La Vengeance est à moi (1979) : le test complet du Blu-ray

Fukushû suru wa ware ni ari

Édition collector limitée - Blu-ray + DVD

Réalisé par Shôhei Imamura
Avec Ken Ogata, Mayumi Ogawa et Rentaro Mikuni

Édité par The Jokers

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Le 26/04/2023
Critique

Fascinant film noir policier à l’ample réalisme sociologique et anthropologique, à la cruauté graphique parfois impressionnante, un des meilleurs d’Imamura.

La Vengeance est à moi

Japon, nuit du 04 janvier 1964 : un convoi de la police transporte sur une route de montagne le dangereux criminel Iwao Enokizu, escroc, voleur et psychopathe meurtrier recherché depuis des années, dont le visage était affiché dans les rues, à la télévision et au cinéma. Deux inspecteurs tentent de reconstituer ses faits et gestes depuis son enfance (où il manifeste une première tendance à la violence en 1938) jusqu’en 1964. On s’intéresse de près à la dernière période qu’il passe entre Ikebukuro (à Tokyo) et Hamamatsu dans une auberge dont la tenancière tombe amoureuse de lui. Condamné à être pendu, Iwao ne révélera ni à la police ni à sa famille le secret de sa personnalité, encore moins les raisons de ses désirs meurtriers.

La Vengeance est à moi (Fukushu suru wa ware ni ari, Jap. 1979) de Shohei Imamura obtint en 1980 le prix japonais du meilleur film, de la meilleure mise en scène, du meilleur scénario, de la meilleure interprétation (décerné à l’acteur Ken Ogata) sans oublier celui de la meilleure prise de son. Il est adapté d’un roman homonyme de Ryuzo Saki. On a parfois écrit que, après une dizaine d’années consacrées à tourner des documentaires, ce titre de 1979 marquait le retour de Imamura à la fiction ; c’était méconnaître l’aspect pourtant documentaire du scénario et du roman, tous deux inspirés par l’histoire vraie du criminel Akira Nishiguchi qui avait été recherché durant 78 jours par la police dans tout le Japon. Le scénario amplifie certes cette fourchette temporelle mais on se doute que certains détails montrés à l’écran sont tirés des faits réels. Le découpage précis de l’action (dates, heures) augmente cet effet de réel. Imamura renouait donc avec la fiction sur le plan plastique (splendide utilisation de l’écran large, mise en scène capable d’une brutale ampleur telle que l’arrivée dans la gare de Tokyo filmée caméra à l’épaule en grand angle) mais poursuivait en réalité avec acharnement sa veine thématique initiale, anthropologique et sociologique. S’il y a un film occidental auquel on peut comparer, au moins par moments (notamment le découpage spatial de certains mouvements et plans des scènes de l’auberge), ce titre d’Imamura, c’est L’Étrangleur de Rillington Place (10 Rillington Place, USA-GB 1970) de Richard Fleischer.

Le cinéma de Imamura était nourri par sa riche expérience biographique personnelle mais il existe dans sa filmographie une veine baroque plus sombre, parfois proche du cauchemar. Cette seconde veine est nourrie par la précédente mais ne se confond pourtant pas avec elle bien que ce soit l’ambition finale de Imamura de réussir à les unifier, lorsque le sujet et le budget le lui permettent : Désir meurtrier (Akai satsui, Jap. 1964) et La Vengeance est à moi constituent de telles tentatives ambitieuse, esthétiquement fascinantes. Le réalisme revendiqué du film noir policier vire, dans le cas du titre de 1979, à l’insolite et même au fantastique. Notez que l’acteur Ken Ogata retrouvera, cinq ans plus tard, un rôle similaire de criminel errant en butte à des pulsions qu’il ne peut s’expliquer, dans le remarquable film noir policier Portrait d’un criminel (Usugesho, Japon 1985) de Hideo Gosha. Dans le rôle de son père converti au catholicisme, l’acteur Rentaro Mikuni compose un assez étrange personnage. Rôles secondaires féminins savoureux, occasions de quelques scènes érotiques parfois assez graphiquement poussées.

La Vengeance est à moi

Présentation - 2,0 / 5

Combo 1 Blu-ray BD50 région B + 1 DVD9 édité par The Jokers le 29 mars 2023. Durée : 140 min. environ (durée cinéma sur Blu-ray). Image 1.85 couleurs compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio 2.0 VOSTF. Suppléments : présentation par Fabrice du Weltz et Clément Rauger (8 min. environ). Très beau menu sur le plan graphique et très belle illustration de jaquette, identique.

Bonus - 1,0 / 5

Présentation par Fabrice du Weltz et Clément Rauger (2023, durée 8 min. environ) : brève mais claire situation du film dans la carrière et la filmographie de Imamura. Rappel (inutile au cinéphile mais utile au novice) de l’ambition sociologique et anthropologique du cinéma d’Imamura. Attention cependant à quelques jugements à l’emporte-pièce : Le Profond désir des dieux (Jap. 1968) n’est ainsi pas un chef-d’oeuvre, loin de là, contrairement à ce qu’assène tranquillement Fabrice Du Weltz ; je le considère pour ma part, au contraire, comme un titre faible et décevant de la filmographie d’Imamura (il n’eut d’ailleurs aucun succès lors de son exploitation). Une lacune curieuse et récurrente ces dernières années : lorsqu’on parle de La Ballade de Narayama (Jap. 1983) de Shohei Imamura primée à Cannes, ni la traductrice Catherine Cadou (dans son bon article sur Imamura du Dictionnaire des cinéastes japonais 1935-1975, édition Carlotta Paris 2016) ni Du Weltz et Rauger dans ce supplément vidéo 2023 ne mentionnent qu’il s’agit du remake de La Ballade de Narayama (Jap. 1958) de Keisuke Kinoshita. Il faudrait tout de même le signaler lorsqu’on le mentionne afin que le novice n’aille pas penser que le jury du Festival de Cannes récompensa une histoire originale : il récompensa le traitement plastique novateur d’une histoire déjà classique et autrefois déjà portée à l’écran à partir du même roman. Bref… édition spéciale vraiment très légère sur le plan des bonus, surtout comparée à l’édition américaine Criterion qui comporte d’amples bonus et un livret (mais uniquement accessibles aux anglophones).

La Vengeance est à moi

Image - 5,0 / 5

Format 1.85 couleurs compatible 16/9, à partir d’un master restauré 4K par la Shochiku à l’occasion de son centenaire (1920-2020). Il existe une autre copie argentique éditée en 2014 par Criterion aux USA au format 1.66 alors que la plus ancienne édition Blu-ray Eureka de 2010 était déjà au format 1.85. Les diverses fiches consultées sur internet donnent toutes le 1.85 comme format d’origine, ce qui n’est pas étonnant puisque en 1979, le format 1.66 était obsolète, remplacé systématiquement et depuis longtemps par le 1.85 et par le 2.35 au Japon. Reste que cette divergence pose tout de même un problème d’histoire du cinéma, concernant le format original choisi en 1979 par Imamura qui avait, au cours de sa carrière, filmé aussi bien en format standard 1.37 (en 1970 par exemple) qu’en 2.35. Il faudrait creuser la question plus avant et, pour cela, recourir aux indispensables témoins japonais de première main et à leurs déclarations orales ou écrites. Les bonus ici fournis ne le permettent évidemment pas mais le master ayant été directement fourni par Shochiku et restauré à l’occasion de son propre centenaire, j’ai un préjugé favorable envers cette édition 1.85. Copie argentique au demeurant impeccable, sauf le premier plan du logo Shochiku et d’infimes poussières fugitives d’une fraction de seconde sur un ou deux autres plans : la restauration, concernant un film durant tout de même 2H20, est donc remarquable. Sur le plan numérique, excellente définition, colorimétrie nuancée respectée. Direction photo sophistiquée, utilisant parfois des filtres, signée Shinsaku Imeda.

La Vengeance est à moi

Son - 5,0 / 5

VOSTF DTS-HD Master Audio 2.0 : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. Excellente traduction des STF par Hiroko Govaers qui suit avec raison l’usage français et place les prénoms avant les noms de famille, y compris au générique d’ouverture. La voix originale de l’acteur Ken Ogata fait partie de ces voix que le cinéphile reconnaît immédiatement, en raison de sa sonorité particulière. Effets sonores soignés (la séance de cinéma par exemple : on a vraiment l’impression d’être dans la salle) et bonne répartition musique-dialogues-effets sonores divers. Musique signée Schinichiro Ikebe qui évoque parfois les partitions composées par Toshiyaki Tsuchima pour les films noirs policiers réalisés par Kinji Fukasaku entre 1970 et 1975.

Crédits images : © Imamura Productions, Shochiku Films

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
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francis moury
Le 26 avril 2023
Fascinant film noir policier à l’ample réalisme sociologique et anthropologique, à la cruauté graphique parfois impressionnante, un des meilleurs d’Imamura.

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