Tatouage (1966) : le test complet du Blu-ray

Irezumi

Édition collector limitée - Blu-ray + DVD

Réalisé par Yasuzo Masumura
Avec Ayako Wakao, Akio Hasegawa et Gaku Yamamoto

Édité par The Jokers

Voir la fiche technique

Avatar Par
Le 25/04/2023
Critique

Adapté d’une nouvelle de Tanizaki, un classique du cinéma japonais érotique et fantastique, appartenant à l’âge d’or de son cinéaste et de sa vedette féminine.

Tatouage

Japon, ère Edo : Otsuya vit une passion secrète avec Shinsuke, l’employé de son père car la différence sociale des deux amants interdit leur mariage. Ils trouvent refuge chez l’aubergiste Gonji qui se débarrasse de Shinsuke et contraint Otsuya à devenir geisha pour le compte du puissant proxénète Tokubei. On tatoue de force sur son dos une araignée vampire dont l’influence maléfique va la précipiter dans une spirale criminelle.

Tatouage (Irezumi, Jap. 1966) de Yasuzo Masumura, adapté d’une nouvelle de l’écrivain Junichiro Tanizaki par le cinéaste (ici uniquement scénariste) Kaneto Shindo, n’est pas le titre le plus original de Masumura : ses thèmes sont même, au contraire, assez classiques. Critique sociale féministe évoquant celles, antérieures, de Kenji Mizoguchi (dont Masumura et Shindo avaient tous deux été les assistants) ; description d’une malédiction fantastique contaminant progressivement l’héroïne et les protagonistes : le cinéma japonais les a souvent illustrés mais l’originalité provient ici du fait qu’ils sont intégrés dans une histoire qui les unifie. Il confère cependant l’un de ses meilleurs rôles de femme fatale à l’actrice Ayako Wakao incarnant ici non pas une mante religieuse mais, si j’ose dire, une araignée religieuse, victime d’un étrange tatouage d’araignée à l’influence démoniaque. Direction artistique soignée, casting homogène, sans oublier, parfois, quelques plans esthétisants et formaliste : l’action respire moins bien que dans d’autres Masumura en raison d’extérieurs filmés d’une manière volontairement resserrée mais cet aspect souvent théâtral de huis-clos obsédant augmente finalement le malaise et la tension.

Tatouage

Yasuzo Masumura (1924-1986) avait été assistant de Kenji Mizoguchi et Kon Ichikawa. Après un stage de trois ans au Centro Sperimentale della Cinematografia en Italie (il y a pour maîtres des cinéastes tels que Michelangelo Antonioni - dont Masumura fut l’un des cinéastes préférés - Federico Fellini et Luchino Visconti), il débute en 1957 à la réalisation. Son âge d’or est constitué par quelques titres de sa période 1960-1970 où beauté plastique, érotisme et représentation de la mort connaissent des noces surréalistes et parfois fantastiques, d’une puissance inégalée. Yasuzo Masumura déclarait aux Cahiers du Cinéma N° 224 d’octobre 1970 : « (…) Dans la pensée européenne, il y a, je crois, deux choses : le rationalisme et l’individualisme. Et ni l’une ni l’autre ne conviennent au tempérament japonais. (…) ».

Ayako Wakao avait tourné dans les années 1950-1960 des seconds rôles remarqués pour des cinéastes aussi importants que Kenji Mizoguchi (dont Yasuzo Masumura et Kaneto Shindo avaient été tous deux les assistants), Yasujiro Ozu, Kon Ichikawa, Tadashi Imaï, Heinosuke Gosho mais ce fut vraiment le cinéaste Yasuzo Masumura qui en fit une vedette accomplie, lui conférant des rôles de femme fatale oscillant entre Eros et Thanatos dans Passion / Svastika (Manji, Jap. 1964) également adapté de l’écrivain Junichiro Tanizaki, La Femme de Seisaku (Jap. 1965), Tatouage (Jap. 1966), L’Ange rouge (Jap. 1966). Concernant Masumura stricto sensu, Il faut au moins rajouter à cette liste assez brève son admirable et fantastique La Bête aveugle (Moju, Jap. 1969) avec Mako Midori en vedette féminine au lieu d’Ayako Wakao, pour avoir une idée du niveau de son inspiration à cette époque.

Sur le plan de l’histoire du cinéma, le rapport maléfique entre tatouage, tatoueur et femme tatouée à l’époque Edo n’est pas ici sans évoquer, pour les connaisseurs de l’histoire du cinéma fantastique japonais, certaine titres signés dans ces mêmes années 1965 par le grand cinéaste Teruo Ishii (même si ce dernier déniait tout symbolisme à ce thème : cf. notre entretien effectué à l’occasion de l’Etrange Festival 2004, archivé sur le site internet Psychovision). Tatouage prouve en tout cas que, du sang, de la volupté, de la mort dans l’histoire du cinéma japonais, le réalisateur Yasuzo Masumura demeure assurément un des maîtres.

Tatouage

Présentation - 2,0 / 5

Combo 1 Blu-ray BD25 région B + 1 DVD9 édité par The Jokers le 29 mars 2023. Durée : 86 min. environ (durée cinéma sur Blu-ray). Image 2.35 DaieScope-couleurs, compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio 1.0 VOSTF. Suppléments : présentation par Clément Rauger (15 min. environ) + bande-annonce 1966 + bande-annonce reprise. Belle illustration du boîtier mais on aurait pu proposer au verso une des affiches japonaises originales japonaises de 1966, en guise de document de première main.

Bonus - 2,5 / 5

Le Cinéma de Masumura  : entretien avec Clément Rauger (2023, durée 14’52”) : bonne présentation qui débute par quelques informations sur le cinéaste et son actrice vedette (notamment une lecture d’un intéressant jugement de Yukio Mishima sur Ayako Wakao) puis s’intéresse directement au film. Une remarque sur le cinéaste, ici scénariste, Kaneto Shindo : il est certes connu en France, ainsi que le note Clément Rauger, pour être le cinéaste réaliste (réalisme d’ailleurs très stylisé et très beau, ainsi que je l’avais écrit en 2004 lors de son édition française DVD zone 2 PAL) de L’Île nue (Hadaka no shima, Jap. 1961) mais il fut aussi célèbre auprès des connaisseurs français du fantastique pour deux titres importants du genre : Le Trou / Les Tueuses (Onibaba, Jap. 1964) et Le Chat noir / Les Vampires (Yabu no naka no Kuroneko, Jap. 1968). Reste que son oeuvre de réalisateur comporte 35 titres tournés entre 1951 et 2003 : elle demeure pour l’essentiel invisible et inédite en vidéo (magnétique comme numérique) en France. Sans parler de son oeuvre de scénariste, distribuée d’une manière encore plus erratique mais non moins riche : la preuve par cette brillante adaptation de Tanizaki qu’est le scénario de Tatouage.

Bande-annonce originale 1966 (1966, durée 2’16”, VO) : document de première main à l’état argentique très propre mais légèrement voilé et qui n’est pas sous-titré ; concernant les dialogues, ce n’est bien sûr pas regrettable puisque le spectateur peut les lire sur le long-métrage de référence mais concernant les slogans japonais 1966 de la Daiei de l’époque, dommage qu’ils ne soient pas traduits.

Bande-annonce de la reprise française cinéma (durée 1’29”, VOSTF) : c’est la même que celle déjà vu sur le Blu-ray de L’Ange rouge chez le même éditeur. Je renvoie le lecteur à la section bonus de son test.

Honorable édition spéciale bien que légère sur le plan documentaire et iconographique ; le cinéphile anglophone souhaitant des bonus plus nombreux pourra se reporter à l’édition américaine Arrow de 2021 qui comporte commentaire audio, livret illustré, présentations diverses, galerie affiches et photos.

Tatouage

Image - 5,0 / 5

Format d’origine DaieiScope-couleurs 2.35 respecté compatible 16/9, en Full HD 1080p AVC sur Blu-ray. Beau master. Matériel argentique impeccable. Définition et colorimétrie très soignées rendant justice à la direction photo de Kazuo Miyagawa qui avait signé quinze ans plus tôt celle de certains titres célèbres de Kenji Mizoguchi : Miyagawa travaille aussi bien en couleurs pour Masumura qu’en N&B pour Mizoguchi. L’ancienne édition DVD Cinémalta de 2006 était certes honorable (compte tenu des limites inhérentes à la définition de ce format à l’époque) mais cette nouvelle édition Blu-ray The Jokers la remplace dorénavant très avantageusement.

Tatouage

Son - 4,5 / 5

VOSTF DTS-HD Master Audio 1.0 : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone car le film n’a jamais eu de VF. Piste son en bon état, bien nettoyée, bien répartie entre musique, dialogues et effets sonores. Musique signée Hikaru Hayashi contenant un beau thème à cordes et percussions, exploité à plusieurs reprises et cela dès le générique d’ouverture. Les STF du générique d’ouverture s’obstinent à traduire les noms japonais à la japonaise, en plaçant le nom de famille avant le prénom. Ce respect absolu de l’ordre japonais peut certes se justifier par lui-même, dans l’absolu, mais il n’a pas été appliqué chez nous au siècle dernier car en langue française, cette inversion n’a pas lieu d’être : l’usage français doit prévaloir lorsqu’on traduit le japonais en français ; prétendre (comme on le fait souvent depuis 20 ans dans l’édition DVD et Blu-ray : pas toujours heureusement, par exemple Hiroko Govaers maintient strictement l’usage français lorsqu’elle sous-titre un film japonais) remettre cette norme en question, c’est inévitablement introduire le désordre pour les jeunes cinéphiles. Lorsqu’ils liront un article paru en 1960 ou en 1970 chez nous, ils liront « Ayako Wakao ». Lorsqu’ils visionneront les STF du générique d’ouverture du film dans cette édition 2023, ils liront « Wakao Ayako ». C’est, à terme, une source inévitable de confusion et d’erreurs pour les novices. Il vaut donc mieux s’en tenir définitivement à Ayako Wakao, comme on le faisait au siècle dernier afin d’unifier l’usage et l’ensemble de nos sources.

Crédits images : © Daiei Studios

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
Note du disque
Avis

Moyenne

4,0
5
0
4
1
3
0
2
0
1
0

Je donne mon avis !

Avatar
francis moury
Le 26 avril 2023
Adapté d’une nouvelle de Tanizaki, un classique du cinéma japonais érotique et fantastique, appartenant à l’âge d’or de son cinéaste et de sa vedette féminine.

Lire les avis »

Multimédia
Tatouage
Bande-annonce VOST

Proposer une bande-annonce

Du même auteur
(publicité)

(publicité)