L'Homme tranquille (1952) : le test complet du Blu-ray

The Quiet Man

Édition Collector Blu-ray + DVD

Réalisé par John Ford
Avec John Wayne, Maureen O'Hara et Barry Fitzgerald

Édité par Rimini Editions

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Le 15/12/2022
Critique

Le film le plus tendre et le plus personnel de John Ford, enfin disponible en HD, dans une des éditions marquantes de l’année 2022.

L'Homme tranquille

Sean Thornton, un ancien boxeur américain, revient à Inisfree, son village natal d’Irlande, avec l’objectif de racheter White O’Morn, l’ancien cottage de sa famille pour s’y installer définitivement. Il fait la connaissance de Mary Kate Danaher, la soeur du colérique ‘Red’ Will Danaher qui convoitait la maison des Thornton avant que Sean ne la rachète. Le Yankee entreprend tout de même d’épouser Mary Kate selon les règles de la tradition irlandaise.

L’Homme tranquille (The Quiet Man), sorti en 1952, est le plus personnel des quelques 150 films réalisés, de 1917 à 1965, par John Ford. Né Sean Martin Feeney, de parents irlandais qui avaient émigré à l’âge de 15 ans à Portland, Maine, en 1872, il caressait le projet d’une sorte d’hommage à la terre de ses ancêtres en rachetant les droits d’adaptation d’une nouvelle du romancier irlandais Maurice Walsh (1879-1964), publiée en 1933 dans The Saturday Evening Press, puis remaniée en 1935 dans un recueil intitulé Green Rushes. Le peu d’intérêt des studios pour le sujet le contraint d’attendre de longues années jusqu’à ce que Herbert J. Yates, le fondateur de Republic Pictures, s’engage à produire le film à la condition que John Ford lui assure préalablement une rentrée de fonds en réalisant un western. Ce sera Rio Grande qui permettra au réalisateur de tester l’alchimie entre les deux acteurs principaux de L’Homme tranquille, John Wayne et Maureen O’Hara, pour la première fois réunis.

L’Homme tranquille a été tourné principalement en extérieurs, dans le Connemara, pas loin de la terre des ancêtres de Ford, le reste, les intérieurs, dans les studios de Republic Pictures, avec un budget qui a permis de réunir une belle distribution, à laquelle se sont joint les habitants du village de Castletown dans le comté de Galway, et de financer le coût élevé d’un tournage en Technicolor.

L’Homme tranquille place en tête de distribution John Wayne (23 films sous la direction de John Ford) et l’Irlandaise Maureen O’Hara qu’il avait déjà employée dans Qu’elle était verte ma vallée (How Green Was My Valley, 1941). Le réalisateur a dévolu les rôles secondaires à des fidèles dont il aimait s’entourer et sur lesquels il exerçait une autorité patriarcale. Barry Fitzgerald, que Ford avait impliqué en 1936 dans Révolte à Dublin (The Plough and the Stars), interprète Michaleen Oge Flynn : porté sur le whiskey, il est, pour Sean, l’arbitre des bonnes manières irlandaises. ‘Red’ Will Danaher, le frère mal embouché de Mary Kate, est campé par Victor McLaglen, salué par un Oscar pour Le Mouchard (The Informer, 1935), un autre film de John Ford sur l’Irlande.

L’Homme tranquille donne de l’Irlande une vision idéalisée : la mention de la guerre civile est évacuée par une courte réplique, comme un passé révolu (alors qu’elle était au centre de Révolte à Dublin et Le Mouchard), et la camaraderie entre le curé et le pasteur donne l’image d’une cohabitation chaleureuse entre catholiques et protestants. Une volonté de John Ford d’imposer, dans tous ses films, son propre regard sur la réalité.

L'Homme tranquille

A stick to beat the lovely lady with!

L’Homme tranquille « fait comprendre la vie tribale », selon Martin Scorsese. La rudesse du comportement de Sean à l’égard de Mary Kate n’est là que pour sacrifier aux apparences, aux coutumes patriarcales, rappelées à Sean par la baguette que lui tend une villageoise pour montrer à la jolie dame qui commande de ce côté-ci de l’Atlantique. On n’est pas surpris de revivre l’un des moments emblématiques du cinéma fordien, la bagarre, ici transposée du saloon à une meule de foin, où elle commence, avant de traverser le village pour se terminer en plein champ, suivie par tous les habitants. John Ford l’avait supprimée pour une projection à Herbert J. Yates qui avait décrété que les films dépassant deux heures étaient voués à l’échec !

L’Homme tranquille diffuse une émotion et une poésie uniques, magnifiées par la beauté de la photographie du chef-opérateur Winton C. Hoch, saluée par un Oscar, trois ans après celui qui avait récompensé celle de La Charge héroïque (She Wore a Yellow Ribbon, 1949), un des grands westerns de John Ford où John Wayne et Victor McLaglen se donnaient déjà la réplique.

On attendait depuis longtemps l’arrivée en haute définition dans nos catalogues de L’Homme tranquille dont la dernière édition, sur DVD et sans bonus, remontait à 2018. Rimini Éditions comble un manque manifeste avec la sortie d’une des éditions marquantes de l’année en accompagnant le film restauré de plus de 4h30 de bonus et d’un livre de 100 pages. Cette sortie intervient un mois après l’édition, toujours par Rimini, du coffret John Ford - Premiers westerns regroupant trois des premiers westerns qu’il réalisa en 1917, Du sang dans la prairie (Hell Bent), Le Ranch Diavolo (Straight Shooting) et À l’assaut du boulevard (Bucking Broadway), inédits en vidéo, restaurés et complétés par un livret et des bonus.

L'Homme tranquille

Présentation - 5,0 / 5

L’Homme tranquille (129 minutes) et ses généreux suppléments (4 heures35 !) tiennent sur deux Blu-ray BD-50 logés, en compagnie de deux DVD-9 supportant le film et une partie des suppléments, dans un digipack à quatre volets, glissé dans un épais boîtier en carton contenant aussi un livre et quatre reproductions d’affiches du film sur cartes postales 19 x 14.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, en anglais, avec sous-titres imposés, et dans un doublage en français, les deux au format audio DTS-HD Master Audio 2.0 mono.

Le livre de 100 pages, coédité par La Plume et Rimini Éditions, intitulé Retour à Inisfree, a été écrit par Christophe Chavdia, spécialiste du cinéma et auteur de plusieurs bonus d’éditions vidéo. Divisé en sept chapitres, le livre s’ouvre sur Maurice Walsh, « auteur de pulp pastoral », confronté à la censure prônée par l’église catholique. Suivent La question irlandaise, « une histoire intranquille (…) de 800 ans de colonisation et de révoltes » depuis la conquête de l’île par les Anglo-Normands, puis All You Need Is Love, une minutieuse comparaison des deux versions de la nouvelle de Walsh avec le scénario. Le chapitre suivant, John Ford, est centré sur l’intérêt du cinéaste pour l’Irlande, la place qu’il lui accorda dans sa vie privée et dans son oeuvre. Vient ensuite, Le scénario de L’Homme tranquille, une revue des différentes versions sous la plume de Frank S. Nugent et John Ford (auquel avait contribué l’auteur de How Green Was My Valley, Richard Llewellyn, non crédité), des ajustements face à la censure irlandaise et américaine, des scènes coupées ou modifiées. Le livre se referme sur Du tournage à la postproduction, en Irlande et dans les studios de Los Angeles, et sur Sortie, postérité et muséification de L’Homme tranquille.

Bien écrit et joliment mis en page, illustré de nombreuses photos, voilà un utile complément au film.

L'Homme tranquille

Bonus - 5,0 / 5

Sur le Blu-ray 1 :

Conversation entre Cécile Cornet et Frédéric Mercier (67’, 2022, Rimini Éditions), Frédéric Mercier, critique à Transfuge, et Cécile Cornet, doctorante en cinéma, autrice de L’Écriture de l’histoire au miroir du cinéma, Les westerns de John Ford (Classiques Garnier, 2017) rappellent l’attachement de Ford pour l’Irlande qu’il avait visitée en 1921 avec son épouse et qui fut le théâtre de plusieurs de ses films : Le Mouchard (The Informer, 1934), The Plough and the Stars (1936), The Rising of the Moon (1957). Des personnages d’immigrés irlandais figurent également dans d’autres de ses films. Il donne de l’Irlande une représentation « fantasmée (…) idéalisée ». La conversation s’oriente vers une fine analyse de deux scènes. Celle de la rencontre de Sean et Kate qui préfigure la relation à venir entre les deux personnages de son film « le plus sexuel ». Et celle sous l’orage dans les ruines d’une abbaye. Les femmes sont fortes dans tous les films de Ford, particulièrement dans celui-ci : Mary Kate s’acharne à récupérer sa dot pour établir que sa volonté est à l’aune de celle de Sean.

Analyse comparée entre le film et le shooting script (10’, 2022, Rimini Éditions), le dernier état du scénario avant le tournage, par Cécile Cornet. Les différences relevées montrent la place laissée à l’improvisation par John Ford au moment du tournage pour renforcer la « puissance » du récit, notamment dans quatre scènes, celle de la rencontre entre Sean et Mary Kate, celle de leur premier baiser, celle de la chute sur le lit et la scène finale.

Film-annonce (1’51”).

Sur le Blu-ray 2 :

Innisfree, documentaire de José Luis Guerín (1990, 1.37:1, 1080i, AVC, DTS-HD MA 2.0 mono, anglais sous-titré, 108’). Le réalisateur catalan revisite les lieux du tournage dans le Connemara. Quarante ans après, le cottage de Sean n’est plus que ruines, après que le toit ait été arraché par une tornade, et la gare de Castletown est désaffectée. Les plus âgés des villageois évoquent la pauvreté qui poussait les Irlandais à émigrer aux USA. Certains revinrent, comme cette jeune passementière partie quelque temps à Pittsburg. Les enfants connaissent par coeur l’histoire de Sean et Mary Kate. Le documentaire montre la vie locale : la collecte du goëmon, la réparation des toits de chaume… Sont évoquées les figures du passé, réelles ou légendaires, les exactions commises pendant la guerre civile par les Black and Tans, miliciens à la solde des Britanniques. Rassemblés dans le pub, les anciens se souviennent du tournage du « filum » et de John Ford, « a massive director! ».

Le rêve irlandais de John Ford, documentaire de Sé Merry Doyle (Dreaming the Quiet Man, 2011, 1.78:1, 1080i, AVC, DTS-HD MA 2.0 mono, anglais sous-titré 91’). « La réalisation, c’est mon gagne-pain », disait modestement Ford. « C’était le plus grand réalisateur, mais aussi le plus méchant » affirme Maureen O’Hara. Martin Scorsese relève pourtant « son côté chaleureux (…), sa poésie », ce que confirme Peter Bogdanovich. « Il était le meilleur de sa génération, le créateur du western » pour Jim Sheridan. Il avait suivi son frère aîné Francis en Californie, était devenu figurant, acteur, assistant, puis réalisateur à partir de 1917. Il visita ses cousins Thornton en Irlande en 1921, en pleine guerre d’indépendance et fit un don à l’IRA. Il réalisa en 1942, avec le grade de capitaine de l’US Navy, La Bataille de Midway, récompensé par l’Oscar du meilleur documentaire, puis tourna une quinzaine de films de guerre. Le documentaire comporte une visite des lieux de tournage, rappelle les conventions sociales de l’Irlande, l’importance qu’y prenait la dot… La scène de la course à cheval a été réalisée par John Wayne en raison de l’état d’épuisement de Ford. Avec Joseph McBride, auteur de Searching for John Ford (Faber & Faber, 2004), Peter Bogdanovich, réalisateur de Directed by John Ford (1971), la fille de John Wayne, des Irlandais affiliés à John Ford, des proches des figurants…

L'Homme tranquille

Image - 5,0 / 5

L’image (1.37:1, 1080p, AVC), après la restauration opérée pour l’édition du soixantième anniversaire sortie aux USA par Olive en 2013, apparaît très propre, avec des couleurs ravivées du Technicolor, peut-être un peu moins saturées qu’elles ne l’étaient à l’origine, mais plus naturelles. La définition est irréprochable, jamais mise en défaut par les liserés dus aux petits décalages de superposition des trois pellicules du Technicolor trichrome.

Son - 4,5 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 2.0 mono est très propre, avec une bonne dynamique et une ouverture satisfaisante de la bande passante. Les dialogues, très clairs, sont en parfait équilibre avec l’ambiance et l’accompagnement musical, sujet à de très occasionnelles saturations.

Le doublage en français, assez propre en dépit d’un léger souffle, mais affecté par un timbre mat, l’étroitesse de sa bande passante et quelques saturations, n’a pas été pris en compte pour l’attribution de la note.

Crédits images : © Republic Pictures, Argosy Pictures

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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Philippe Gautreau
Le 16 décembre 2022
L’Homme tranquille, le film le plus personnel de John Ford, diffuse une émotion et une poésie uniques, magnifiées par la beauté de la photographie du chef-opérateur Winton C. Hoch, saluée par un Oscar. Depuis longtemps indisponible, il nous revient, pour la première fois en haute définition, dans une édition exceptionnelle.
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amis
Le 29 novembre 2022
Merci a Rimini il était temps que sa sorte en Blu-Ray.voir le test blu-ray sur https://www.cinefaniac.fr/dvd/test-1602-thequietman-johnford.htmll'audio est bien 2.0 en Français et vo
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hippocamp
Le 11 mars 2010
très bon film

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