Martin Roumagnac (1946) : le test complet du Blu-ray

Drame social et psychologique réaliste se transformant en âpre film noir policier, réunissant Marlène Dietrich et Jean Gabin.

Clairval et Paris, France 1935 : l’amour fou de Roumagnac (un entrepreneur en bâtiment) pour Blanche (une demi-mondaine au trouble passé parisien) provoque un crime passionnel, matière à un procès retentissant aux conséquences inattendues.

Martin Roumagnac (Fr. 1946) de Georges Lacombe (1902-1990), sorti au cinéma à Paris le 18 décembre 1946, est une adaptation par Pierre Véry et Georges Lacombe du roman homonyme de Pierre-René Wolf, inspiré par un fait-divers survenu à Rouen en 1932. Ce fut le premier film tourné en France par Marlène Dietrich et c’était aussi le premier tourné par Gabin depuis son exil aux USA en 1941. Tous deux entretenaient une liaison passionnée à Hollywood pendant la Seconde guerre mondiale : leur interprétation en est marquée et ce film en marquera aussi la dernière étape. C’est une peinture sociale âpre, réaliste (presque néo-réaliste à certains moments) qui débouche sur un drame psychologique puis sur un film noir policier au suspense intense, maintenu intact jusqu’au dernier moment.

Ce serait une erreur de croire que le film dépeint la société française de 1946 puisque son dossier de presse et la publicité de 1946 assuraient que l’action se déroule en 1935. Cet artifice chronologique (et géographique : le tournage à « Clairval » eut lieu, en réalité, à Saint-DIzier) permettait à Gabin d’incarner à nouveau un romantique hostile aux conventions sociales, frappé par le destin, dans la droite ligne des titres qu’il avait incarnés avant-guerre pour les cinéastes Marcel Carné, Julien Duvivier, Jean Grémillon. L’actrice Marlène Dietrich, femme fatale ambivalente, oscille d’une manière charnelle entre calcul et sincérité dévastatrice. Une seule incohérence, assez curieuse, du scénario : lui avoir conféré une nationalité australienne alors qu’elle parle français avec l’accent allemand. Pour le reste, excellent casting de seconds rôles et montage assez nerveux. A partir de la séquence parisienne nocturne du cabaret, au cours de laquelle Blanche révèle une facette de sa personnalité et de son histoire au spectateur (qui dispose alors d’un temps d’avance par rapport à son amant), l’atmosphère s’infléchit dans le sens du film noir policier avant de franchement s’y engouffrer. Georges Lacombe mélange donc les genres mais s’avère ici expert dans leur dosage respectif. La version intégrale ici présentée augmente encore la richesse sociologique et psychologique des personnages.

1 « digibook » (tirage limité à 3000 exemplaires numérotés) contenant 1 Blu-ray BD50 + 1 DVD9 + 1 livret de 24 pages + 1 affiche française d’époque reproduite et pliée + 10 photos N&B d’exploitation de 1946 soigneusement reproduites), édité par Coin de Mire le 28 octobre 2022. Image au format original 1.37 N&B en Full HD 1080p compatible 16/9 sur Blu-ray, compatible 4/3 sur DVD. Son DTS-HD Master Audio 2.0 mono (sur Blu-ray) et Dolby mono (sur DVD) en VF d’époque + VFSTF sourds et malentendants. Durée du film sur Blu-ray : 108 min, sur DVD : 104 min. environ. Suppléments : 1 affiche française + 10 photos française N&B d’exploitation réparties dans deux étuis du digibook, livret reproduisant intégralement le dossier presse 1946 (textes et illustrations), reproductions d’affiches diverses, couvertures de magazines (Cinévogue, CinéMonde), filmographie du réalisateur Georges Lacombe et de la collection Coin de Mire, actualités françaises d’époque, publicités françaises d’époque, bandes-annonces de films d’époque.

Livret et documents imprimés joints : le dossier presse intégralement reproduit en miniature, ses illustrations complètes, filmographie, une dizaine de photos françaises d’exploitation N&B de 1948 (14,5 x 11,5 cm) réparties dans deux étuis, une affiche d’époque (23 x 29 cm) et plusieurs affiches alternatives, filmographie de Georges Lacombe, filmographie de la collection Coin de mire (titres parus et à paraître). On le voit, cette section mentionne des documents d’histoire du cinéma dont l’intérêt et la qualité de reproduction méritent la note maximale. C’est l’exemple de ce qu’il faut faire.

Séance cinéma de 1946 : (optionnelle au menu, 1.37 N&B) : actualités Pathé-Journal (notamment Tchang-Kai-Chek prononçant un discours à Nankin) + publicités de 1946 (N&B et couleurs dont deux dessins animés publicitaires).

Scènes coupées : une dizaine environ (réintégrées au montage dans le film de référence) qui augmentent la densité sociologique et psychologique du film.

Clap de fin : une historienne parle du fait-divers original de 1932, brosse la biographie de l’auteur du roman Pierre-René Wolf, alternée au montage avec un biographe de Jean Gabin qui détaille la relation qu’il entretint avec Marlène Dietrich de 1941 à 1946. Un peu long et parfois redondant (il arrive que les deux intervenants répètent deux ou trois fois la même chose) mais contenant d’intéressantes informations (par exemple le lieu exact du tournage du film de 1946), précises et datées. Quelques photos d’archive et de tournage N&B. Quelques extraits du film aussi mais qui ne servent à rien puisqu’on vient de le visionner.

Bandes-annonces de la collection, y compris celle du film de référence de 1946 en assez bon état argentique en dépit de son âge mais un peu trop longue, comme on les aimait à l’époque. Les 5 ou 6 bandes-annonces (VF) des titres récemment édités, en majorité les bandes-annonces originales d’époque soigneusement restaurées - depuis Le Ciel est à vous (1944 N&B mais ce n’est pas la bande-annonce originale, c’est celle, beaucoup plus récente, de la reprise dans la section Cannes Classics) de Jean Grémillon à la plus récente Du rififi à Paname (1966, scope-couleurs, bande-annonce originale en revanche) de Denys de La Patellière - sont, en général, en très bon état argentique, en formats originaux variés du 1.37 au 2.35 selon les titres, N&B ou couleurs selon les titres, toutes compatibles 16/9 sur Blu-ray.