Pasolini 100 ans ! En 9 films : Accattone + Mamma Roma + La Ricotta + L'Évangile selon Saint Matthieu + Enquête sur la sexualité + Des oiseaux petits et gros + Oedipe roi + Médée + Carnet de notes pour une Orestie africaine : le test complet du Blu-ray

Neuf films restaurés réunis pour le centième anniversaire de la naissance de Pier Paolo Pasolini. Une des éditions marquantes de 2022 !

Le coffret Pasolini 100 ans, sorti à l’occasion du centième anniversaire de la naissance du cinéaste, le 5 mars 1922 à Bologne, propose neuf films, sept longs métrages, Accatone (1961, 1.37:1, 117’), Mamma Roma (1962, 1.85:1, 107’), L’Evangile selon St Matthieu (Il Vangelo secondo Matteo, 1964, 1.85:1, 148’), Enquête sur la sexualité (Comizi d’amore, 1964, un documentaire, 92’), Les Oiseaux, petits et grands (Uccellacci e uccellini, 1966, 1.85:1, 88’) et son étonnant générique chanté sur une musique originale d’Ennio Moriccone, Oedipe Roi (Edipo re, 1967, 1.85:1, 104’), Médée (1969, 111’), avec Maria Callas dans le rôle-titre, et deux courts métrages, La Ricotta (35 minutes), un des sketches du film collectif RoGoPaG (Laviamoci il cervello, 1963) et Carnet de notes pour une Orestie africaine (Appunti per un’Orestiade africana, 1970, 65’).

À revoir ces films, tous soigneusement restaurés, on enrage en pensant à tous ceux que Pier Paolo Pasolini, en pleine maturité après la trilogie de la vie (Le Décaméron / Il Decameron, 1971, Les Contes de Canterbury / I Racconti di Canterbury, 1972, et Les Mille et une nuits / Il Fiore delle mille e una notte, 1974), aurait encore pu réaliser s’il n’avait pas été sauvagement battu à mort à 53 ans sur la plage d’Ostie dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975 ! D’autant plus que cet assassinat, probablement une exécution politique, est resté impuni.

Le coffret Pasolini 100 ans, s’il reprend des bonus d’éditions précédentes, nous propose des films restaurés, certains tout récemment, tous en haute définition, une nouveauté pour la plupart d’entre eux. C’est, avec Kinuyo Tanaka, réalisatrice de l’âge d’or du cinéma japonais - Coffret 6 films et Satyajit Ray en 6 films, un des plus importants coffrets édités en 2022, tous par Carlotta Films.

Le coffret Pasolini 100 ans, ses neuf films (14h30) et leurs suppléments (plus de 6h) tiennent sur six Blu-ray BD-50 logés dans six fins digipacks, glissés dans un étui.

Un menu fixe et musical propose chaque film dans sa version originale, en italien, avec sous-titres optionnels, au format audio DTS-HD Master Audio 1.0.

L’Évangile selon Saint Matthieu offre un doublage en français au format DTS-HD MA 1.0.

Suppléments repris de précédentes éditions.

Sur le disque 1 :

Pasolini l’enragé (98’, noir en blanc, 1.33:1), émission diffusée le 15 novembre 1966 dans la case Cinéastes de notre temps, le magazine dirigé par Janine Bazin et André S. Labarthe. Pier Paolo Pasolini, en français et en italien, revient sur son oeuvre cinématographique, d’Accatone à Uccelacci e ucellini « placés sous le signe de la nostalgie, du sentiment d’exclusion et nourris par la haine traumatique de la bourgeoisie ». Marxiste, il exprime son rapport au néoréalisme, sa fascination quasi-religieuse pour l’antiquité, ses démêlés avec certains politiques… Bernardo Bertolucci, son assistant, l’acteur Franco Citti, le cinéaste Vittorio Cottafavi, le producteur Alfredo Bini et d’autres parlent de lui (avec quelques extraits des films).

Sur le disque 2 (sur lequel est logé La Ricotta) : les bandes-annonces de Mamma Roma (3’59”) et de la sortie le 6 juillet 2022 d’Accatone et Mamma Roma, dans le cadre de la rétrospective Pasolini 100 ans (2’03”).

Sur le disque 3, les suppléments exclusifs de l’édition de L’Évangile selon Saint Matthieu sortie par Carlotta Films en 2003 :

Pasolini, un religieux sans foi (10’), un entretien avec Hervé Joubert-Laurencin. Issu d’une famille catholique, intéressé par l’histoire des religions, Pasolini se reconnaissait une « fausse foi d’adolescence » qu’il a perdue à 15 ans et échangée contre ce qu’il appelait « un rapport au sacré ». Ses relations tumultueuses avec l’Église catholique lui ont, notamment, valu quatre mois de prison avec sursis pour atteinte à la religion d’état reprochée à La Ricotta. Pasolini n’a apporté aucune modification à la traduction en italien de L’Évangile selon Saint Matthieu, une narration de la vie du Christ. Il a demandé à son acteur de ne pas jouer et a « volontairement saboté son style », celui qui irradiait sa « trilogie romaine », constituée d’Accatone, Mamma Roma et La Ricotta. Soumis, dès son scénario à l’approbation des autorités religieuses, le film reçut à Venise le Prix de l’Office Catholique International du Cinéma.

Pasolini face à l’Église (15’). Virgilio Fantuzzi, directeur de la rubrique spectacles de la revue Civiltà catholica, se souvient avoir vu L’Évangile selon Saint Matthieu en projection privée en 1964, à une époque où les ecclésiastiques n’étaient pas autorisés à aller au cinéma. Il a rencontré Pasolini, « un homme à plusieurs facettes » qui, répondant à la question d’un journaliste, avait dit ne pas croire en Dieu. Cet évangile, dont il a suivi le texte à la lettre, l’avait inspiré « comme un texte théâtral » qu’il a souhaité mettre en scène en gardant une position objective, extérieure, en renonçant à ses options artistiques au profit d’un « style magma ».

Un Christ à Cadaqués (23’, espagnol, sous-titré). Quarante ans après, Enrique Irazoqui, se souvient. Il avait 19 ans, étudiait à Barcelone, quand Pasolini l’a choisi en 1964 pour interpréter le Christ. Il évoque le tournage, commencé sans aucune préparation, la réception du film à Venise… À son retour en Espagne, son passeport lui fut confisqué pour avoir participé à un film communiste !

Bande-annonce (5’05’).

Sur le disque 4 : Scène coupée avec Totó dans un cirque, non sonorisée (7’) et Bande-annonce (3’23”).

Sur le disque 5 : Bande-annonce (3’33”).

Sur le disque 6, les suppléments exclusifs de l’édition de Médée sortie par Carlotta Films en 2004 :

Le mythe de Médée et Jason (6’), lu par Marie Payen, un rappel de pages de la mythologie grecque et de la fin tragique des deux personnages, illustré par quelques extraits du film.

Médée passion, souvenirs d’un tournage (30’). Giuseppe Gentile, médaille de bronze aux J.O de Mexico en 1968, l’interprète de Jason, Laurent Terzieff, l’interprète du Centaure, Pïero Tosi, le costumier de Maria Callas, le décorateur Dante Ferretti, Mario Tursi, photographe de plateau, rappellent les quatre mois du tournage éprouvant en Turquie et en Syrie, la docilité de Maria Callas…

Médée, le choc des cultures (12’). Christophe Mileschi, traducteur des Visions de la Médée de Pasolini, un ouvrage essentiel pour la compréhension du film, publié juste avant sa sortie en salles. Pasolini, « un homme de lettres qui fait du cinéma », propose une double vision, profane et sacrée, de l’existence, souligne le choc entre la modernité, le monde de Jason, et le monde antique, celui de Médée.

Visions de la Médée (27’), un écrit en forme de scénario, avec 98 « visions » (ou séquences), une suite « d’impressions, de notes, de réflexions, d’actions » dont des extraits sont lus « en écho avec le film ».

Scènes coupées (35’), retrouvées en 2004 à la cinémathèque de Pordenone, chacune précédée d’un texte la resituant dans le contexte du tournage et dans la pensée de Pasolini.

Bande-annonce de la rétrospective en six films, sortie en salles le 20 juillet 2022, en deux parties (2’45” et 1’47”).

L’image (1080p, AVC), au ratio original de chaque film, allant de 1.37:1 à 1.85:1, tire grand profit des restaurations récentes, pour la plupart opérées après scan 4K des négatifs (accessoirement de positifs pour certaines scènes manquantes). Débarrassée des marques de dégradation de la pellicule, stabilisée, lumineuse avec des noirs denses, elle offre un fin dégradé de gris, soigneusement étalonné. Un net gain de résolution a été obtenu sans lisser le grain argentique.

Les couleurs d’oedipe roi, de Médée et de quelques plans de La Ricotta ont été parfaitement étalonnées dans une délicate palette naturelle, sans excès de saturation.

Le son DTS-HD Master Audio 1.0, très propre lui aussi, pratiquement sans souffle, assure une claire restitution des dialogues, dans un bon équilibre avec l’accompagnement musical, occasionnellement altéré par d’irréparables saturations.

Le doublage en français de L’Évangile selon Saint Matthieu est au même format.

Crédits images :
ACCATTONE © 1961 SND (GROUPE M6) / COMPASS/MOVIETIME. TOUS DROITS RÉSERVÉS.
MAMMA ROMA © 1962 RTI. TOUS DROITS RÉSERVÉS.
LA RICOTTA © 1963 SND (GROUPE M6). TOUS DROITS RÉSERVÉS.
L’ÉVANGILE SELON SAINT MATTHIEU © 1964 STUDIOCANAL IMAGE / ARCO FILM. TOUS DROITS RÉSERVÉS.
DES OISEAUX PETITS ET GROS © 1966 SND (GROUPE M6). TOUS DROITS RÉSERVÉS.
OEDIPE ROI © 1968 SND (GROUPE M6). TOUS DROITS RÉSERVÉS.
MÉDÉE © 1970 SND (GROUPE M6). TOUS DROITS RÉSERVÉS.