photographie à la Berlinale pour The Mass of Men (Gabriel Gauchet, 2013).

Limbo (104 minutes) et ses suppléments (24 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé dans me traditionnel boîtier bleu.

Le menu fixe et musical propose le film dans sa version originale, en anglais et en arabe, avec sous-titres optionnels pour les dialogues en anglais, imposés pour ceux en arabe, et dans un doublage en français, les deux au format audio DTS-HD Master Audio 5.1.

Une édition DVD est disponible, avec le même contenu.

Deux compléments spécialement produits par L’Atelier d’Images pour cette édition :

Entretien avec le réalisateur Ben Sharrock (13’). Le réalisateur, accompagné par Sidse Babett Knudsen, l’interprète d’Helga. Il lui a fallu du temps pour mettre en oeuvre le projet d’un film sur les migrants, à réaliser qu’il fallait des acteurs auprès de débutants, à trouver le bon équilibre entre les scènes de drame et d’humour, à définir un montage pour rythmer leur alternance, avec le souci constant de faire ressentir au spectateur l’impression d’être dans les « limbes », un lieu transitoire, incertain. Sidse Babett Knudsen souligne l’humanisme du film.

Rencontre avec l’acteur Amir El-Masry (9’) au Festival du film celte de Paris. La rudesse des Hébrides (pas besoin de ventilateur pour simuler le vent) l’a aidé à entrer dans la peau du personnage d’Omar, traité avec intégrité par le réalisateur. Le tournage a été précédé de deux semaines de répétitions à Glasgow, au contact de réfugiés syriens faisant preuve d’un humour à toute épreuve. Sa réticence à tenir un rôle de migrant, qui lui est trop souvent proposé avec celui de terroriste, est tombée à la lecture du scénario de Ben Sharrock.

Bande-annonce (2’)

Espace découverte de L’Atelier d’Images : bandes-annonces de 9 jours à Raqqa (Xavier de Lauzanne, 2020), un documentaire sur la reconstruction de Raqqa, l’ex-capitale de l’État Islamique, sélectionné pour le Prix Lumière, de Et j’aime à la fureur (André Bonzel, 2021), un documentaire sur les films de famille sélectionné pour la Caméra d’or, de Marché noir (Koshtargah, Abbas Amini), une descente dans l’enfer de l’Iran d’aujourd’hui, et La Mif (Fred Baillif, 2021) sur les foyers pour adolescentes, salué à Berlin par le Grand prix de la génération 14+.

L’image numérique (1080p, AVC) au ratio 1.33:1 (il s’élargit à 2.35:1 pour le dernier plan), avec une bonne résolution, déploie les couleurs délicatement nuancées des paysages sous la pâle lumière de ciels bouchés qui se confondent avec la mer. L’équilibre des contrastes et la densité des noirs assurent une bonne lisibilité des scènes les plus faiblement éclairées.

Le son DTS-HD Master Audio 5.1 restitue clairement les dialogues, très priorisés par rapport au discret accompagnent musical. Une répartition équilibrée du signal sur les cinq canaux génère une réaliste impression d’immersion dans l’ambiance.

Cette évaluation s’applique au doublage en français.

Crédits images : © Caravan Cinema