Freud, passions secrètes (1962) : le test complet du Blu-ray

Freud

Édition Blu-ray + DVD + DVD bonus + livre - Boîtier Mediabook

Réalisé par John Huston
Avec Montgomery Clift, Susannah York et Larry Parks

Édité par Rimini Editions

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Le 30/11/2022
Critique

La naissance de la psychanalyse restituée d’une manière romanesque et, parfois, fantastique : un des meilleurs films de Huston.

Freud, passions secrètes

Vienne, Autriche de 1885 à 1890 environ : le jeune médecin Sigmund Freud (1856-1939) recherche le moyen de guérir certains graves troubles psychosomatiques, notamment ces cas graves d’hystérie que ses confrères sont incapables de traiter. Il admire la technique novatrice de l’hypnose du médecin français Charcot. S’appuyant sur son expérience clinique, notamment sur le cas de la patiente Cecily, il découvre que l’inconscient existe et qu’il peut se manifester sous diverses formes, y compris pathologiques. Freud, encouragé par son auto-analyse et les premiers résultats cliniques obtenus, fonde alors la psychanalyse. Ses premiers écrits et ses premières conférences suscitent scandale et résistance mais, aussi, des vocations passionnées.

Freud passions secrètes (Freud / Freud : the Secret Passion, USA 1962) de John Huston constitue dans l’histoire du cinéma une date aussi importante, sur le plan des rapports entre cinéma et psychanalyse, que l’ancien film muet Les Mystères d’une âme (Geheimnisse einer seele - Ein psychoanalytischer Film / Les Secrets d’une âme / Le Cas du professeur Mathias, All. 1926) de G. W. Pabst dont la production avait été techniquement conseillée par Hans Sachs et Karl Abraham, avec l’autorisation de Freud qui s’était, pour sa part, récusé comme conseiller technique, estimant difficile qu’un film puisse restituer correctement une théorie abstraite. Un point commun esthétique entre le titre de 1926 et celui de 1962, par-delà la quarantaine d’années qui les séparent : l’influence de l’expressionnisme allemand sur certains plans ressortant du cinéma fantastique, en raison de l’illustration matérialisée des phantasmes, qui plus est filmés en N&B sur une pellicule augmentant les contrastes et rendant les noirs plus denses, ce qui renforce l’effet d’étrangeté de certains plans.

Freud, passions secrètes

Freud passions secrètes décrit d’une manière romanesque les débuts médicaux de Freud et la naissance de la psychanalyse à la fois théorique et clinique, sous la forme d’une enquête obsédante aux multiples rebondissements jusqu’à la découverte de certaines énigmes, leurs conséquences intimes (l’auto-analyse, ses rapports avec son épouse, avec son ami et collègue Breuer) et médico-sociales. La vision de Vienne, notamment de la Vienne nocturne, est parfois influencée - à cause du thème des prostituées et des maisons closes - par la représentation des bas-fonds qu’on pouvait visionner dans des films expressionnistes tels que Loulou (All. 1928) de G.W. Pabst ou même dans certains films d’épouvante davantage récents tels que le Jack l’éventreur (GB 1958) de Robert S. Baker et Monty N. Berman. Le personnage maudit (comme le héros mythologique grec Oedipe l’avait été) du fils von Schlosser (joué par David McCallum, extraordinaire dans le rôle) ressort lui aussi franchement du cinéma fantastique. Le philosophe et romancier français Jean-Paul Sartre avait écrit, à la curieuse demande de Huston (qui ignorait tout de sa philosophie mais appréciait l’auteur de théâtre et le romancier), deux versions du scénario, jugées intéressantes mais bien trop longues. Huston le fit entièrement refondre : Sartre demanda alors à ce que son nom fût retiré du générique et n’alla, dit-on, même pas voir le film à sa sortie. Le scénario adapté (notamment par Wolfgang Reinhardt, le fils de Max Reinhardt) obtint plusieurs récompenses américaines en 1963. Concernant sa rigueur documentaire, le personnage spectaculaire de Cecily est, certes, fictif mais ses symptômes sont inspirés par plusieurs cas réels effectivement traités par Freud.

Freud, passions secrètes

La production comme le tournage de Freud, passions secrètes furent difficiles. Huston et Sartre souhaitaient que Marilyn Monroe interprétât le rôle de Cecily Koertner mais la Fox, avec laquelle Marilyn Monroe était sous contrat, ayant constaté l’échec commercial du The Misfits (Les désaxés) (The Misfits, USA 1960) de John Huston, refusa la proposition. Huston se rabattit sur l’actrice Susannah York, remarquable et un casting secondaire non moins remarquable. L’acteur principal Montgomery Clift (alors âgé de 42 ans et qui devait mourir quatre ans plus tard : c’est pratiquement son dernier très grand rôle, peut-être le meilleur de sa filmographie, celui auquel il était réellement prédestiné) souffrait de problèmes de santé qui ralentirent parfois le tournage mais on rapporte que le cinéaste Huston lui-même, à cette époque, pouvait l’interrompre des heures en raison d’une visite inopinée ou bien faire construire en vain un décor. Au final, les retards et dépassements de budget coûtèrent cher à Universal. Le premier montage du film durait 170 minutes ; c’était celui que préférait Huston : Universal lui imposa de le raccourcir à 140 minutes, ramenant certains rôles secondaires à de furtives apparitions ou même les supprimant totalement. La version exploitée en Angleterre fut même ramenée à 120 minutes. En dépit de ces aléas, Freud passions secrètes fut, sinon un franc succès commercial du point de vue des producteurs, du moins un franc succès critique tant aux USA qu’en Europe.

Freud, passions secrètes

Présentation - 5,0 / 5

1 Blu-ray BD50 région B + 2 DVD-9 + 1 livret 80 pages édités par Rimini le 22 novembre 2022. Image N&B Full HD 1080p sur le Blu-ray, au format original 1.85 compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio 2.0 Mono VOSTF. Durée du film sur Blu-ray : 140 min. 30 sec. environ. Supplément : John Huston masterclass (1981, 36 min. environ, VOSTF) : entretien enregistré à Londres au National Film Theater et au British Film Institute + Freud les yeux grand ouverts (15 min. environ) : analyse du film par Bernard Benoliel, directeur de l’action culturelle à la Cinémathèque française + Freud le film oublié & Freud secrets d’adaptation par la psychanalyste Marie-Laure Susini (2022, durée 17 & 11 min. environ). Très bel objet, la sérigraphie des 3 disque (film sur Blu-ray, film sur DVD, bonus sur DVD) et le visuel du coffret s’inspirent de l’affiche belge (pour la partie supérieure) mais est graphiquement au moins aussi belle en raison, notamment, de son travail soigné sur les couleurs.

Livret illustré 80 pages « Histoire d’un film sous influence » par Marc Godin : bien informé et très bien illustré de belles reproductions d’affiches en couleurs (française, belge notamment) et de très belles photos de plateau N&B (ou de photos détourées d’exploitation, dans certains cas). La bibliographie des articles et livres cités - à laquelle manquent cependant un n° de la revue Positif de 1970, pourtant cité page 19 et un livre d’entretiens de John Gerassi avec Jean-Paul Sartre, pourtant cité page 22 - ne mentionne pas (sauf cas de la revue Positif n° 284 de septembre 1984) les dates de parution : lacune contraire aux règles de l’édition. Plus gênant : les citations diverses ne sont pas sourcées. Et, encore plus gênant, leurs locuteurs ne sont pas toujours nommés : par exemple, concernant la citation du haut de la page 19, qui parle ? John Huston ou Wolfgang Reinhardt ? Il n’y a que celui possédant un exemplaire papier qui peut le savoir avec certitude car le livret ne le précise pas. C’est d’autant plus dommage, concernant cette citation de la page 19, qu’il y s’agit de l’origine de l’idée directrice du scénario. A partir du contexte, je présume que c’est une citation de Huston mais aucune indication du livret ne permet d’en être certain. Un détail, moins gênant mais curieux : pourquoi le fait que Universal France ait mis au pluriel le titre américain original alternatif Freud : the Secret Passion en Freud passions secrètes, est-il considéré par Godin comme « putassier » (sic page 64) ? Je ne crois même pas que ce pluriel soit un contresens mais un réel autre sens puisque le titre américain alternatif peut désigner la passion secrète (subjective) de Freud pour la psychologie puis la psychanalyse tandis que les passions secrètes (objectives) du titre français me semblent désigner celles étudiées, en tant que symptômes et étiologies de symptômes, chez ses patients.

Freud, passions secrètes

Bonus - 4,5 / 5

« John Huston masterclass (1981, 36 min. environ, VOSTF) : entretien enregistré à Londres dans lequel le cinéaste John Huston s’exprime au National Film Theater et au British Film Institute. La première partie de l’enregistrement concerne la jeunesse et les débuts de Huston à Hollywood, sa période londonienne de jeunesse où il avait survécu dans la rue, son retour à Hollywood. La seconde partie comporte d’assez longues remarques sur le film de 1962, le scénario de Sartre et les problèmes de santé de Montgomery Clift : le livret en reproduit le contenu très précisément et les complète. Attention au menu qui écrit « Houston » au lieu du correct « Huston », ensuite correctement orthographié.

« Freud les yeux grand ouverts (15 min. environ) : analyse du film par Bernard Benoliel, directeur de l’action culturelle à la Cinémathèque française. Première partie de l’analyse assez bonne : la technique de la cure psychanalytique y est effectivement en gestation, y compris sur le plan plastique et la répartition de l’espace. Seconde partie concernant Sartre beaucoup plus discutable et plaquée. Quant à la figure du père, nihil novi sub sole (même si le sole en question est un projecteur réglé par le directeur de la photographie Douglas Slocombe) : de même que la figure de la mère, on sait qu’il s’agit de thèmes fondamentaux relativement à l’élaboration théorique freudienne.

Freud le film oublié + Freud secrets d’adaptation (2022 pour le montage, 2017 pour les entretiens, durée 17 et 11 min. environ) : la psychanalyste Marie-Laure Susini examine le film de Huston : elle le trouve remarquable (et elle a raison) par sa conception, sa construction et son interprétation qu’elle défend et illustre (par la grâce du montage des extraits) bien. Elle nous informe en outre concernant certaines modifications historiques (le personnage de Breuer serait par exemple, tel qu’il est montré dans la seconde partie du film, en grande partie, une transposition de Fliess). Pour le reste, paraphrase du film et nombreuses remarques redondantes par rapport à celles déjà écrites dans le livret ou celles fournies par Huston lui-même dans le premier bonus. Reste que je trouve assez curieux, à propos des livres biographiques sur Freud, brièvement évoqués au début du premier entretien, que celui d’Ernest Jones, La vie et l’oeuvre de Sigmund Freud (Angleterre 1953-1957, traduction française aux Presses universitaires de France) qui demeure la biographie majeure, ne soit même pas montré à l’image.

Très honorable édition collector, compte tenu de l’ensemble livret et bonus : un seul regret, l’absence d’une galerie affiches et photos sur le disque bonus mais c’est (en partie car il manque un jeu complet de photos d’exploitation, par exemple américain ou français, non détouré) compensé par le livret.

Freud, passions secrètes

Image - 4,0 / 5

Format 1.85 en N&B, compatible 16/9, en Full HD 1080p AVC sur le Blu-ray. Copie argentique en très bon état sauf quelques poussières négatives et positives fugitives occasionnelles sur un certain nombre de plans. Excellent transfert vidéo, équilibrant le lissage et le grain. Gradation fine des nuances de noir, gris, blanc respectant la magnifique photographie de Douglas Slocombe, notamment les fameuses séquences de rêves, cauchemars et phantasmes, filmées sur pellicule nitrate afin d’augmenter leur densité angoissante et leur étrange contraste.

Freud, passions secrètes

Son - 2,5 / 5

VOSTF en DTS-HD Master Audio 2.0. (sur Blu-ray) : offre nécessaire mais malheureusement insuffisante pour le cinéphile francophone car il existait une VF d’époque (qui avait même eu les honneurs d’une télédiffusion en première partie de soirée lors des Dossiers de l’écran, la fameuse émission française de débats introduits par un film, durant l’âge d’or de l’ORTF) ici absente (*). La VOSTF est en parfait état technique, aux effets sonores dynamiques, est dotée de dialogues reportés avec une parfaite clarté. Musique signée Jerry Goldsmith : certains éléments de sa partition - sa première récompensée par une nomination à l’Oscar - , identifiables à l’oreille dès le générique d’ouverture, furent repris dans celle qu’il composa, bien plus tard, pour le Alien (USA 1979) de Ridley Scott, pour la séquence où on découvre que le sang du monstre est un acide dangereux. Quelques séquences oniriques comportent, en outre, de la musique électronique composée par Henk Badings.

(*) À propos de la version française, Rimini Editions nous signale qu’elle était présente chez Éclair, mais que c’est une version de 2 heures : le film serait sorti en salles dans une version plus courte. Universal en ignorait l’existence et, au final, ils n’ont pas pu y avoir accès. Il n’est pas certain qu’elle aurait été exploitable : le montage était certainement assez différent.

Crédits images : © Bavaria Film, Universal International Pictures

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 3 décembre 2022
La naissance de la psychanalyse restituée d’une manière romanesque et parfois fantastique : un des meilleurs films de Huston, qui plus est présenté pour la première fois chez nous en version intégrale (l'ancienne version exploitée au cinéma en France était, tout comme la version anglaise, réduite à 120' au lieu des 140' de la version américaine exploitée).

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